Après avoir vu la bande-annonce et lu deux ou trois articles, je pense que ce film habilement promu, dont la sortie française devra encore attendre deux semaines, est une belle occasion de montrer l'utilité du travail historique, qu'il porte sur la grande stratégie politique et militaire, ou sur les détails matériels de sa mise en oeuvre.
On nous chante que tout Paris était, à l'aube du 25 août 1944, soit le jour même de sa libération (et alors que, dans la soirée du 24, les cloches avaient déjà salué l'arrivée de Dronne par la porte d'Orléans), miné et prêt à sauter. Heureusement, un héros du Bien avait passé la nuit avec le chef militaire allemand (en tout Bien tout honneur !) et l'avait décidé à ne pas appuyer sur ce qui était sans doute un bouton, à même de déclencher tout le feu d'artifice.
Conclusion (du moins dans les articles, les interviews de Schlöndorff ou de Dussolier, etc.) : rendez-vous compte, s'il y avait eu la destruction de Paris pour dresser les Français contre les Allemands, on n'aurait pas pu faire l'Europe !
Faire de l'histoire, c'est se poser quelques questions un peu terre à terre : ah tiens, la tour Eiffel avait été minée ? quand donc et par qui ? Aucun employé n'avait alerté la Résistance ? Aucun Parisien n'avait menacé les poseurs de charges ? etc. C'est aussi fourrer un peu son nez dans la cuisine des chefs : que voulait, qu'espérait Hitler ? Quels ordres exacts avait-il donnés et quand ? Réponses : il donne à Choltitz le 7 août des ordres très généraux de mobilisation, de combat et... d'évacuation des gens inutiles audit combat, puis le recontacte le 23 et, alors, parle bien de destructions, mais uniquement pour les besoins et dans le feu de la bataille.
Concrètement, les seules constructions qu'il ait été sérieusement question de détruire par explosifs sont les ponts, dont certains ont fait l'objet d'un minage... que Choltitz assure ne pas avoir ordonné.
Et bien entendu, le 25 au matin, la Résistance était en mesure d'empêcher tout dynamitage des principaux monuments.
Conclusion : celui qui voulait faire l'Europe, du moins une Europe occidentale, solidement anticommuniste, c'est Hitler ! Comme très souvent dans sa carrière, il pratiquait la menace pour faire marcher droit les gens. Il n'avait pas spécialement l'intention de préserver les monuments de Paris et les aurait sacrifiés s'il y avait trouvé son intérêt, mais ce n'était pas du tout le cas dans la nuit du 24 au 25 août 1944.
Dans mon travail historique, je suis moi-même un révisionniste : je m'oppose, du moins en ce qui concerne le nazisme, à la vision dominante du rôle de l'individu dans l'histoire. J'ai consacré un petit traité à la question : http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=4&cad=rja&ved=0CEQQFjAD&url=http%3A%2F%2Fwww.histoquiz-contemporain.com%2FHistoquiz%2FLesdossiers%2Finterviews%2Fmemoiredelpla%2FDossiers.htm&ei=YC8EU4HJB-ie0wWfjIDABw&usg=AFQjCNGAQLOSLvcvbDDOGjKLRVD-fAWing&bvm=bv.61535280,d.d2k http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&cad=rja&ved=0CC4QFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.livresdeguerre.net%2Fforum%2Fcontribution.php%3Findex%3D52213&ei=YC8EU4HJB-ie0wWfjIDABw&usg=AFQjCNGB3YanwSjJhDNGULZKBTY5hcNurg&bvm=bv.61535280,d.d2k .
J'ai encore approfondi (enfin, j'espère, et soumets...) l'analyse depuis, en montrant que le nazisme entier découle d'une folie individuelle qui certes ne crée pas chez chacun des idées fausses et des comportements assassins, mais polarise et unifie tout cela dans une volonté originelle de guerre et de massacre. Je suis donc a priori ouvert à l'idée qu'une personne puisse en sauver des millions. Ce fut même, dans le cas de Churchill, plus d'un milliard ! mais le 25 août 1944, Paris est bel et bien sauvé par de larges masses. Du moins ses ponts ! Car les trois hectomètres de son sommet métallique étaient tirés d'affaire depuis longtemps.