Adjutant du général Keitel entre 1936 et 1939, Wolf Eberhard reçoit l'historien britannique David Irving pour des entretiens échelonnés entre 1969 et 1971. Les comptes rendus de l'historien sont en ligne à l'Institut für Zeitgeschichte de Munich.
On trouve là la seule mention, à ma connaissance, d'un événement des plus importants : le jour de son cinquantième anniversaire, au milieu de festivités amplement filmées et racontées, Hitler expose aux chefs des trois armes, venus avec leurs aides de camp, ses projets guerriers.
20th April 1939
Eberhard recalls particularly Hitler's speech of thanks to the Wehrmacht chiefs. The present to gratulation were : Göring, von Brauchitsch, pl. ein Adjutant (einschl. Eberhard) and perhaps others, in der neuen Reichskanzlei, im Führer's Arbeitszimmer. Hitler said something such (?) : "Nun, Meine Herren, die erste Häfte des Jahrhunderts habe ich erlebt, es ist bisher noch vieles erreicht worden, aber für die Sicherung des Reichs bestehen noch Schwierigkeiten. Ich bin mir klar, dass ich nicht zweite Hälfte des Jahrhunderts überleben werde. Ich bin also an der Höhe meiner Mannes-Kraft; es ist klar, dass was ich mir vorgenommen habe erfordet eine grosse Anstrengung [which no other German is capable of]. Infolgedessen werden die folgenden Jahren von entscheidenden Bedeutung für dasReich sein." He then continued with Äusserungen über Deutschlands Rüstungvorsprung gegenüber Frankreich, England and added : "Es ist ganz klar , dass diese Rüstungsvorsprung von Jahr zu Jahr geringer werden wird; und wenn man etwas entscheidendes erreichen will, dann muss man schnell handeln." From this it was clear to Eberhard that war was not improbable; but he had not know how soon !
(Eberhard se souvient particulièrement du discours de remerciement d’Hitler aux chefs de la Wehrmacht. Etaient présents aux félicitations : Göring, von Brauchitsch, un Adjutant (en plus d'Eberhard) et peut-être d'autres, dans la nouvelle chancellerie, dans la pièce de travail du Führer. Hitler dit à peu près : "Maintenant, Messieurs, j'ai passé la première moitié du siècle, beaucoup a été réalisé jusqu'ici mais pour la sécurisation du Reich il y a encore des difficultés. Je suis conscient que je ne vivrai pas au-delà de la deuxième moitié. Je suis donc au zénith de ma force d'homme. Il est clair que ce que je me suis proposé de faire réclame un gros effort [dont aucun autre Allemand n'est capable]. Par conséquent, les années à venir seront déterminantes pour le Reich." Il enchaîna par des considérations sur l'avance du réarmement allemand par rapport à la France et à l'Angleterre et ajouta : "Il est tout à fait clair que cette avance en matière d’armement diminuera d’année en année; et si l’on veut obtenir un résultat décisif, il faut agir rapidement." Eberhard en déduisit que la guerre n'était pas improbable; mais il n'avait pas pris la mesure de son imminence !)
Commentaire :
Ni dans les mémoires de Keitel, ni dans ceux de l'amiral Raeder (le chef de la Kriegsmarine était évidemment présent et les journaux le confirment, même si Eberhard ne le cite pas), on ne trouve la moindre alllusion à ces propos. Keitel indique cependant un horaire : il écrit dans ses mémoires, rédigés en prison pendant le procès de Nuremberg, que les chefs militaires avaient, comme de coutume, présenté leurs voeux les premiers (ce qui ne semble pas exact, les journaux parlant d'abord de la réception des dirigeants de la Bohême et de la Slovaquie récemment asservies). L'historien peut aussi accuser de dissimulation son confrère Irving qui dans Hitler's War (1977) s'abstient d'utiliser des révélations trop contraires à sa thèse, suivant laquelle Hitler avait été contraint de faire une guerre qu'il ne souhaitait pas.
Ce document montre non seulement le contraire, mais illustre à merveille un trait de caractère remarqué seulement depuis une vingtaine d'années : Hitler est en proie à un fétichisme des dates, qui l'amène à prendre des décisions ou à poser des actes certains jours, présumés fastes : le 30 janvier, pour l'anniversaire de la prise du pouvoir, le 9 novembre, lorsqu'on célèbre les martyrs du putsch manqué de 1923, et bien entendu son propre anniversaire. Pour ses cinquante ans, il réaffirme la "mission" que lui aurait assignée la Providence tout en laissant entendre à ses chefs militaires, plus franchement qu'en d'autres occasions, qu'ils auront pour ennemies la France et l'Angleterre. C'est aussi une preuve de plus de l'eau qu'il met progressivement, cette année-là, dans le vin de son anticommunisme, avant de signer, le 23 août, son pacte avec Staline.
Le plus hypocrite est Raeder qui, s'il ne souffle mot des cérémonies du 20 avril, explique longuement (p. 256) qu'Hitler ne lui avait jamais parlé d'une guerre éventuelle contre l'Angleterre et que lorsque, dans son retentissant discours du 28 avril, le Führer avait dénoncé le pacte naval signé avec elle en 1935, sa surprise avait été totale.