A vingt mètres, venant en sens inverse sur l’avenue d’Italie, je vois C. mais je ne reconnais d’abord que son visage sans pouvoir l’identifier. Je devrai peut-être le saluer, je cherche à toute hâte qui il est pour pouvoir lui dire bonjour et peut-être plus. Il a vu que je le regardai déjà de loin, j’ai cessé de le faire, lui a aussi détourné le regard, je me concentre sur ma recherche.
En arrivant à sa hauteur, j’ai trouvé qui il est et me tiens prêt à lui dire bonjour, mais il ne retourne pas son regard vers moi, continue tout droit. Il semble battu par la vie, battu comme un chien, abattu. Ses épaules sont légèrement affaissées, sa barbe un peu négligée, il traîne le pas sans être lent pour autant. Je le trouve petit par rapport à mon souvenir.
Je crois qu’il m’a reconnu lui aussi. Et je crois encore qu’il préfère que nous ne nous reconnaissions pas aujourd’hui. Peut-être une misère qui a besoin de l’abri de l’anonymat, de la solitude, là où les meurtrissures ne se marquent pas davantage. À l’écart des convenances et des conversations importunes, comment ça va et toi, pas mal, pas mal, pas mal, mal.
Nous nous saluerons une autre fois.