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Billet de blog 31 mai 2010

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De Gaulle et l'appel du 18 juin : peau neuve et ficelles usées / qu'est-ce qui prévaudra en juin 2010 ?

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Grâce aux patients efforts de Jean-Louis Crémieux-Brilhac et de quelques autres, l'étude historique d'un texte jusque là sacré a pris son essor dans les années 1990.

L'affaire tient en deux propositions étonnamment cohabitantes :

-s'il s'était appelé Pinocchio, le nez déjà non négligeable du Général, lorsqu'il parlait ou écrivait sur les premiers jours de sa dissidence, aurait fait plusieurs fois le tour de la terre;

-ses mensonges ne dissimulaient strictement rien de déshonorant et procédaient de la ruse de guerre, à la fois indispensable et efficace.

Il s'agit en effet d'un tabou qui n'a rien de spécialement français et exerce ses ravages, encore aujourd'hui, sur toute la planète : Churchill et de Gaulle étaient seuls ou presque à penser que la guerre devait à tout prix continuer malgré les triomphes militaires accumulés par Hitler depuis le 1er septembre 1939, alors que les puissants et les diplômés de la terre entière estimaient que l'arrêt d'une guerre aussi mal engagée était urgent, ou, tout au moins, n'avaient pas les idées aussi claires que les deux précités.Comme Londres ne valait guère mieux à cet égard que Bordeaux ou Washington, l'émission d'un appel le 18 juin tient du miracle et s'est faite au prix de la quasi-disparition des attaques contre Pétain contenues dans le premier brouillon, qui étaient la raison d'être de ce texte. En d'autres termes, de Gaulle a accepté de dire n'importe quoi au micro pour qu'il y ait un geste de rupture... quitte à mener immédiatement après de grands travaux pour dire ce qu'il voulait dire... et faire croire qu'il l'avait toujours dit.

Ce fut la fonction, notamment, d'une fameuse affiche "A tous les Français" dont on va conter ci-après les dernières aventures sous la houlette du berger Falco.

Votre serviteur a déployé il y a dix ans tous les efforts possibles pour qu'on ne pût plus commémorer le soixantième anniversaire comme si de rien n'était. Il a complètemnent échoué.

Pour le soixante-dixième échu le moins prochain, il n'a pas désarmé mais est pour l'instant perplexe. Il n’en veut pour preuve que cette affiche « A tous les Français » destinée, par la propagande gaulliste de guerre, à se substituer à l’Appel. En effet, elle condamne explicitement le gouvernement Pétain alors que l’appel prononcé au micro comme celui, sensiblement différent, des journaux anglais du lendemain (devenu canonique… moyennant l’ajout d’une phrase en août !) ne le faisait qu’implicitement.
La première trace de cette affiche sur les murs de Londres remonte au 3 août 1940, comme en fait foi la presse de l’époque. Or les mémoires du Général (1954) la font apparaître en juillet… et un certain nombre de reproductions du temps de guerre y font figurer la date du 18 juin, comme s’il s’agissait de l’Appel, en bas à gauche (là où on trouve ordinairement la traduction anglaise… ce qui va de soi pour un texte affiché en Grande-Bretagne en temps de guerre). Si beaucoup de publications d’après guerre tendent à créer une certaine confusion entre l’affiche et l’appel radiodiffusé, notamment sur les plaques commémoratives apposées un peu partout en France, personne à ma connaissance n’avait, après 1945, reproduit à cette fin la version portant la fausse date. Or voilà qu’elle ressort cette année, sur un bloc philatélique édité par la Poste http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=48809 ! De même, sur le site officiel de l’Appel du 18 juin, sous la responsabilité du ministre Hubert Falco, on peut lire ce festival d’ambiguïtés et d’inventions pures… dans un « kit pédagogique » qui plus est ! http://www.appeldu18juin70eme.org/kit-pedagogique
« Cette affiche a largement contribué à la diffusion de l’Appel durant la guerre. Elle a pu être placardée sur les murs des villes anglaises après la reconnaissance du général de Gaulle, par le gouvernement britannique, comme chef des Français libres, le 28 juin 1940. Tirée dans un premier temps à mille exemplaires, elle fit sur les murs de Londres une apparition d’abord discrète puis massive à la veille du 14 juillet. »
Tout bien réfléchi, on peut admettre la valeur pédagogique de cette prose, qui permet de comprendre mieux que par un long discours les intoxications médiatiques de notre époque, encouragées par des gouvernants qui n’ont peut-être même pas conscience de la fausseté de ce qu’ils colportent, sous une présidence qui n’accuse même pas réception du courrier http://www.delpla.org/article.php3?id_article=403 .

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