
Alcynthe est un géant, il mesure bien deux mètres, je crois même un peu plus.
Il est perché là-haut, au dessus de nous tous, il est si grand qu'il pourrait d'une seule main prendre l'un d'entre nous , le hisser vers le ciel, peut-être jusqu'aux nuages.
Lorsqu'il entre dans une pièce, un salon, une antichambre, il en occupe à lui seul la moitié, et nous tous, autant que nous sommes, nous nous serrons dans le peu d'espace qu'il nous reste.
Alcynthe a toujours été grand, je pense qu'il a dû naître grand, du plus loin que je me souvienne, je ne connais personne qui l'ai connu petit.
Alcynthe est d'un autre monde, d'une autre planète, il a brillamment réussi ses études de mathématiques appliquées, de sciences puis de brillant ingénieur pour enfin en former d'autres sans jamais avoir semblé faire le moindre effort.
Pour Alcynthe, la vie est un jeu.
Alcynthe est un enfant, il est inconséquent, se fout de tout, n'a peur de rien... de quoi voulez-vous qu'il est peur ? Il n'y a plus que lui comme géant sur cette terre, le diable n'existe pas et tous les ogres ont disparu avec la barbarie.
Alors Alcynthe s'amuse à défier toutes les règles de la réalité, s'évertue à faire des tours de magie, se fait respecter des gens érudits et reçoit l'affection des enfants qui l'adorent.
Alcynthe est un clown, un clown de plusieurs mètres...
Sa femme est raisonnable de structure psychologique comme de taille et, par le plus grand des hasards, elle a rencontré Alcynthe et ne l'a plus quitté.
Elle est ainsi contrainte de passer ses soirées, ses weekends, ses vacances avec un adolescent de plusieurs mètres.
Alcynthe, de là haut, ne respire pas notre air, ne voit pas ce que l'on voit, il peine parfois à nous comprendre et nous lui rendons bien.
Alors Alcynthe converse avec la lune, le soleil, les étoiles, de choses qui nous sont inconnues.
Il vit de rêves et de romances, d'imaginaire et de fantasque, d'irréel et de fictif, les pieds sur terre... mais la tête dans les étoiles.
Alcynthe dessine dans les nuages, personne ne devine le secret de ses gestes lents aérés, des arc-en ciel imaginaires, des fleurs à la pureté pendulaire que lui seul ne sait voir et que personne jamais ne saura recevoir.
Alcynthe a un cœur grand comme ça...
Alcynthe parfois ne supporte plus cette solitude en altitude.
Personne ne le croit ni ne l'entend plus malgré sa touchante sollicitude.
Alors Alcynthe, s’accroupit au niveau des terriens, rampe jusqu'au canapé de velours cottelé rouge carmin... dévisse le bouchon de son vice... se verse le dernier verre d'un immense Bourbon avant de plonger dans l'océan du néant.
Alcynthe rêve alors d'horizons à taille humaine...
Franck JUIN