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Billet de blog 6 févr. 2018

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Les enjeux de l’élection brésilienne d’octobre 2018

La condamnation en appel de Lula, au delà des mécontentements qu'elle suscite, doit être mise en relation avec la future élection présidentielle brésilienne.

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L'ancien président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva vient d’être condamné en appel à 12 ans de prison pour « corruption passive » et « blanchiment d’argent ».
Outre les vagues d’indignations venant d’intellectuels du monde entier que cette sentence a suscitées et qui dénoncent un procès non équitable, cette sentence influence directement l’élection présidentielle d’octobre 2018 au Brésil dont elle ne peut être dissociée.

En effet, au-delà de la question de la culpabilité de Lula, c’est le futur du Brésil qui est concerné. Car si Lula est effectivement condamné, il ne pourra se présenter pour effectuer un nouveau mandat à la tête du Brésil. Dès lors, le favori qui émerge parmi les autres candidats s’appelle Jair Bolsonaro, les sondages le situant en deuxième position derrière l'ancien président Lula da Silva, Bolsonaro passerait en tête des intentions de vote…
 
Mais qui est cet homme que le monde connait finalement assez peu ?
 
Il est le député fédéral de Rio de Janeiro et membre du Parti social-chrétien, qui pourrait soutenir sa candidature à l’élection présidentielle de 2018.
 
Si sa candidature interroge, c’est qu’il est l’un des représentant du puissant lobby des BBB (pour « Balle, Bible, Bœuf »), qui regroupe les parlementaires liés aux intérêts de la police militaire, des églises évangélistes et de l’agrobusiness. Ceux-là même qui ont participé à la procédure de destitution organisée contre Dilma Roussef et qui se sont toujours opposés aux politiques sociales du Parti des Travailleurs.
 
La portée de la décision de la cour d’appel concernant Lula est donc à replacer dans le contexte de l’élection présidentielle et ne peut se réduire à la seule légitimité de sa condamnation.
 
Dans ce cadre, la condamnation de Lula, derrière la tentative de lutte contre la corruption au Brésil, s’inscrit dans un processus avant tout politique, opposant les tenants d’un Brésil plus social à ceux prônant l’ultra libéralisme et notamment le désengagement de l’Etat Fédéral.
 
Outre son appartenance au lobby des BBB, les différentes prises de position de Jair Bolsonaro sur des questions sociétales le rapproche d’une frange extrémiste qui défend une élite ethnique et économique aux dépends du reste de la société : il se proclame en faveur de la peine de mort, défend les violences corporelles contre les enfants qui présentent des tendances homosexuelles, se déclare contre l'union civile entre deux personnes de même sexe… Il propage aussi des préjugés racistes à propos des peuples indigènes, présumés « malodorants » et « non éduqués ».
  
Dans un pays qui se veut comme l’incarnation de la tolérance ethnique, qui fonde ses principes sur le multiculturalisme et qui valorise le rôle du métissage dans le développement de la société brésilienne moderne, ses positions sont régressives. Il est à l’opposé d’un Brésil progressiste et solidaire, celui d’une intervention de l’Etat dans la vie économique du pays pour réduire les inégalités, celui de l’aide apportée aux plus démunis.
 
Pourtant il est bel et bien l’homme que les urnes pourraient porter au pouvoir en cas de non-participation de Lula aux élections Brésilienne d’octobre 2018.
 
Historiquement, le Brésil a été influencé dans sa construction politique et sociale par les modèles états-uniens et français. La France tout d’abord, avec la volonté d’alphabétiser le Brésil sur le modèle de l’école de Jules Ferry dans les années 1880 ainsi que l’importation du positivisme dans la seconde moitié du XIXème siècle, afin d’être enseigné dans les écoles militaires visant à former les élites politiques du pays. Ces dynamiques inspirées du modèle français ont été adossées dans un second temps par une construction d’un Etat Fédéral sur le modèle des Etats-Unis, du fait de l’immensité du territoire brésilien.
 
Si les politiques sociales du Parti des Travailleurs portées par Lula puis Dilma Roussef sont plutôt inspirées de la France avec une intervention de l’Etat dans la vie économique et sociale du pays, la possible élection d’un homme politique soutenu par un groupe de pression prônant les valeurs de l’ultra libéralisme, de l’accroissement des armes dans une société suffisamment violente ainsi que l’immiscions d’une religion dans la vie politique apparait plus proche du récent exemple de leurs voisins du Nord.
 
Une telle élection pourrait donc porter un ‘’second Trump’’ à la tête du Brésil, soutenant le mouvement de privatisations des entreprises d’Etat, négligeant la protection du biome amazonien, accentuant les violences et diminuant l’aide aux plus nécessiteux, pourtant si nombreux au Brésil.
 
La question de la condamnation de Lula en appel, plus qu’une question de justice équitable, interroge sur l’avenir du Brésil face à la possibilité de porter un homme tel que Jair Bolsonaro au pouvoir. Par ailleurs, la condamnation de Lula, loin de diminuer son influence sur la politique du Brésil pourrait se montrer au contraire prépondérante dans l’orientation que prendrait ce pays dans les décennies à venir, et ce, malgré lui.
 
Faute d’une offre politique suffisamment large et crédible, la sentence de ce procès soulève donc les opportunités d’orientations d’un Brésil futur, celui que les Brésiliens voudront construire.

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