
Date de parution: 25/09/2019
Résumé
Le 21 avril 1939, le gouvernement Daladier adopte un décret-loi qui modifie la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 en y introduisant les délits d’injure et de diffamation à caractère « racial ». Considérée comme la première loi antiraciste française, la « loi Marchandeau » vise alors tout particulièrement la propagande antijuive. Abrogée sous l’Occupation, elle est rétablie au lendemain de la guerre, avec le reste de la législation républicaine.
On croyait l’antisémitisme et le racisme disparus dans les décombres du national-socialisme et du vichysme : ils se révèlent actifs et pugnaces dans le contexte politique de l’épuration, de la guerre froide et de la décolonisation.
Plongée inédite dans les procédures judiciaires qui, de l’antisémitisme nazi à l’antisionisme radical en passant par les racismes anti-Noirs, anti-Arabes ou anti-Blancs, ont ponctué l’histoire de la France contemporaine, cet ouvrage constitue une éclairante histoire de l’antiracisme. À l’épreuve des faits et des procès, il propose une analyse des tensions inhérentes à la démocratie, autour des minorités et de la liberté d’expression, et une interrogation sur le pouvoir de la loi face aux campagnes de haine et aux préjugés.
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Un an après ce livre, l'auteur publie sur son blog un article qui précise sa vision de la France entre 1933 et 1940. Il écrit notamment :
La IIIe République finissante a été le terrain de luttes idéologiques qui ont profondément affaibli le moral des Français, fragilisé la cohésion nationale, préparé la défaite et les années de soumission qui s’en sont suivies. Ce n’est pas l’Histoire qui se répète. C’est le présent qui donne à lire des séquences sinistrement familières en convoquant des forces et des principes qui se sont déjà affrontés dans le passé : une idéologie mortifère, revancharde et conquérante ; une démocratie, forcément mal armée pour se défendre contre ses ennemis ; une liberté chérie, qui fait à la fois la grandeur et l’immense faiblesse du régime ; la volonté et les valeurs qui se délitent face à la menace, toujours plus prégnante, toujours plus imminente ; la spirale des renoncements ; la résistance progressivement diminuée et isolée ; le sursaut, trop tardif ; l’impossible rattrapage du temps perdu…
Emmanuel Debono semble avant tout soucieux de faire honte à la France d'aujourd'hui, en la dépeignant comme infiltrée par un ennemi sournois, qui préparerait son invasion. Pour ce faire, il lui rappelle que dans les années 1930 elle s'exposait sans une protection adéquate à la foudre qui allait la dévaster au début de la décennie suivante.
Laissons pour l'instant le terme contemporain de ce rapprochement, pour nous concentrer sur le tableau des années trente.
Il est tout à fait révolutionnaire ! Rares sont en effet, en cette année d'anniversaire décennal de la déroute de 1940, les écrits
- qui inscrivent dans les causes principales, voire dans les causes tout court, de l'événement, l'oubli, par la grande masse de l'opinion et de ses maîtres à penser, de l'intention affichée dans Mein Kampf de conclure le match franco-allemand par une revanche définitive;
- qui rappellent avec une clarté suffisante que le futur ennemi était présent et agissant sur le sol national, par des agents de propagande nombreux et variés dont le moindre n'était pas Louis-Ferdinand Céline, nullement "franco-français" dans sa soudaine hystérie antisémite, mais bel et bien stipendié par les nazis.
Cependant, les antinazis français, présentés dans cet article comme des Cassandre presque aussi minoritaires que l'héroïne solitaire de l'Iliade, étaient-ils impeccables dans leur argumentation ? Il aurait fallu pour cela qu'ils fassent, comme Churchill au même moment, une nette distinction entre le péril nazi, manifeste et immédiat, et la perspective d'une révolution communiste ou d'une expansion soviétique, nettement moins bien dessinée. Si c'était le cas, en 1938, d'un Henri de Kérillis, seul député de droite à voter (avec les communistes et eux seuls) contre les accords de Munich, ce n'était pas celui d'un Pierre Brossolette, soutenant les accords sous la férule de Léon Blum avant de se ressaisir quelques semaines plus tard... et généreusement crédité, cependant, par Debono d'un antinazisme sans faille.
Mais surtout, les antinazis français voyaient-ils le nazisme uniquement comme un fauve à dompter, ou avaient-ils perçu (alors que Churchill lui-même ne l'avait pas entièrement fait) les deux principales qualités de Hitler qui allaient être à la racine de son triomphe, le talent politique et le culot mystificateur ?
En effet, tandis qu'il se dotait des instruments requis pour lancer son pays, à un moment précis, dans une guerre,
le dictateur allemand jouait à l'homme de paix,
notamment vis-à-vis de la France à laquelle il abandonnait généreusement l'Alsace-Moselle en signe d'éternelle réconciliation,
mais aussi au bouffon primaire, écorché et vociférant, qu'il ne fallait pas provoquer,
et il jouait aussi de l'anticommunisme et de l'antisoviétisme, attisant les contradictions de la société française en se présentant comme un "rempart"
et en prétendant, par sa propre bouche et celle de ses agents, qu'une guerre contre lui serait "la guerre de Moscou".
Après quoi il n'avait plus qu'à se rapprocher brusquement dudit Moscou pour mettre la France à sa merci (au prix d'une stratégie riche en effets de surprise), d'autant plus qu'en agressant la Pologne pour pousser la France à lui déclarer elle-même la guerre, il faisait encore semblant d'orienter son agressivité exclusivement vers l'est.
On peut donc rassurer Emmanuel Debono : aucun politicien de ce calibre, et aucune puissance si peu que ce soit comparable à l'Allemagne hitlérienne, ne menacent pour l'heure notre Hexagone.