A peine élu et déjà aux abois, Macron semble continuer la tradition ouverte par Chirac et poursuivie par ses deux successeurs : doués pour se faire élire, les derniers présidents de la Cinquième République sont, une fois au pouvoir, comme un poulet qui a trouvé une brosse à dents. Chirac 1995 s'est condamné à une cohabitation, Chirac 2002, Sarkozy et Hollande s'en sont préservés par la coïncidence du mandat réduit à cinq ans avec celui des députés, mais ils ont dû céder la place au bout de ces cinq ans... et Macron va peut-être affronter une cohabitation immédiate. La liste des candidats "En marche" (vers le néant ?) témoigne en tout cas d'une panique, tant par le retardement de sa publication complète que par sa composition qui, d'une manière ou d'une autre, fait une large place aux politiciens chevronnés. Tout le monde pensait, moi le premier, que ces derniers allaient se précipiter vers les mangeoires au cas où la victoire du 7 mai serait large, et que le trentenaire prendrait un plaisir sadique à faire le tri. En fait, non seulement les "socialistes" et les "républicains" ont pour l'instant stoppé l'hémorragie, mais c'est Macron qui est réduit à la danse du ventre et peine même à retenir son centre. Beaucoup attendaient avec confiance pendant toute la campagne que la mayonnaise "et droite et gauche" se dissocie en chemin. Elle a tenu jusqu'au port, mais les équipages se mutinent sur le quai.
C'est là, pour peu qu'elle se confirme, une excellente nouvelle pour la démocratie comme pour la république. Le pouvoir législatif, corseté depuis des décennies par une application fautive de la constitution, fait un retour en force sous la pression des événements nationaux et mondiaux, tandis qu'une opération de promotion, secondée par des médias de plus en plus monopolisés ces dernières années, se fracasse sur la réalité. Reste à savoir si la gauche convalescente, sous le leadership encore fragile de la France insoumise, va être à même de damer le pion à une droite délivrée du boulet de Fillon et de la tentation frontiste.