Franck Mehdi (avatar)

Franck Mehdi

Abonné·e de Mediapart

21 Billets

1 Éditions

Billet de blog 28 août 2019

Franck Mehdi (avatar)

Franck Mehdi

Abonné·e de Mediapart

Frankie

Cinéma L'Escurial, Paris, 13e arrondissement, mercredi 28 août 2019

Franck Mehdi (avatar)

Franck Mehdi

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’une des difficultés auxquelles doit se confronter le spectateur de Frankie est de dépasser la bande-annonce du film, vue et revue au cours d’une campagne promotionnelle dont le début a coïncidé avec le début de l’été. Les éléments de dialogue, auparavant isolés en autant de paroles marquantes, viennent s’intégrer dans une continuité plus ample et une temporisation justifiée par le thème du récit. Parfois, leur placement différent dans la séquence du long-métrage crée même un léger décalage. Un effet semblable se produit autour de la musique, limitée à quelques notes de piano isolées et à une envolée de cordes dans la bande-annonce, et qui joue de la répétition et d’une plus grande diversité de motifs dans le film lui-même.

Pourtant, la promesse centrale ne varie pas : il s’agit bien d’une forme de star vehicle pour Isabelle Huppert et l’enjeu principal du film reste le plaisir de regarder une performance à l'écran. De ce point de vue, l’interprétation de l’actrice évolue en terrain connu. Il reste un halo du jeu développé dans Elle, une sécheresse un peu claquante dans la répartie, une façon d’assener les évidences et de laisser à l’occasion le regard se substituer à la parole sans que l’ambiguïté y gagne le moins du monde. Dans chacun des deux films, la relation de pouvoir entre mère et fils souligne davantage encore cette parenté dans le style de jeu.

Mais il y a aussi des moments uniques, privilégiés, où Huppert laisse passer quelque chose de troublant : c’est un geste simple qui manque sa cible dans le premier plan au bord de la piscine, et qui est à refaire ; c’est une bouche mi-ouverte dans la scène de l’anniversaire, comme tentée de parler à plusieurs reprises, comme si la décision de retenir sa parole était reconduite de seconde en seconde.

Ces hiatus, aussi infimes soient-ils, sont la plus vibrante expression d’une séparation à venir—avec le monde comme avec les proches qu’a réunis Frankie. Sans eux, le film en resterait à un traitement plus platement narratif et thématique, dans le cadre éblouissant d’un Portugal où, au-delà du cinéma, Européens et Américains viennent aujourd’hui quotidiennement mettre en scène leurs existences.

Post scriptum : le dernier plan, plus saboté que raté, est une énigme du processus de création (ou de post-production). Sans en révéler la teneur, il pouvait apporter au film une dernière note inattendue, tenue et prolongée à l’extrême jusqu’au générique. Une sortie de scène accélérée a été malheureusement préférée.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.