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Billet de blog 4 janvier 2024

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DANGER DE GUERRE MONDIALE : JOFFREIN...OU ACCÉLÉRATEUR ?

Comme Munich à Sion... et à Kiev ? Quand un éditocrate est incapable de dire "halte au massacre !"

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Lettre en ligne de Laurent Joffrin, 3 janvier 2024 (alors que celle de la veille fronçait un début de sourcil devant le massacre des Gazaouis)

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Les faux réalistes pressent les démocraties de céder à Poutine. Ils croient mettre fin à la guerre. Ils ne feront que l’encourager.

Voici revenu l’esprit de Munich… Après tout, peut-on se dire, n’est-il pas temps de mettre fin à cette guerre qui tue tant de braves gens et déchire l’Europe ? Faisons la part du feu, négocions avec Poutine, laissons-lui ce qu’il a gagné – un cinquième du territoire ukrainien – et arrêtons les frais. Ainsi on terminera une guerre qui ne mène à rien, qui oblige les Européens et les Américains à des dépenses inconsidérées, qui entretient au cœur du continent un conflit qui risque, à tout moment, de dégénérer en affrontement continental, qui mobilise des ressources dont les populations ont le plus grand besoin par ailleurs.

Tel est le discours des munichois d’aujourd’hui. À l’instar des partisans de « l’apaisement » dans les années trente, qui pensaient préserver la paix en cédant aux dictatures, certains croient qu’en se courbant devant les maîtres, on s’attire leur bienveillance. Erreur historique. L’abaissement des démocraties – il s’agit bien de cela – loin de les apaiser, encourage les tyrans.

La population ukrainienne, qui adhère à nos valeurs démocratiques, ne veut pas offrir à Poutine une quelconque victoire. Elle veut préserver son indépendance, conserver son territoire et choisir le mode de gouvernement qui lui convient. Et, donc, ne rien concéder au voisin russe qui a juré sa perte. Tel est l’enjeu. Faut-il, au nom d’un soi-disant réalisme, trahir les Ukrainiens qui sont nos alliés, plier devant ce pouvoir russe autoritaire, antidémocratique, réactionnaire et impérialiste ? Funeste tentation, à laquelle, en d’autres temps, Churchill avait répondu d’avance : « Vous avez choisi le déshonneur pour éviter la guerre. Vous aurez la guerre et le déshonneur ».

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Le 30 septembre 1938, Hitler progresse de manière importante vers un objectif méthodiquement poursuivi depuis sa venue au pouvoir : assommer militairement la France sans que l'Angleterre ait pu s'y opposer, pour avoir les mains libres en Europe et conquérir en toute tranquillité d'immenses territoires slaves.

La lâcheté a bon dos, tout comme le pacifisme (autre tarte à la crème à propos de Munich et de l'apaisement d'Hitler). C'est l'intelligence qui manque le plus.

La défense nationale n'est pas plus contestée à Paris qu'à Londres mais on espère que ses budgets énormes, au détriment du bien-être et de la santé des larges masses, suffiront à dissuader Hitler, dont on ne perçoit le talent ni comme chef ni comme comédien.

L'URSS inquiète au moins autant que l'Allemagne, regardée comme un animal étrange dont le gouvernement devrait bien finir par tomber, et l'anticommunisme, en vogue depuis 1917 des deux côtés de la Manche, est manié par Hitler comme une cape de torero.

Le chef allemand mène, d'autre part, une guerre au long cours contre la Société des nations et toute idée d'arbitrage supranational. Le crime de Munich est d'abord là : si Hitler veut causer, qu'il revienne d'abord à Genève, alors qu'il a déserté la SDN dès octobre 1933 sans subir la moindre sanction. Nul ne pense à imposer ce processus car on s'est laissé progressivement impressionner par une montée de la tension orchestrée par Berlin depuis le mois de mars, qui a semblé amener le monde au bord de la guerre et amené à saisir l'offre "de la dernière chance" d'une discussion en terre allemande.

Est-il besoin de préciser que l'Allemagne n'était pas en situation de déclencher ladite guerre et n'en avait, en fait, nulle intention ? Il devait en aller tout autrement un an plus tard grâce aux progrès de son armement et de ses fortifications, à la neutralisation de la Russie dans un pacte, aux capacités défensives de la Pologne inférieures à celles de la Tchécoslovaquie... et au précédent de Munich, induisant à croire qu'une fois de plus Hitler allait reculer !

Nos descendants seront stupéfaits qu'on ait pu rapprocher cette conjoncture de celle de 2023, et Poutine le pachyderme d'Hitler le feu follet.

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PS.- Si Churchill avait dit cela PUBLIQUEMENT, Hitler serait mort dans son lit ! Il se contentait de le murmurer dans les salons et parlait à Chamberlain beaucoup plus courtoisement, dans un effort précoce pour enfoncer des coins entre lui et Halifax.

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