Il est étonnant de voir comme chacun peut interpréter un texte à l’aune de ses préoccupations. Ainsi en est-il de la proposition de loi 1856 (devenu 1925). Des mères qui ont subi des violences craignent que la résidence alternée soit imposée à tous les enfants des couples séparés. Notre collectif qui œuvre pour l’égalité parentale et un rééquilibrage des temps de résidence en a une toute autre lecture.
Le projet propose certes d’instituer la résidence des enfants chez chacun des parents. Mais comme l’a dit ce matin encore, Erwann Binet co-rapporteur du projet, sur France Inter il ne s’agit que d’un changement de vocabulaire, de forme et non de fond même si le poids des mots a son importance. Il n’y aurait plus ainsi de « sur-parent » (qui a la garde de l’enfant) face à un « sous-parent » (qui voit son enfant au mieux un week-end sur deux).
Mais les mots ne soignent pas tous les maux et particulièrement ceux des enfants qui ne voient plus du tout, ou très peu, l’un de leur parent et pour qui la proposition n’apporte pas de solutions.
Il est temps que les parents solos, les parents victimes de violence, (une femme battue meurt tous les 2 jours ; 2 pères par jour se suicident après perte du lien parental), les parents irréprochables (15% de femmes) et néanmoins exclus de la vie de leur enfant, les coparents, fassent cause commune autour de l’intérêt de l’enfant.
Car nous le répétons une nouvelle fois, le bien être, le bonheur, l’équilibre psychique de l’enfant est le cœur de notre combat même si des réactionnaires de tous horizons s’acharnent à dire le contraire. Et nous pensons, contrairement de ce qu’a affirmé par exemple le docteur Pierre Lévy-Soussan, médecin psychiatre et psychanalyste sur Canal+ le 15 mai 2014, qu’un enfant a besoin de ses deux parents, que le mal être des enfants est indéniable lors d’une séparation mais il est atténué quand l’enfant voit ses deux parents régulièrement et très fréquemment.
Un contact en pointillé, particulièrement quand le parent éloigné souhaite davantage, ne suffit pas à maintenir un lien durable. Comment l’enfant peut –il avoir le sentiment d’exister encore pour son parent tenu à distance quand il ne connait pas ou peu sa vie ? Ainsi lors de la naissance de demi-frères ou sœurs par exemple ? Comment maintenir l’importance des choses minuscules qui font notre vie à tous et encore plus celle des enfants quand les rencontres sont espacées ?
Nous pensons que lorsque les deux parents demandent la résidence de leur enfant, le socle sur lequel doit s’appuyer la décision de justice est l’égalité des temps de résidence. Et ce n’est qu’à partir de ce principe de base, à la différence de ce qui se fait aujourd'hui, qu’un aménagement pour l’intérêt de l’enfant doit être trouvé. C’est aussi le message envoyé ce jour par des pères et des mères dans l’action depuis la cathédrale de Strasbourg !
D’autre part promouvoir tous les dispositifs favorisant le dialogue et la résolution à l’amiable plutôt que la confrontation nous paraît indispensable. Or, pour apaiser-éviter les conflits douloureux et sans fin, la proposition de loi s’en tient à conseiller la médiation familiale. Nous pensons que la médiation doit être obligatoire et doit aboutir à un accord. Et c’est seulement faute de cet accord qu’un juge doit intervenir. Cette obligation aurait ainsi pour conséquence secondaire d’alléger le travail des juges submergés de dossiers et à qui les gouvernements successifs ne donnent pas les moyens de travailler dignement.
Enfin sanctionner les non représentations d’enfants par une amende est une prise en compte par le législateur du problème de l’appropriation de l’enfant par un parent et de la souffrance qu’elle engendre chez l’enfant privé de son autre parent. Mais quid des moyens de police et de justice mis en place pour son application ?
Nous sommes reconnaissants aux parlementaires de cette proposition de loi d’avoir remis l'ouvrage sur le métier. Il nous apparaît cependant que celle-ci prend les choses à l’envers en reconnaissant aux beaux parents des droits, alors que ceux de centaines de milliers de parents sont encore bafoués ou non exercés. Ce texte reste à la fois trop timide et trop flou et nous continuons à proposer aux parlementaires notre collaboration, au sein d’un collectif plus vaste qui réunirait des mères et des pères, parents-solos, homos, exclus, victimes, afin que la cause des enfants de familles séparées avance notablement.
Afin que cette proposition ne diverge pas trop de son orientation initiale, nous appelons les députés à rester très vigilant et à défendre courageusement les idées les plus justes. Pour illustrer nos inquiétudes, nous pourrions citer plusieurs amendements. Par exemple, l'amendement CL53. Il prévoit que le refus de représenter un enfant mineur est justifié et ne doit pas donner lieu à poursuite pénale si la représentation de l’enfant ferait courir un "danger" à l’enfant (en cas de risque d’enlèvement du mineur à l’étranger ou en cas de violences du père).
Cet amendement nous semble aller dans le mauvais sens. S'il est vrai que les enlèvements et les violences sont une réalité il appartient de ne pas instaurer dans l'esprit de la loi que de simples suspicions d'un parent l'autorise à contourner les droits de l'autre parent. Si un parent craint un enlèvement ou des violences, il lui est possible d'obtenir dans un délai très rapide un document du procureur permettant de suspendre les droit de visite du parent soupçonné le temps de l'enquête.
Valider l'amendement CL53 en l'état c'est encourager les fausses accusations. Elles sont déjà bien trop fréquentes, et très rarement punies. Et si un parent souhaite modifier le mode de résidence légal de l'enfant du fait que l'autre parent n'exerce pas son droit de visite il lui faut saisir le Juge des affaires familiales. L'amendement CL53 fait ainsi valoir que la suspicion et la toute puissance arbitraire d'un parent sur l'autre est de droit. L'amendement CL53 comme beaucoup d'autres doit donc être rejeté.
Si lutter contre les violences conjugales est légitime, il convient d'en parler à bon escient et de faire attention à ne pas dénaturer des textes de lois par des ajouts pouvant introduire des biais qui ouvrent la porte à une justice arbitraire et aléatoire. Dans les cas complexes, il convient de laisser au Juge le soin de décider de ce qui est juste.
Comment se fait-il alors que depuis un an que ces questions de violences supposées ou réelles reviennent sans cesse sur le devant de la scène sans être davantage étayées, qu’elles n’aient pas donné lieu à la mise en place d’une Commission d’Enquête Parlementaire. De même que pour tous ces errements qui abondent dans les Cours d’Injustices Familiales ?
Dans une société hantée par de multiples crises, dont celle des rapports entre les sexes, l’enfant doit cesser d’être balloté comme une marchandise. Aux parlementaires de montrer leur courage en étant à la hauteur de la tâche qu’ils se sont vus confier. Cela passe sur ce sujet par la mise en œuvre d’un véritable projet politique de redéfinition de liens durables au sein des familles en faveur de l’enfant et dans le respect de tous ses membres, ce en écoutant les parents-citoyens !
Signé : Le Collectif De l’Egalité Parentale Pour Nos Enfants !
A lire par ailleurs :
Les spécialistes de la petite enfance pour la résidence alternée :
http://www.lefuret.org/COMMUNIQUE_09_12_2013
Tribune de l'association Osons les pères parue dans Libération
http://www.liberation.fr/societe/2014/05/16/les-derives-inquietantes-de-la-loi-famille_1018851
Pétition de femmes et de mères pour la résidence alternée.
Sébastien Ledoux et Stéphanie Hain
Le Collectif Pour l’Egalité Parentale : Ce mercredi 16 avril 2014, des pères et des mères sont reçu-e-s à l’Assemblée Nationale.