Cher Jean-Luc Mélenchon, je suis outré au moins autant que toi par le traitement que subit depuis lundi la France insoumise
et trouve que tu y fais face de façon discutable, certes, quelle réaction à chaud ne le serait pas, mais irréprochable.
Dans ma réprobation de ce traitement j'englobe non seulement les trois entités visées par tes contre-attaques -la partie de l'appareil judiciaire qui se soumet docilement à l'exécutif pour attenter gravement aux libertés,
la cellule "investigation" de Radio-France (et les journalistes qui lui obéissent de façon peu déontologique),
et Mediapart,
mais les internautes qui, dans une atmosphère de lutte finale contre un mouvement et un leader qui les dérangent, oublient toutes sortes de principes que par ailleurs ils proclament,
notamment quand ils sont de gauche.
Citons pêle-mêle la présomption d'innocence, le respect de la vie privée, la désapprobation de qui met en cause, par exemple dans les affaires de harcèlement, le comportement des victimes, la nécessité d'enquêter à charge et à décharge, le secret de l'instruction, etc.
De Mediapart je suis un assez ancien abonné, fier de l'avoir soutenu notamment dans l'affaire Cahuzac, contre une foule de gens dont beaucoup sans doute t'accablent aujourd'hui. A l'époque ils soutenaient Hollande, Moscovici et consorts, usant et abusant de la présomption d'innocence pour s'indigner qu'on posât des questions, trouver normal qu'un vraisemblable évadé fiscal continuât de diriger la collecte de l'impôt en étant cru sur parole dans ses dénégations, et s'en prendre au journalisme d'investigation en tant que tel. Bref, il me semble que beaucoup raseraient les murs aujourd'hui si on leur rappelait leurs longues semaines de cécité et de servitude volontaires.
J'ai été sur ce site un blogueur prolifique, écrivant dans mon espace personnel des centaines de billets, tant sur mon travail d'historien que sur des sujets d'actualité. C'est une première raison pour maintenir mon abonnement. Mais il est une autre, plus déterminante.
Je suis entré en fronde contre la direction, tout d'abord en août 2013 lors de l'affaire de La Ghouta : le bombardement chimique d'un faubourg de Damas rebelle au pouvoir de Bachar. Hollande avait décidé très rapidement, de concert avec Obama et le premier anglais Gordon Brown, de bombarder Damas en représailles.Cependant les Anglo-Saxons s'étaient ravisés sous la pression de leurs assemblées élues... et Hollande, qui n'avait tout de même pas osé lancer une action de guerre tout seul et sans mandat aucun, est allé répétant depuis, notamment à l'occasion des attentats de Daech en France, que si on l'avait écouté Daech n'aurait pas existé. Or la direction et la rédaction de Mediapart avaient emboîté le pas au président dans sa posture guerrière, même si on pressentait, à lire entre les lignes, des divergences d'orientation et si un Antoine Perraud s'était singularisé par un article frondeur en creux, qui rappelait que la France avait déjà bombardé Damas quatre fois et non pour sa plus grande gloire.
Le minimum eût été, surtout après le désastreux précédent irakien, d'exiger une enquête impartiale, établissant la culpabilité du président syrien, avant toute décision d'action, à prendre dans le cadre du Conseil de sécurité.
Par la suite, j'ai déploré certaines orientations de Mediapart, et tout particulièrement son macronisme inavoué, pendant de son hostilité non déclarée à ta personne et à ton mouvement.
Cependant, j'ai vivement désapprouvé les médiapartiens qui réagissaient à ces dérives en se désabonnant. Car il me semble possible et souhaitable de rappeler l'organe à ses excellents principes fondateurs.