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Le drame de la solitude c'est qu'elle est invisible, à nos yeux comme à celle de notre communauté humaine : celle de l'étudiant qui peine à se nourrir pour étudier dans de bonnes conditions, celle de l'auto-entrepreneur livré à lui-même dans son appartement, celle des parents, et plus particulièrement des familles monoparentales, où le temps pour soi n'existe plus, celle de nos aîné-es qui ne comprennent plus les règles d'une ville qui va vite... les habitants se croisent sans se connaître, isolés derrière leurs portes ou leurs écrans.
Longtemps perçue comme une question intime, la solitude est devenue un défi collectif.
Elle est le symptôme d’une société fragmentée, où les liens se distendent, où le numérique remplace trop souvent la rencontre, où les rythmes de vie effacent le temps de la relation.
On peut donc être entouré et pourtant seul mais ce n’est pas une fatalité.
C’est le résultat d’un déséquilibre : trop de vitesse, pas assez d’attention ; trop de performance, pas assez de présence.
Le lien, enjeu central
Je crois profondément que les prochaines élections municipales doivent faire de la lutte contre la solitude un enjeu central.
Parce que c’est à l’échelle de la commune, au plus près des habitants, quelle que soit sa taille, que l’on peut retisser les liens du quotidien.
Dans les écoles, les maisons de quartier, les parcs, les associations, les commerces, les cafés mais aussi dans nos rues, sur nos places ...partout où la vie locale se joue.
Partout, les politiques municipales veulent protéger du mal-logement, des canicules, de l'insécurité ... trop souvent elles oublient la question du mal-être.
Une ville, un territoire qui fait le choix du lien, c’est une ville, un territoire qui protège, qui accueille, qui prend soin.
C’est une ville, un territoire qui rend à chacun sa place dans la communauté.
Ce que d’autres villes ont déjà réussi
Partout en Europe, des initiatives inspirantes existent.
À Barcelone, un Réseau municipal contre la solitude coordonne associations, services sociaux et commerces pour détecter les personnes isolées.
À Paris, les “volontaires du lien” rendent visite à leurs voisins âgés ou handicapés.
En Bretagne, des cafés associatifs et des bibliothèques hybrides mêlent culture, entraide et accompagnement administratif.
À Strasbourg, des étudiants partagent leur logement avec des seniors en échange de services rendus.
Ces initiatives prouvent qu’il est possible d’agir. Qu’aucune situation d’isolement n’est inéluctable dès lors qu’on en fait une priorité publique.
Dix propositions pour retisser le lien
Face à ce défi, les communes peuvent agir concrètement.
Voici dix propositions simples et efficaces pour faire reculer la solitude dans nos villes :
1. Créer un réseau local de repérage de la solitude
Dans chaque quartier, des référents du lien social réunissant associations, services municipaux, commerçants et soignants, pour repérer les personnes isolées.
2. Ouvrir des lieux de convivialité accessibles à tous
Des cafés associatifs, des maisons de quartier, des bibliothèques vivantes, ouverts le soir et le week-end, avec des activités culturelles, sportives, solidaires.
3. Développer l’habitat intergénérationnel et partagé
Des étudiants avec des seniors, des familles en colocation solidaire, des résidences avec espaces communs pour recréer la proximité.
4. Rendre les services publics plus humains
Un double accès en ligne et en personne pour les démarches du quotidien.
Et surtout : des agents municipaux formés à repérer la détresse ou la solitude.
5. Soutenir les initiatives citoyennes
Simplifier l’accès à un local, à un petit financement, à une autorisation d’événement. Valoriser le bénévolat de quartier comme un bien commun.
6. Mettre en place un programme municipal de visites et d’appels de convivialité
Des visites à domicile ou des appels réguliers réalisés par des bénévoles, des jeunes en service civique, des associations locales, en lien avec les CCAS.
7. Aider à franchir la barrière numérique
Des ateliers gratuits d’initiation pour les seniors et les publics éloignés, afin que la technologie rapproche au lieu d’isoler.
8. Faciliter la mobilité solidaire
Des transports à la demande pour permettre aux personnes isolées de rejoindre les marchés, les événements, les services publics, les lieux de vie.
9. Aménager la ville pour favoriser la rencontre
Plus de bancs, plus de places, plus de jardins. Des espaces publics pensés pour la conversation, pour le partage, pour le simple fait d’être ensemble.
10. Créer un budget participatif du lien social
Dédier une partie du budget municipal à des projets de quartier qui rassemblent : repas partagés, jardins collectifs, ateliers créatifs, fêtes de rue, initiatives solidaires.
Faire reculer la solitude, c’est faire revivre la République du quotidien
La solitude n’est pas seulement un problème social : c’est une question démocratique.
Une société qui laisse ses habitants s’isoler perd le sens même du collectif.
C'est pourquoi, à Toulouse, je proposerai qu'une délégation d'élu-e et un budget adapté soit consacré à cette question.
Recréer du lien, c’est restaurer la confiance, redonner du sens à la citoyenneté, replacer l’humain au cœur des politiques publiques.
C’est, au fond, choisir une autre vision de la ville : une ville vivante, ouverte, fraternelle.
Nous avons besoin de villes qui réparent, qui relient, qui écoutent.
De villes où personne ne se sente invisible.
Parce qu’une ville, ce n’est pas seulement un territoire.
C’est une communauté humaine.
Et cette communauté, c’est à nous de la reconstruire.