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Billet de blog 2 décembre 2024

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COP 29 - changement climatique, Changer de format et de logiciel culturel décisionnel

Yves Ekoué Amaïzo, Directeur général, Afrocentricity Think Tank, Vienne (Autriche), invité du journal du 24 novembre 2024 portant sur la COP 29 qui s’est tenue à Baku, analyse les enjeux et les résultats de la COP 29 en regard des revendications des pays du Sud-global, en particulier les pays d’Afrique.

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Photo de famille de la COP 29 : Bakou, Azerbaïdjan - 12-13 novembre 2024

COP 29 ET CHANGEMENT CLIMATIQUE : CHANGER DE FORMAT ET DE LOGICIEL CULTUREL DECISIONNEL

Les COP 28 et 29 se sont tenues dans des pays qui promeuvent les hydrocarbures, à savoir les Emirats Arabes Unis et l’Azerbaïdjan. Si ceux qui doivent accueillir les conférences des Nations Unies sur le changement climatique sont des promoteurs directs ou indirects de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, alors il faut croire que de nombreux dirigeants qui soutiennent ces initiatives de « façade » ne sont pas conscients du risque qu’encourt l’humanité du fait du réchauffement climatique induit.

Alors les discussions et les négociations ne sont-elles que lettres mortes dès lors que la volonté politique mondiale, -secteur public gouvernemental, secteur privé et organisations non gouvernementales inclus-, les réduisent à leur plus petit dénominateur commun à savoir : ne promouvoir que 10 % des engagements pris ?

SOMMAIRE

1. COP 29 à Bakú en Azerbaïdjan
2. Principaux pollueurs : responsabilité occidentale élargie aux pays émergents
3. COP 29 : Mauvais accords ou résultats concrets insuffisants
4. COP 29 : Financement insuffisant non sans retour sur investissement
5. Pouvait-on espérer obtenir plus de 300 milliards de $eu lors de la COP 29 ?
6. Les déceptions : la solution passe par une meilleure inclusivité
7. Unilatéralisme de l’union européenne : la taxe carbone aux frontières
8. Le deal poker de Donald Trump : les pays pollueurs refusent de financer les pays les moins pollueurs
9. La position africaine : désillusion et indispensable changement de logiciel culturel
10. WANGARI MAATHAI : et si chaque participant à la cop plantait un arbre…
11. COP 30 au Brésil : vers un financement de l’action climatique « GLOCALE » : locale et globale

***

1. COP 29 A BAKU EN AZERBAÏDJAN

La Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2024 dite COP en est à son 29e sommet international. La COP 29 s’est tenue du 11 au 22 novembre 2024 à Bakou, la capitale de l’Azerbaïdjan. La précédente COP 28 s’est tenue à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis, du 30 novembre au 13 décembre 2023. La prochaine aura lieu à Belém, au Brésil, du 10 au 21 novembre 2025.

Elle portait sur des échanges d’expériences, de propositions et de « négociations[1] ». Le principal objet était de déterminer un montant de financement à fournir par les pays les plus pollueurs en faveur des pays subissant les effets négatifs. Les principaux projets visaient à limiter le réchauffement climatique et à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Tous les représentants gouvernementaux des États membres de l’ONU, ainsi que l’État de Palestine, le Saint-Siège, Niue, les Îles Cook et l’Union européenne avaient été invités. Plusieurs organisations non gouvernementales qui n’avaient pas droit à la prise de décision étaient aussi présentes.

2. PRINCIPAUX POLLUEURS : RESPONSABILILTÉ OCCIDENTALE ÉLARGIE AUX PAYS ÉMERGENTS

Plus personne ne remet en cause le fait que les pays occidentaux ont historiquement été les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre depuis la révolution industrielle promue par l’enrichissement illicite partiel sur le travail non rémunéré qu’ont permis, entre autres, l’esclavage, la traite des noirs, la colonisation et l’exploitation de l’Afrique sans retour pour les Africains.

Après la seconde guerre mondiale, il faut nommer les États-Unis, le Canada, les pays de l’Union européenne, et le Japon puis plus récemment dans les années 70-80, la Chine et l’Inde, et dans les années 90-2000, l’Arabie Saoudite et de nombreux pays producteurs de pétrole et de gaz comme devant figurer parmi les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre en raison principalement de leur croissance économique rapide et de leur industrialisation fondée sur l’énergie à partir de l’hydrocarbure.

Adopté le 12 décembre 2015 lors de la COP 21, qui s’est tenue à Paris, en France, l’accord est entré en vigueur le 4 novembre 2016. Son objectif primordial est de maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels. ». Toutefois, les dirigeants du monde sont globalement d’accord pour « limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici la fin de ce siècle ». La réalité et les pratiques sont tout autres !

Le difficile consensus de l’Accord de Paris sur le changement climatique[2] s’est achevé sur un consensus ambivalent de la responsabilité partagée. Sauf qu’historiquement, du fait de la responsabilité historique des pays industrialisés, les pays les moins industrialisés, l’Afrique en particulier, ont plaidé pour que les pays riches s’engagent « volontairement » à :

•    prendre des mesures radicales pour réduire leurs émissions ; et
•    à financer au moins partiellement les pays subissant directement ou indirectement la pollution et ses conséquences générées par les externalités climatiques négatives dont sont responsables principalement les pays riches industrialisés tout en recommandant à chaque pays d’offrir avant la fin 2020 des plans d’action climatique, appelés contributions nationales déterminées (NDC) pour réduire les gaz à effet de serre.
Des financements publics devaient être mis en place par les pays industrialisés comme une « aide » financière pour soutenir les pays les plus vulnérables, le tout sur une base volontaire. Ce financement du climat devait conduire à des mesures :
•    d’atténuation pour réduire les émissions de manière significative ;
•    d’adaptation pour lutter contre le changement climatique et s’adapter aux effets néfastes et réduire les conséquences du changement climatique ;
•    favorisant le développement et le transfert de technologies pour améliorer la résilience au changement climatique et réduire les émissions de gaz à effet de serre ; et
•    de soutien institutionnel notamment par des actions de renforcement des capacités et des capabilités dans les pays justifiant une urgence ou un besoin pour faire face aux conséquences du changement climatique, non sans oublier des politiques et des stratégies de réduction des émissions.

3. COP 29 : MAUVAIS ACCORDS OU RÉSULTATS CONCRETS INSUFFISANTS

Rappelons tout de même quelques résultats concrets et quelques avancées spécifiques en référence à la précédente COP 28. Quelques points peuvent être mis en exergue.

Les négociations ont finalement abouti à un consensus sur la mise en place de mécanismes de marché pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les pays doivent coopérer entre eux pour atteindre leurs objectifs climatiques de manière plus efficace et à moindre coût. Il y a eu un accord sur les marchés du carbone[3].

Il s’agit principalement de l’Article 6 de l’Accord de Paris qui permet aux pays de transférer entre eux des réductions d’émissions à travers des accords bilatéraux ou multilatéraux. Autrement dit, un pays peut acheter des crédits carbone d’un autre pays qui a réussi à réduire ses émissions au-delà de ses propres objectifs. Ce mécanisme centralisé de crédit carbone devra être supervisé par l’ONU.

Ce mécanisme vise à garantir que les réductions d’émissions sont réelles, mesurables et vérifiables, et qu’elles contribuent à une réduction globale des émissions.

Certains aspects offrent des approches non marchandes, à savoir de transférer des technologies et du savoir-faire et de renforcer les capacités et capabilités dans les pays qui subissent les externalités climatiques afin de faciliter la transition leur permettant d’atteindre leurs objectifs climatiques sans recourir aux marchés du carbone.

Or, face à ces objectifs nobles, il faut du financement substantiel. C’est la raison pour laquelle de nombreux responsables des pays du Sud global, les pays africains en particulier estiment qu’il s’agit là d’un « mauvais accord » tant sur le financement insuffisant, sur les normes portant sur les projets de crédit carbone, que sur les modalités mêmes d’organisation des marchés du carbone.

4. COP 29 : FINANCEMENT INSUFFISANT NON SANS RETOUR SUR INVESTISSEMENT

L’un des principaux résultats financiers se traduit par des objectifs à atteindre d’ici 2035. En effet, les pays du Nord global, notamment les pays Occidentaux se sont engagés à fournir 300 milliards de dollars américains ($EU) de financement public international par an d’ici 2035 aux pays du Sud global, sans d’ailleurs que les contributions des pays émergents ne soient clairement définies. Ce montant prévisionnel passe à environ 1,3 milliards de $EU[4] si l’on prend en compte les sources publiques et privées[5]. Or, les sources privées reposent principalement sur des prêts avec des taux d’intérêt peu adaptés à des projets à rentabilité indirecte. Dès lors qu’il s’agira de rentabilité directe, il faudra prendre en compte les retours sur investissement. Or, il apparaît que même les Etats, donc les ressources publiques, pourraient être soumis à l’urgence du « retour sur investissement ». Cela pourrait alors se traduire par des pertes de souveraineté, des ingérences diverses dans les affaires intérieures des pays du sud global.

5. POUVAIT-ON ESPÉRER OBTENIR PLUS DE 300 MILLIARDS DE $EU LORS DE LA COP 29 ?

L’accord de 300 milliards $EU sur la finance climat, conclu lors de la COP29 à Bakou, Azerbaïdjan, est insuffisant pour de nombreux pays bénéficiaires, notamment ceux du Sud Global. Il sera difficile d’espérer obtenir plus. Les pays africains avaient calculé et souhaitaient obtenir justement un montant proche des 300 milliards de $EU rien que pour l’Afrique. Il n’en fut rien.

Le groupe de la Banque africaine de développement (BAD) avait estimé que les pays africains avaient besoin de 277 milliards de dollars par an jusqu’en 2030 pour faire face efficacement à la crise climatique. En extrapolant, il s’agirait des 300 milliards de $EU jusqu’en 2035. Or, aujourd’hui en 2024/2025, ces pays africains ne perçoivent qu’environ 30 milliards de $EU par an, soit à peine 10 %.
Il faut donc comprendre que la somme qui sera effectivement perçue par l’Afrique ne devrait pas dépasser les 10 % des 300 milliards de $EU promis pour tous les pays en développement, majoritairement membres du Sud global. Aussi, les promesses n’engagent que ceux qui veulent bien y croire.

Bien que le montant promis soit largement inférieur aux besoins réels pour faire face à l’urgence climatique, la somme de 300 milliards de $EU est supérieure aux engagements précédents de 100 milliards de $EU par an.
Les engagements existants ne sont pas tenus. En outre, bien que les pays occidentaux aient promis 100 milliards de $EU par an lors de l’Accord de Paris, ils ont souvent du mal à respecter cet engagement. Les nouveaux engagements, comme les 300 milliards de dollars annuels discutés à la COP29, sont perçus comme un progrès, mais restent insuffisants par rapport aux besoins réels.

6. LES DÉCEPTIONS : LA SOLUTION PASSE PAR UNE MEILLEURE INCLUSIVITÉ

Certains pays du Sud global ont clairement indiqué leur déception comme l’Inde[6], la Bolivie, le Nigeria, le Malawi, le Soudan[7] – pour ne citer que ceux-là-, qualifiant l’effort des pays du Nord global de « lamentablement faible ». Les pays africains de la zone franc ont brillé par leur silence. La délégation indienne a rappelé qu’il y avait un « manque d’inclusivité dans le processus de l’accord sur le climat ». En effet, l’Inde n’avait pas eu la possibilité de s’exprimer avant l’adoption de l’accord, ce qui a sapé la confiance, au point que ce pays a qualifié le processus de la COP 29 de « mise en scène » tant les pays émergents furent marginalisés dans les discussions.

En effet, les pays en développement avaient besoin d’au moins 1,3 milliards de $EU par an d’ici à 2030 pour lutter efficacement contre le changement climatique. Selon les principaux représentants des Etats africains, la faiblesse des montants relève d’une « mauvaise blague » des principaux pays pollueurs.

Toutefois, les pays du Sud global sont conscients des difficultés budgétaires rencontrées par les pays occidentaux pour financer leur propre transition climatique ainsi que les résistances patronales pour réorienter leurs industries et mode de vie vers des approches privilégiant la faible teneur en carbone. Il suffit de rappeler les mesures unilatérales mises en place par l’Union européenne telles que le mécanisme d’ajustement aux frontières pour le carbone.

De toutes les façons, il sera difficile d’obtenir une augmentation à court terme compte tenu déjà de la difficulté qu’il y a eu pour parvenir à un accord et surtout du fait que de nombreux pays occidentaux pourraient ne pas tenir leurs promesses.
Les principes des Nations Unies reposent sur le fait que les négociations sur le financement climatique vont continuer. Des ajustements auront lieu sauf que cela risque de se faire dans des cadres bilatéraux, du donnant-donnant et surtout pas avec de l’argent public des Etats, mais avec de l’argent du secteur privé qui exigera des crédits et des remboursements, ce qui pourrait aggraver l’endettement de plusieurs pays du sud. Les prochaines conférences pourraient en débattre.

7. UNILATÉRALISME DE L’UNION EUROPÉENNE : LA TAXE CARBONE AUX FRONTIÈRES

Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), plus connu sous le sigle anglais CBAM (Carbon Border Adjustment Mechanism) a pour objet de favoriser une production industrielle plus propre au sein de l’Union européenne.
Le MACF a pour objectif de « réduire les émissions de carbone en fixant un prix pour le carbone émis lors de la production de marchandises à forte intensité de carbone importées dans l’UE[8] ».

Il s’agit d’une mesure unilatérale de l’UE pour lutter contre les fuites de carbone. Elle s’appliquera dès le début à des produits à risque élevé de fuite de carbone, tels que le fer, l’acier, le ciment, l’aluminium, les engrais, l’électricité et l’hydrogène[9]. Entrée en vigueur le 1er octobre 2023, elle sera pleinement opérationnelle à partir de 2026. Au cours d’une période transitoire, les importateurs doivent déclarer les émissions de gaz à effet de serre intégrées dans leurs importations sur une base trimestrielle, sans effectuer de paiements financiers ni d’ajustements. Chacun pourra « théoriquement » se faire une idée de la nouvelle « taxe » à payer.

Un mécanisme d’ajustement et d’alignement des prix du carbone produit dans l’UE sur celui des marchandises importées sera mis en place pour garantir une concurrence équitable entre les producteurs européens et ceux des pays tiers.

Ce mécanisme aura atteint ses objectifs si les entreprises modifient leurs comportements et pratiques afin d’adopter une approche holistique prenant en compte la réduction de l’empreinte carbone et la réduction des externalités causées par leurs activités industrielles sur le climat.
Il faut bien reconnaître que les entreprises européennes soumises aux normes environnementales de l’UE sont de fait en concurrence avec des sociétés à l’étranger qui ne paient pas toujours un prix sur les émissions de gaz à effet de serre qu’elles génèrent. Si cette « taxe carbone » semble être justifiée et doit se mettre en place progressivement jusqu’en 2034, il faudra faire attention aux mesures de réciprocité dans un monde où les pays occidentaux ont promu le libéralisme tous azimuts et maintenant tendent à promouvoir le « protectionnisme tous azimuts.

8. LE DEAL POKER DE DONALD TRUMP : LES PAYS POLLUEURS REFUSENT DE FINANCER LES PAYS LES MOINS POLLUEURS

Les pays développés, principalement en Occident, sont historiquement responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre. Les pays industrialisés, principalement en Occident, mais cela ne peut exclure certains pays émergents comme la Chine, l’Inde et le Brésil, l’Arabie Saoudite, etc. lesquels produisent plus d’émissions de gaz à effet de serre contribuant au réchauffement climatique que les pays du Sud global, notamment l’Afrique. Depuis l’accord de Paris, de nombreux dirigeants du Sud global croyaient que les engagements allaient être tenus. Or, quelle ne fut la surprise !

Plusieurs facteurs expliquent pourquoi les pays occidentaux refusent ou ne sont pas en mesure de financer les besoins exprimés par les pays africains et d’autres pays du Sud. Le premier d’entre ces facteurs est celui des problèmes budgétaires importants, liés à une croissance morose et une absence de planification à long terme, au point que certains sont eux-mêmes victimes des accidents climatiques.

Les priorités économiques et politiques au plan national passent avant les engagements internationaux et surtout sur le climat. Pour certains pays du Nord, la faible croissance économique, les perspectives d’être touchés eux-mêmes par les accidents climatiques, comme l’Espagne récemment, augmentent les pressions politiques internes. Enfin, la mauvaise gouvernance stratégique avec des déficits des balances commerciales et des balances des paiements, génère des contraintes budgétaires importantes, de l’inflation, du chômage de masse, et un climat social morose, voire explosif ici et là, etc., qui peuvent limiter la capacité réelle à augmenter les financements des projets sur la transition énergétique et le climat.

Mais la vérité est que chacun attend un retour sur investissement sur les fonds engagés dans le soutien à la transition écologique. Mais l’incertitude vient de la perspective de la prise de pouvoir effective du Président américain Donald Trump en fin janvier 2025 aux États-Unis.
En effet, ses vues climato-sceptiques, ses prises de position radicales par le passé et sa gouvernance fondée sur le deal poker fait que personne ne doute plus qu’il pourrait unilatéralement retirer les États-Unis des négociations sur le climat et sur la biodiversité. Le deal poker du Président Donald Trump peut aussi expliquer pourquoi les pays pollueurs, peu courageux, sont devenus frileux pour financer les pays les moins pollueurs.

En conséquence, toute cette perspective n’enchante pas les pays qui le peuvent à s’engager financièrement en multilatéral, en bilatéral ou même à soutenir leur secteur privé et les entreprises à s’engager dans des financements « sans lendemain » en termes de retour sur investissement.

9. LA POSITION AFRICAINE : DESILLUSION ET INDISPENSABLE CHANGEMENT DE LOGICIEL CULTUREL

Le Chef des négociateurs du groupe africain à la COP29, Mr. Ali Mohamed résume la COP 29 en deux mots : «Inacceptable et insuffisant[10]». De l’insatisfaction à la frustration, il y a le mépris et encore une fois, l’absence d’inclusivité. S’il est vrai que l’Afrique a subi d’importants effets toxiques du fait de la difficulté des pays pollueurs à réduire les émissions de gaz à effet de serre et des conséquences que sont le changement climatique et le réchauffement climatique, l’Afrique ne peut se singulariser car les conséquences néfastes ne se limitent pas à ce continent.

Oui, c’est vrai comme le souligne le chef négociateurs du Groupe Africain que « l’Afrique se bat contre la montée des eaux et des sécheresses dévastatrices, cette promesse financière semble modeste de la part des pays développés qui prétendent soutenir les plus vulnérables ». La critique est cinglante : « L’engagement de mobiliser un financement accru d’ici 2035 est trop faible, trop tardif et trop ambigu dans sa mise en œuvre ». Mais si l’Afrique reconnaît que des progrès ont été réalisés l’ensemble demeure en dessous des attentes. Il a estimé que le budget « minimum » et « sérieux » que les pays pollueurs devaient allouer à l’ensemble du sud global devrait être de 600 milliards de $EU par an et uniquement en aide publique sous forme de subventions, étant entendu que la moitié devrait aller à l’Afrique. Or, c’est la somme de 300 milliards de $EU d’ici 2035 qui a été non pas allouée mais promise. Les dirigeants africains sont mécontents et contrariés.

Plus de 335 organisations non gouvernementales (ONG) présentes à la COP 29 mais exclues de la prise de décision ont signifié leur positionnement dans un courrier adressé au groupe des 77 + la Chine, soit en réalité 134 pays. Les ONG ont proposé, sans avoir été entendues, de quitter la COP 29 sur l’argumentaire principal suivant : « Mieux vaut pas d’accord qu’un mauvais accord[11] ».
Mais, paradoxalement, les dirigeants africains auraient été peut-être plus convaincants s’ils avaient mis en exergue ce qu’ils faisaient eux-mêmes pour leurs Peuples à partir de leur volonté et ressources propres.

Pour cela, il faut absolument qu’une transformation s’opère sur la base du respect des valeurs pour entraîner des comportements et des pratiques pro-adaptation climatique au sein des sociétés et organisations africaines. Une prise de conscience accompagnée d’un changement de logiciel culturel. Il faudra soit repenser, soit adapter ou réorganiser les approches traditionnelles et conservatrices pour s’adapter à de nouveaux défis et opportunités. Pour cela, il faudra anticiper et comprendre que les dirigeants africains seuls ne suffisent pas. C’est toute la population, chaque citoyen et citoyenne.

Les mentalités de non-anticipation devront faire place à une évolution des mentalités holistiques où le changement climatique, l’égalité des genres, ou la diversité culturelle devront intégrer une troisième voie de l’économie de proximité dans laquelle la mentalité de consommation, souvent sans pouvoir d’achat, doit s’éclipser pour faire place à une mentalité d’anticipation et d’organisation de pérennisation de l’activité humaine au sein d’un écosystème de durabilité.

Cela ne peut avoir lieu sans de nouvelles priorités accordées à l’adaptation, aux innovations. Cela rejoint les recommandations de la COP 21 de Paris notamment pour le volet transfert de nouvelles technologies, appui institutionnel pour améliorer l’efficacité et la résilience. Mais rien ne sera possible sans la participation et l’inclusion de la société civile dans les processus décisionnels et les activités venant en appui à la transition écologique afin de favoriser l’éclosion de solutions pro-environnementales allant vers plus d’équité, de redevabilité et de représentativité. Cette approche suppose une gouvernance transparente et participative. Une telle société ne peut pas reposer que sur des dirigeants qui, pour répondre aux défis climatiques contemporains, se contentent d’être déçus de ne pas avoir reçu un budget qui risque de toutes les façons de ne pas venir à temps, en quantité et en qualité.

Illustration 2
Cop-29 : Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques 2024, Responsables : levez-vous ! @Afrocentricity Think Tank 2024.11.29 © Afrocentricity Think Tank

10. WANGARI MAATHAI : ET SI CHAQUE PARTICIPANT À LA COP PLANTAIT UN ARBRE…

Aussi, il y a lieu de faire une profonde rétrospective sur les « responsabilités partagées » même si l’essentiel de la responsabilité repose sur les pays qui ont basé leur développement passé, présent voire futur sur tout ce qui ne réduit pas les émissions de gaz à effet de serre et ne prépare pas les mentalités à œuvrer pour la transition énergétique et écologique avec en filigrane la résilience communautaire, l’économie circulaire et la réduction des émissions de CO2.

Il suffisait pourtant de mettre en pratique ce que la première femme africaine et kenyane à recevoir le prix Nobel de la paix en 2004, feue Wangari Maathai a prôné. Cette biologiste kenyane s’est engagée toute sa vie en faveur du développement durable, de la démocratie et de la paix. Elle a fondé le Mouvement de la Ceinture Verte (Green Belt Movement) en 1977 qui consiste à reboiser son environnement immédiat afin de lutter contre la déforestation, l’érosion des sols et la pauvreté dans son pays, le Kenya.

Elle n’a attendu aucun chef d’Etat, aucun budget des COP de l’ONU… elle a simplement choisi de planter des millions d’arbres partout où c’était possible pour restaurer les écosystèmes dégradés et améliorer la qualité de vie des communautés rurales. Le tout était accompagné d’un travail quotidien de sensibilisation des populations locales à l’importance de l’environnement ainsi qu’à leur éducation sur les pratiques durables. De fait, elle a contribué à l’autonomisation économique et sociale des femmes, battant en brèche le patriarcat et le machisme. Mais c’est sur le terrain de la lutte contre la pauvreté qu’elle est rentrée dans l’histoire. En effet, en faisant la promotion des pratiques agricoles durables et en créant des emplois liés au reboisement, elle a grandement aidé non seulement à la réduction de la pauvreté dans les communautés rurales, mais a concrètement contribué à un changement de logiciel culturel pro-environnemental.

Wangari Maathai ne peut être oubliée[12]. Elle a montré que chaque africain et africaine se doit de planter au moins 12 arbres par an, soit un arbre par mois, pour contribuer à la protection de l’environnement. Si chacun des participants africains à la COP 29 pouvait mettre cet héritage en pratique et inviter tous les jeunes et moins jeunes africains à en faire autant, peut-être que des solutions locales se mettront en place à partir des nombreuses richesses du sol et du sous-sol. La Diaspora africaine ne peut qu’accompagner ce mouvement d’ensemble en s’assurant qu’un pourcentage de l’argent transféré en Afrique soit systématiquement consacré à planter des arbres.

11. COP 30 AU BRÉSIL : VERS UN FINANCEMENT DE L’ACTION CLIMATIQUE « GLOCALE » : LOCALE ET GLOBALE

Les pays participants à la COP 30 doivent soumettre leurs Contributions Déterminées au niveau National (CDN) avant février 2025 et rebaptisées CDN 3.0. La volonté de chacun cumulée et intégrée doit pouvoir générer une volonté collective de renforcer l’action climatique globale et locale dite « glocale » afin de mieux sensibiliser sur l’urgence, de mobiliser des ressources pour les pays les plus vulnérables, notamment les îles et autres victimes des conséquences négatives du changement climatique.

La COP30, qui se tiendra à Belém, au Brésil, en novembre 2025, suscite beaucoup d’espoir et d’attentes. Le Brésil a promis que cette conférence, en raison de son emplacement symbolique aux portes de l’Amazonie, se doit de mettre en exergue les contradictions profondes entre la préservation de l’environnement et la biodiversité et les besoins de développement spatial où la déforestation sert d’effet de levier de grands lobbies climato-sceptiques.

Le pays hôte souhaite mettre l’accent sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la transition énergétique et la protection des forêts tropicales.

Le Brésil, malgré ses contradictions en tant que producteur majeur de pétrole, s’engage à jouer un rôle de leader dans la lutte contre le changement climatique et la relance de la solidarité et de la coopération mondiales entre les nations pour atteindre les objectifs climatiques.
Il est donc possible que la COP30 apporte des changements significatifs, surtout si les pays participants parviennent à un consensus sur des mesures plus ambitieuses et des financements accrus pour les pays en développement. Cependant, comme toujours, le succès dépendra de la volonté politique et de la capacité des nations à surmonter leurs divergences. Cette fois-ci, chacun devra mettre la main à la poche ou prouver qu’il ou elle a planté au moins 12 arbres avant de s’inviter à la COP 30 à Belém au Brésil, dans l’État du Pará, en novembre 2025.

Les Conférences des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ou sur la biodiversité – dites COP – doivent changer de format en associant les parties, toutes les parties y compris les représentants de la société civile aux décisions. Sans ce changement de logiciel culturel décisionnel, les organisateurs des COP risquent de ne servir que de caisse de résonnance à ceux qui promeuvent en définitive les modèles climato-sceptiques. YEA.

29 novembre 2024.

Dr Yves Ekoué AMAÏZO
Directeur général, Afrocentricity Think Tank
© Afrocentricity Think Tank

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Références bibliographiques

[1] RT en Français (2024). Invité du journal du 24 novembre 2024 portant sur la COP 29 qui s’est tenue à Baku : Dr. Yves Ekoué AMAÏZO. Titre : Président Afrocentricity Think Tank, basé en Autriche, Vienne. In disk.yandex.ru. 24 novembre 2024. Accédé le 25 novembre 2024. Voir Lien : https://disk.yandex.ru/i/Dc4NGAh0-zQngA  

[2] United Nations Climate Change (2015). « Accord de Paris. Qu’est-ce que l’Accord de Paris ? ». In unfccc.int/fr. 12 décembre 2015. Accédé le 27 novembre 2024. Voir https://unfccc.int/fr/a-propos-des-ndcs/l-accord-de-paris ; « Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU (GIEC) indique que le franchissement du seuil de 1,5°C risque de déclencher des impacts beaucoup plus graves sur les changements climatiques, notamment des sécheresses, des vagues de chaleur et des précipitations plus fréquentes et plus graves. Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, les émissions de gaz à effet de serre doivent culminer avant 2025 au plus tard et diminuer de 43% d’ici 2030 ».  

[3] UNFCCC (2024). “COP29 Agrees International Carbon Market Standards”. In unfccc.int/news. 12 November 2024. Accessed 27 November 2024. Retrieved from https://unfccc.int/news/cop29-agrees-international-carbon-market-standards  

[4] Commission européenne – Représentation en France (2024). « L’UE parvient à un accord sur les règles du marché du carbone et sur un nouvel objectif de financement de la lutte contre le changement climatique ». In france.representation.ec.europa.eu. 25 novembre 2024. Accédé le 27 novembre 2024. Voir https://france.representation.ec.europa.eu/informations/lue-parvient-un-accord-sur-les-regles-du-marche-du-carbone-et-sur-un-nouvel-objectif-de-financement-2024-11-25_fr

[5] Business Council for Sustainable Energy (BCSE) (2024). “COP 29 Agreement on Carbon Markets and New Global Financial Goal Opens Market Pathways for Greater Action on Climate Change”. In bcse.org. 25 November 2024. Accessed 27 November 2024. Retrieved from https://bcse.org/bcse-statement-cop-29-outcome/

[6] Srivastrava, R. (2024). “India fires warning shot with rejection of finance deal at COP29”. In www.climatechangenews.com. 25 November 2024. Accessed 27 November 2024. Retrieved from https://www.climatechangenews.com/2024/11/25/india-fires-warning-shot-with-rejection-of-finance-deal-at-cop29/  

[7] Srivastrava, R. (2024). Op. Cit.

[8] Ministères territoires, écologie et Logement – France (2024). « Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières ». In www.ecologie.gouv.fr. 28 octobre 2024. Accédé le 27 novembre 2024. Voir https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-macf  

[9] Commission européenne (2024). « Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). In trade.ec.europa.eu. 17 octobre 2023. Accédé le 27 novembre 2024. Voirhttps://trade.ec.europa.eu/access-to-markets/fr/news/mecanisme-dajustement-carbone-aux-frontieres-macf

[10] RT en français (2024). « COP29 : les négociateurs africains insatisfaits ». In francais.rt.com/afrique. 24 novembre 2024. Accédé le 27 novembre 2024. Voir https://francais.rt.com/afrique/114911-cop29-negociateurs-africains-insatisfaits ↑

[11] RT en français (2024). Op. Cit.

[12] Ighobor, K. (2011). « Wangari Maathai, « la maman des arbres », s’en est allée ». In www.un.org/africarenewal/fr. 26 septembre 2011. Accédé le 27 novembre 2024. Voir https://www.un.org/africarenewal/fr/a-la-une/wangari-maathai-%C2%AB-la-maman-des-arbres-%C2%BB-s%E2%80%99en-est-all%C3%A9e 

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Source :  Dr. Yves Ekoué AMAÏZO, Président Afrocentricity Think Tank, Vienne, Autriche, invité du journal du 24 novembre 2024 portant sur la COP 29. Dimanche 24 novembre 2024 : https://disk.yandex.ru/i/Dc4NGAh0-zQngA

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