TOGO– Passage de régime présidentiel à régime parlementaire: est-ce légal, légitime ?
L’émission DÉBAT PANAFRICAIN sur Radio AVULETE interroge la légalité et la légitimité de la transformation du régime politique présidentiel en parlementaire imposée par le remplacement de la Constitution du Togo. Interrogés par le journaliste Sylvain AMOS, Yves Ekoué AMAÏZO pour CVU-Togo-Diaspora et Richard TINDJO, vice-pdt du parti Les Démocrates socialistes Africains livrent leur point de vue.
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Le passage du Togo d’un régime présidentiel à un régime parlementaire est-il légal et légitime ?
Contribution écrite du Dr. Yves Ekoué AMAÏZO (YEA)
Togo : D’une dictature présidentielle à une dictature parlementaire, AFROCENTRICITY Think Tank & Radio KANAL K et Radio AVULETE
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SA : Selon Gilbert Bawara, Faure Gnassingbé « sera » le Président du Conseil des ministres[1]. Cela surprendrait-il ?
YEA : M. Gilbert Bawara, le Ministre de la fonction publique et qui est devenu le Ministre de la communication publique du système Gnassingbé ne fait que rappeler l’article 47 de la nouvelle Constitution de la Dictature parlementaire de Faure Gnassingbé qui stipule que :
« Le chef du parti majoritaire ou le chef du premier parti de la coalition jouissant d’une majorité à l’Assemblée nationale à l’issue des élections législatives et après la proclamation des résultats définitifs par la Cour constitutionnelle devient Président du Conseil ». Concrètement, c’est le parti majoritaire UNIR ou « la coalition de partis majoritaire » qui « transmet par écrit au bureau de l’Assemblée nationale, le nom du Président du Conseil » qui n’est donc plus élu mais « désigné ». Il est donc bien question de remplacer un « vote au suffrage universel direct » du Peuple togolais par une désignation d’un parti politique dictatorial s’appuyant sur une partie de l’armée non républicaine togolaise qui préfère se ranger du côté du pouvoir dictatorial que du côté du Peuple togolais.
Dès qu’il ne s’agit plus du choix du Peuple togolais, il n’est pas surprenant que celui qui fait office de ministre de la communication publique du système dictatorial-parlementaire vienne faire l’annonce de ce que le système Gnassingbé a prévu et imposé par la violence, la force, les lois liberticides et surtout l’abus de droit et de pouvoir.
Il est vrai que des dispositions transitoires dans la nouvelle Constitution du 6 mai 2024[2] stipulent dans l’article 97 : « Les pouvoirs du Président de la République en fonction au moment de la promulgation de la présente Constitution ne viendront à expiration qu’après l’entrée en fonction du Président du Conseil et l’élection du Président de la République ». Or, il faut une « désignation du Président du Conseil » et une « élection du Président de la République » à « partir de la mise en place des deux (02) chambres du parlement ». Une fois la désignation du Président du Conseil des Ministres qui est le chef du Gouvernement effectuée, et que le bureau de l’Assemblée nationale prend acte de cette désignation et en informe sans délai les députés réunis en séance plénière, alors le Président du Conseil peut entrer en fonction dès sa prestation de serment.
Comme la Constitution du 6 mai 2024 repose sur des bases illégales et anticonstitutionnelles, le Président du Conseil est lui-même un Président de Conseil illégal et anticonstitutionnel. Comme il est impossible d’amener les institutions judiciaires togolaises à dire le droit et à fournir des arguments de droit, il est proposé d’aller clarifier ce dossier au niveau de la Cour de justice de la CEDEAO.
SA : Mais dans le nouveau système parlementaire, le Togo a un parlement qui va choisir le Président du Conseil. Peut-on parler de coup d’Etat ?
YEA : Le parlement togolais est un parlement issu de la contre-vérité des urnes avec une impossibilité de vérifier le vote réel des Togolais à partir des bureaux de vote ou sur la base d’une évaluation indépendante ex-post. Il faut plutôt parler de « désignation » ou de « nomination » unilatérale par des parlementaires issus du parti dictatorial UNIR, qui désigne ou nomme son Président. Or, c’est ce Président avec son armée qui « désignent » et « nomment » les parlementaires UNIR et les imposent au Peuple togolais avec un système de contre-vérité des urnes et de contre-vérité des comptes publics.
Dans la Constitution de la République Togolaise du 5 mai 2024 en référence à la Loi n° 2024‑005 en date du 6 mai 2024 portant constitution de la République Togolaise selon le Journal officiel togolais, la mise en œuvre de la nouvelle Constitution est avec un effet immédiat, cela veut dire qu’il y a eu un coup d’Etat parlementaire.
Les anciens parlementaires n’ont pas respecté la Constitution de 1992 adoptée par Référendum le 27 septembre 1992 et donc approuvée par le Peuple togolais. La version de la Constitution de 1992 modifiée unilatéralement en 2002 (Loi n°2002-029 du 31 décembre 2002), puis en 2007 (Loi n°2007-008 du 07 février 2007) et pour la 3e fois par la Loi n° 2019 – 003 du 15 mai 2019 par le pouvoir Gnassingbé dit clairement que les députés togolais étaient hors-la-loi et sans mandat depuis le 31 décembre 2023. Il suffit de rappeler le dernier alinéa de l’article 52 qui stipule ceci : « Les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat sortants, par fin de mandat ou dissolution, restent en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de leurs successeurs ». Il n’est pas dit que les parlementaires hors mandat et qui restent en fonction ont le pouvoir non pas de procéder à une révision constitutionnelle, encore moins à un changement complet de Constitution pour passer d’une Dictature-présidentielle à une Dictature-parlementaire. Or, sans mandat depuis le 1er janvier 2024 et jusqu’à la prise de fonction des « nouveaux » parlementaires, les parlementaires togolais n’avaient aucun mandat pour proposer quoi que ce soit. Il s’agit donc bien d’un abus de pouvoir, ce qui rend illégale la proposition de la nouvelle Loi constitutionnelle.
Le choix unilatéral du Président du Conseil comme détenteur exclusif du pouvoir au Togo s’est fait en total non-respect du parallélisme des formes et du respect de la hiérarchie des normes en droit. Il s’agit donc d’un double coup d’Etat parlementaire et Constitutionnel.
SA : Mais, ces parlementaires sortants du Togo, disposaient-ils d’un mandat du Peuple togolais ?
YEA : La réponse est négative. De toutes les façons, les parlementaires togolais issus de votes non vérifiables et donc allégués frauduleux, au-delà de l’illégalité, ont profité de la période où ils n’avaient aucun mandat du Peuple togolais pour unilatéralement, et contre l’avis du Peuple, décider que le Président de la République togolaise ne sera plus choisi par le Peuple togolais au suffrage universel direct comme prévu dans la Constitution en vigueur à l’époque.
Donc, les parlementaires sortants n’ont pas respecté la Constitution de 1992 et étaient hors mandat entre le 1er janvier 2024 et le 6 mai 2024, date d’entrée en fonction des parlementaires entrants. Paradoxalement, les nouveaux parlementaires vont appliquer une nouvelle Constitution qu’ils n’ont pas choisie.
SA : Comment cela est-il possible que le Peuple togolais ne se batte pas pour sa liberté et sa liberté de choix ?
YEA : La fonction régalienne de l’Etat a été dévoyée au Togo. Ce sont les militaires qui soutiennent le système Gnassingbé depuis 2005 et bien avant les coups d’Etat militaires et constitutionnels au Togo entre 1967 et 2005, qui sont les premiers ennemis de la démocratie et s’opposent à l’autodétermination du Peuple togolais.
On n’est pas passé d’un régime présidentiel à un régime parlementaire au Togo. On est en réalité passé d’une autocratie de type dictature présidentielle à celui d’une dictature parlementaire qui s’appuie sur l’abus de pouvoir du parti du pouvoir et l’impunité d’une partie majoritaire de l’armée togolaise qui résume la sécurité du Peuple à celle du système Gnassingbé.
Autrement dit, le parti du pouvoir RPT/UNIR devient le parti de la pensée unique.
SA :Faut-il s’indigner pourquoi le peuple togolais ne s’indigne pas plus bruyamment ?
YEA : De fait, le pouvoir Gnassingbé, qui profite de l’argent de l’Etat et donc de tous les Togolaises et Togolais, viole le droit à l’autodétermination du Peuple togolais. Une partie importante de l’argent de l’Etat, d’après les populations qui font des retours d’information au CVU-TOGO-DIASPORA, profite en priorité au parti UNIR et ses affidés.
Tout se passe comme si une même caste oligarchique, militarisée, mafieuse et parfois les deux, ethniquement répartie stratégiquement, populiste et clientéliste, tissait, au jour le jour, la pensée dominante et non critiquable. La mise en forme d’un tel système passe par certains médias nationaux et étrangers, qui vont diffuser ensuite, en boucle, une information désinformée sur les « réalisations » du système Gnassingbé en oubliant de mentionner les volets plus obscurs que sont la corruption, les surfacturations, la non-transparence des comptes publics, etc. Le Ministre délégué à la communication du gouvernement Gnassingbé est souvent moins bavard sur ces sujets.
Alors, le Peuple togolais – le citoyen ou la citoyenne – doit s’indigner et le fait d’ailleurs mais moins bruyamment. En effet, c’est le système Gnassingbé qui l’empêche de s’indigner, de s’organiser et d’assoir un contre-pouvoir pour faire changer le rapport de force et stopper l’abus de pouvoir et de droit au Togo. Comment ? Par les lois liberticides, la peur et la violence des forces dites de sécurité de Faure Gnassingbé, notamment la partie militaire et des services secrets, qui s’en prennent impunément à chaque citoyenne et citoyen qui ne partage pas le point de vue du système Gnassingbé. Le Peuple togolais est soumis à la loi du silence ou celle de l’alignement.
SA : Cette annonce confirme-t-elle le soupçon de la monarchisation du pays, au seul profit de Faure Gnassingbé ?
YEA : Il faut rester proche de la vérité. Le Togo n’est pas le Royaume Uni ou le Maroc où il y a un roi accepté par les populations. Il s’agit au Togo :
d’un viol de la Constitution de 1992 choisie par le Peuple togolais ; et
d’un double coup d’Etat parlementaire et constitutionnel.
L’initiative d’un groupe de parlementaires pour un changement total de Constitution ne peut être assimilé à une simple révision de la Constitution.
Faure Gnassingbé a été incapable au cours de son 3e mandat illégal de 5 ans de procéder aux élections législatives et régionales dans les délais impartis par la Constitution. Ces points de droit font l’objet d’une préparation par CVU-TOGO-DIASPORA et Consorts d’un recours contentieux auprès de la Cour de Justice de la CEDEAO.
Pour toute personne douée de sagesse, il ne s’agit pas encore au Togo d’une monarchie, mais d’une dictature en bandes organisées. Pour que cela fonctionne, Faure Gnassingbé et son système militaro-ésotérique sont en train d’imposer un vide forcé dans le cerveau de chaque togolais pour les rendre dépendants de lui ou les rendre peureux de tout. A défaut c’est l’exclusion, la prison, l’exil, la mort ou l’alignement par l’humiliation.
Nous pensons que le Peuple pourra se débarrasser de cette peur ou de cette dépendance dès lors qu’il y aura un projet de transition politique décentralisé dans lequel il (ce peuple) peut avoir quelque chose à défendre.
Il s’agit effectivement d’une usurpation du droit du Peuple togolais à choisir ses dirigeants, doublée d’une impossibilité de choisir directement au suffrage universel son Président de la République par le suffrage universel direct.
Ce coup d’Etat législatif et constitutionnel ne pouvait se faire qu’avec le soutien des militaires togolais. Or, les militaires togolais ne sont plus au service du Peuple togolais mais au service exclusif d’un système Gnassingbé dans lequel les militaires ont un droit de véto, au point que certains militaires peuvent avoir un droit de « veto » sur les décisions de Faure Gnassingbé, qui se retrouve alors dans une position d’otage des militaires.
Ces militaires togolais font allégeance aux accords secrets de défense avec la France. La vraie question est de savoir en définitive, qui décide au Togo ?
SA : La société civile continue de dire NON à cette Constitution et à la 5ème République. L’opposition s’apprêterait à rejoindre la lutte. Jusqu’où peut aller cette contestation ?
YEA : Il n’y a pas que la société civile au Togo qui dit non. La Diaspora togolaise indépendante dit non. De nombreux partis politiques togolais disent non. En fait, la grande majorité du Peuple togolais dit non, ce d’autant qu’une importante partie du Peuple togolais s’est abstenue d’aller voter. L’abstention réelle a été très importante mais avec les annonces unilatérales de la CENI sans possibilité de contrôle indépendant, il est difficile de croire et d’accepter les annonces de la CENI.
Les résultats sont annoncés sans contrôle par les représentants du pouvoir Gnassingbé siégeant à la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et à la Cour Constitutionnelle. Il est difficile de s’attaquer à toutes ces institutions si certains militaires togolais, souvent pour des raisons alimentaires, de protection en cas d’abus de pouvoir et d’injustice, ont décidé collectivement de travailler contre le Peuple togolais et d’opter pour la défense de leurs propres intérêts et ceux des étrangers.
Pour plusieurs d’entre eux, ce ne sont pas des patriotes au sens de la défense de l’intérêt général, ou l’intérêt de la collectivité togolaise dans son ensemble. Ce sont des individualistes et arrivistes qui ne pensent qu’à eux-mêmes. D’ailleurs, ils sont nombreux à se plaindre et faire semblant de faire de l’opposition dès lors qu’ils subissent des mises à l’écart au sein du système Gnassingbé. Par ailleurs, la défense des intérêts étrangers leur rapporte plus d’avantages que de défendre le Peuple togolais.
SA : Peut-on envisager un dialogue pour permettre une certaine conciliation des positions ?
YEA : Dieu ne dialogue pas avec Satan, sauf dans l’Ancien Testament. Autrement dit, avec plus de 28 dialogues à l’initiative du pouvoir Gnassingbé, tous ont abouti à rouler le Peuple togolais dans la farine de manioc et à rendre les partis politiques d’opposition et quelques associations moins combatives.
Il y a une sorte de mélange de peur, de méfiance et surtout de clientélisme qui bloque la lutte commune, même s’il ne faut pas exclure les égos de certains responsables des partis politiques dits d’opposition. Pourtant, CVU-TOGO-DIASPORA et le Réseau de la Coordination de la Diaspora togolaise indépendante (RCDTI) ont proposé de discuter une approche de dialogue sans Faure Gnassingbé ou ses soutiens.
Il s’agit de trouver un consensus sur un projet de transition politique (PTP) qui soit préparé, puis adopté par un groupe de gens compétents de la Diaspora et du Togo, et pouvant offrir une alternative au Peuple togolais.
Ensuite, ce projet de transition politique fera l’objet d’une décentralisation pour l’adapter aux préoccupations de chacune des localités togolaises. C’est cela l’inclusivité si le pouvoir liberticide ne s’organise pas pour l’empêcher avec ses forces militaires. Enfin, il faudra, par un système électoral choisi démocratiquement et dans la transparence, proposer une équipe de personnes ; au moins 21 propositions seront proposées pour soutenir les premières approches d’un futur projet de société commun qui suivra le consensus sur le PTP.
En définitive, il faudra aller rechercher des appuis avec des partenaires internationaux qui souhaitent soutenir le retour de la souveraineté du Togo. En effet, le problème de Faure Gnassingbé et son système est que la grande majorité des dossiers publics au Togo sont opaques ou relèvent de la corruption comme le PetroleGate ou le CovidGate avec l’impossibilité de procéder à des évaluations indépendantes ex-post par la société civile et des experts indépendants.
Donc, oui, il faut envisager non pas un dialogue, mais plusieurs conférences ou concertations inclusives, si possible commençant par des vidéo-conférences compte tenu des distances entre les Togolaises et Togolais de la Diaspora et ceux du Togo. Il faudra faire attention d’éviter le système d’espionnage des communications que le système Gnassingbé a mis en place pour écouter les Togolaises et les Togolais, une violation de l’espace privé de chacun.
Au fond, vous voulez réconcilier qui avec qui ? Pour faire quoi ? Et avec qui ?
Lorsque Faure Gnassingbé et son système trompent systématiquement le Peuple togolais depuis plus de 27 dialogues pour conserver le pouvoir avec les militaires, il faut :
trouver des contre-pouvoirs aux militaires togolais ; ou
les inviter à rejoindre le Peuple togolais dans sa lutte de libération du Togo de ceux qui ont causé le malheur de la plus grande majorité du Peuple togolais.
SA : Doit-on dire définitivement adieu à l’élection présidentielle de 2025 qui était très attendue ?
YEA :La réponse est oui dès lors que la nouvelle Constitution illégale et constituant un Coup d’Etat parlementaire et constitutionnel sera adoptée par le Parlement, lui-même issu d’une contre-vérité des urnes au Togo, et que le Président du Conseil de ministres entrera en fonction après avoir prêté serment.
SA : Le fait de promulguer la Loi après le délai de 15 jours a-t-il une conséquence juridique sur les effets de la loi ?La promulgation a été faite après les élections législatives. C’est la date de promulgation qui est celle d’entrée en vigueur de la loi. Les élections ont été organisées avec les dispositions de la Constitution de 1992 et donc, les nouveaux députés sont élus avec les dispositions de ladite loi fondamentale. Alors, cette nouvelle législature sera-t-elle ou peut-elle être menée sur la base du nouveau régime ?
YEA : Cela dépend de qui décide. Pour le système Gnassingbé, la Constitution de 1992 est morte. Il n’existe que la nouvelle Constitution du 6 mai 2024. Donc, pour l’Etat Gnassingbé, nous sommes clairement dans la nouvelle législature sous la nouvelle Constitution et dans le cadre des mesures transitoires.
Mais, il y a manifestation d’un vice de forme. C’est tout le processus hors délai constitutionnel qui est entaché de vice de forme et de vice de procédure. La date d’entrée en vigueur de la nouvelle Loi constitutionnelle est la date où le journal officiel l’a mise à disposition du public. Par contre la date d’entrée en fonction du Président du Conseil des ministres sera la date où celui désigné, un certain Faure Gnassingbé, prêtera serment.
Les nouveaux députés doivent appliquer la nouvelle Loi constitutionnelle de mai 2024 qui elle-même est illégale à la lumière de la Constitution de 1992.
C’est donc sur la base d’un abus de droit et un abus de pouvoir que le pouvoir Gnassingbé applique directement le contenu de la nouvelle Constitution. Cela constitue un coup d’Etat constitutionnel, institutionnel et parlementaire. Il y a là un problème juridique qu’il faudra clarifier en demandant à la Cour de justice de la CEDEAO de trancher le différend juridique. Mais ce n’est d’ailleurs pas le seul point où le système ne respecte pas la Constitution de 1992.
SA : Pour revenir aux élections législatives et régionales, est-ce la date de la proclamation définitive des résultats par la Cour constitutionnelle qui tient lieu de date d’entrée dans la nouvelle législature ou bien la date de convocation du corps électoral ? Qui dit convocation du corps électoral dit tenue des élections et tout ceci est régi par une législation déjà en vigueur. Or, en l’espèce c’est la Constitution de 1992 qui était encore en vigueur. Votre analyse et avis ?
YEA : Il faut distinguer la procédure juridique concernant les élections législatives et régionales hors délai constitutionnels de l’abus de pouvoir et le Coup d’Etat législatif et constitutionnel que constitue le changement radical et unilatéral sans l’avis du Peuple togolais, de la Constitution togolaise de 1992, dans sa 3e révision et datée du 15 mai 2019[3].
Concernant les élections législatives frauduleuses au Togo, c’est la Cour constitutionnelle qui met en œuvre, en toute dépendance de l’exécutif, la validation des élections en rejetant tous les recours contentieux qui ont eu lieu, le tout sans motivation. Les recours au Togo ayant été rejetés sans motivation convaincante, les recours en appel sont épuisés au Togo. Il faut nécessairement continuer la lutte auprès de la Cour de Justice de la CEDEAO, surtout que les arguments de droit sont nombreux en termes de violation de la Constitution de 1992 mais aussi des textes de la CEDEAO en matière de bonne gouvernance et de pratiques électorales.
SA : Votre mot de fin.
YEA : La lutte pour la libération du Peuple togolais est un marathon démocratique. Personne ne doit se décourager. Chaque citoyenne et citoyen doit s’impliquer. C’est maintenant que les Togolaises et Togolais qui ont toujours suivi des « personnes » et non « des projets politiques écrits », vont devoir changer, prendre conscience qu’il faut un projet politique commun pour que chaque citoyenne et citoyen puisse s’engager.
Il se peut aussi que les citoyens togolais ne considèrent pas de nombreux responsables politiques ou d’organisations de la société civile comme crédibles pour mener la lutte contre le système Gnassingbé. Cela peut expliquer aussi une forme de démobilisation.
Le projet de transition politique doit exister afin de permettre à chacun de se l’approprier et surtout le défendre. Il faut éviter de proposer et suivre des individus et offrir un projet politique alternatif de transition. Pour l’armée, il faut trouver des contre-pouvoirs et identifier les pays occidentaux, du Moyen-Orient et d’Afrique et même d’Asie qui soutiennent le système Gnassingbé et ne payent pas ou très peu d’impôts au Togo. Mais il faut aussi se méfier des journalistes qui se sont convertis comme conseils en communication de Faure Gnassingbé pour échapper à une retraite peu rémunérée en France.
1 New World TV (2024). « Togo – Qui sera le futur Président du Conseil des Ministres : G. Bawara répond ». Invité Gilbert Bawara, Ministre de la fonction publique, Togo. Accédé le 1er juin 2024. Voir https://www.youtube.com/watch?v=BOcQFHnUfR8
2 République togolaise (2024). Loi n° 2024-005 du 06/05/2024 portant Constitution de la République Togolaise. Accédé le 1er juin 2024. Voir www.republiquetogolaise.com › index › files – Année N° 42 Bis NUMERO SPECIAL 06 mai 2024 JOURNAL OFFICIEL.