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Billet de blog 9 janv. 2023

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"Hitler arrive trop tard à Florence pour empêcher Mussolini d'attaquer la Grèce"

Une thèse aussi répandue que stupide / Les ravages de la sous-estimation du chef nazi

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Ce livre de Romain H. Rainero expose en grand détail la genèse de l'agression italienne du 28 octobre 1940, dont l'échec commence à sonner le glas du fascisme.

Un veto nazi contre un tel projet est clairement signifié à Rome dès l'été et il est faux que Mussolini passe outre. Il est exact en revanche qu'il soit irrité par la signature d'un traité entre la Roumanie et l'Allemagne sans qu'il ait été consulté, et qu'il dise devant Ciano , le 12 octobre, qu'il mettra Hitler devant le fait accompli en Grèce.

Cependant il prévient bel et bien le Reich quelques jours à l'avance. Hitler avait tout le temps de rééditer son veto et s'il ne le fait pas c'est que cette attaque sert ses projets, en l'aidant à resserrer sa propre emprise sur les Balkans, dans la perspective de son agression contre l'URSS.

On trouvera dans mon livre sur Montoire (1996) toutes précisions utiles sur le fait que Mussolini n'avait pas osé persister dans sa résolution de "mettre Hitler devant le fait accompli" mais l'avait au contraire averti de sa "décision irrévocable" d'attaquer la Grèce, sans toutefois préciser la date mais en la disant imminente ("prestissimo"), par une lettre du 22 octobre. Ces faits avaient été établis et publiés par Renzo De Felice au plus tard dans le tome correspondant de sa monumentale biographie du Duce, sorti en 1990.

En négligeant ces données, ceux qui persistent à colporter la version traditionnelle ne nous apprennent rien sur cette époque mais beaucoup sur la nôtre, et rien sur l'histoire mais beaucoup sur l'historiographie. Ils persistent à considérer, au moins par moments, ces dictatures comme un objet non d'études mais de railleries faciles et approximatives. Surtout, ils s'engluent dans le mythe d'un Hitler paresseux qui ne planifie rien et réagit sans cesse, de façon brouillonne et passionnelle, à une conjoncture qu'il ne maîtrise pas.

En fait,  Hitler contrôle son vassal beaucoup mieux que cela. S'il attaque c'est que cela sert le plan nazi, dans ces premiers mois de l'inattendue et très angoissante résistance churchillienne, qui oblige l'Allemagne à réinvestir immédiatement contre l'URSS les gains de la victoire de mai-juin et, donc, à sécuriser le flanc balkanique de son attaque, aux frais des autres si possible.

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