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Billet de blog 28 mars 2024

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Théâtre : "SISYGAMBIS" L'excellence en tragédie !

de l'italien Francesco ZARZANA, comble les spectateurs du Théâtre des Enfants du Paradis (Paris 9ème)

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Levé de rideau hier soir, au Théâtre des Enfants du Paradis, sur Sisygambis, qui nous était présentée par l’italien Francesco ZARZANA (assistée à la mise en scène par Hélène Bulliard).

Une tragédie grecque revisitée, fortement ispirée de faits réels, retraçant la défaite de Darius III Codoman, et la chute de l’empire Perse, en 331 avant notre ère, suite à la victoire d’Alexandre Le Grand, vu par la reine déchue du Royaume de Perse. Darius, le « Roi des Rois » s'enfuit misérablement dans les montagnes tandis que son vainqueur entre à Persépolis et Ecbatane, laissant seules sa mère, son épouse et ses 2 sœurs.

Darius en fuite, les femmes, éternelles victimes des guerres déclarées, faîtes et orchestrées par les hommes, s’en retrouvent les premières victimes.

L’empereur Alexandre, soucieux de respecter le noble statut de la reine déchue, décide de lui laisser la vie et de la traiter avec les honneurs qu’il considère dus à son rang d’ex reine de Perse.

C’est une incarcération dorée qui attend les 4 femmes (Sisygambis ses deux filles et sa belle-fille : Roxane, Drypetides etStateira) même si Stateira finira par succomber de chagrin et de maladie.

Alexandre rend même hommage à la reine Sisygambis en la nommant « mère » à chacune de ses visites. Ceci entretient une confusion proche de ce qu’on appelle aujourd’hui « syndrome de Stockholm », lorsque la prisonnière prend sentiments pour son geôlier. Sisygambis finit par considérer Alexandre, envahisseur de son royaume et vainqueur fatal de Darius, comme son propre fils.

Stéphanie CALS joue merveilleusement bien cette Sisygambis, dans un théâtre définitivement verbal, à forte densité de texte.

Elle porte la beauté d’un jeu tout en nuances, enroulé de gestes lents et aérés, tout en puissance retenue, en pudeur étouffée, l’expression sobre d’une immense tristesse, jamais sur-jouée, en parfait équilibre et en exactitude.

Chaque scène est cousue de justesse et d’infinie précision, maitrisée avec la minutie d’une orfèvre. Un régal pour les oreilles autant que pour les yeux dans le délice de l’écriture simple et diablement efficace de Francesco ZARZANA.

Sur scène, de gauche à droite, Roxane, parfaitement interprétée par Mathilde MOSNIER développe avec talent la souffrance d’une fille de Sisygambis, Stateira, épouse de Darius, interprétée par Anne-Sophie Morillon qui porte une voix incontournable sur ce délicieux plateau de comédienne, et à la droite de Stephanie CALS, Drypetides, la seconde sœur, interprétée par l’excellente comédienne Soraya Wanda qui habite ce rôle de manière irréprochable.

Quatre comédiennes de talent dont il convient de suivre à tout prix le chemin.

Au final, avec cette qualité de distribution, indispensable à cet exercice du théâtre,

la forme est peu essentielle face à l’évidence du fond.

Ce spectacle devient, minute après minute, riche et puissant de sa totalité, de son authenticité et de la conviction de ses 4 comédiennes qui laissent peu de répit au spectateur, malgré la mise en espace moderne et minimaliste orchestrée par Francesco ZARZANA.

SISYGAMBIS nous réconcilie simplement avec la tragédie grecque qui peine bien souvent à trouver son public.

Les italiens auront la chance de retrouver cette pièce à Modène, au mois d'avril, en espérant qu’elle refera un détour par Paris et certaines salles de province.

Ce fut un délice de théâtre tragique, classique... mais avec une pointe de Zarzana !...

Franck JUIN

photo Serge TIAR

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Pièce Sisygambis aux Théâtre des Enfants du Paradis © Franck JUIN

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