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Billet de blog 28 avril 2024

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TOGO Droits Humains, Amnesty International rapport 2024, le Togo régime liberticide !

Le rapport annuel d’Amnesty International du 24 avril, sur la situation des droits humains dans le monde, décrit la situation du Togo, pages 474 et 475. Le préambule du chapitre met en exergue la répression du droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, droit à la liberté de la presse, les tortures et mauvais traitements, la corruption. La situation du Togo continue à se dégrader.

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Illustration 1
Togo : Alors que le pays a fêté le 27 avril 2024 le 64ème anniversaire de l’indépendance au moins 120 prisonniers politiques sont toujours détenus dans les prisons du Togo, dont une partie sans jugement. Leur nom ne figure pas dans le décret du président de la République du 25 avril 2024 qui accorde la grâce présidentielle à 808 détenus. © François Fabregat

LES ÉLÉMENTS DU RAPPORT AMNESTY INTERNATIONAL 2024 CONCERNANT LE TOGO CONFIRMENT LE CARACTERE LIBERTICIDE DU RÉGIME TOGOLAIS  

Amnesty International a publié le 24 avril son rapport annuel sur la situation des droits humains dans le monde. La situation du Togo y est décrite aux pages 474 et 475[i]. Le préambule du chapitre consacré au Togo met en exergue la répression du droit à la liberté d’expression et du droit de réunion pacifique, les menaces contre la liberté des la presse avec la suspension de journaux et la condamnation en justice de journalistes. Il signale la condamnation du Togo à trois reprises par la Cour de justice de la CEDEAO pour mauvais traitements, arrestations et détentions arbitraires, et relèves les allégations de corruption impliquant les pouvoir publics formulés par plusieurs ONG. Il met également l’accent sur le délabrement du système de santé au Togo.

En bref le préambule décrit sans fioritures et sans exagération la dégradation récurrente de la situation des droits humains au Togo, considérés dans leur sens le plus large.

Le rapport n’omet pas de citer la précarité de la situation des populations vivant dans les territoires du nord du Togo, dans la région des Savanes, où selon les indications du gouvernement 31 personnes dont 11 civils auraient perdu la vie et 29 autres auraient été touchées par des blessures en raison d’attaques terroristes. Cette situation entraine des déplacements de populations, le Togo accueillant 9965 réfugiés venant principalement du Burkina Faso, alors qu’en raison de l’insécurité provoquée par les incursions de groupes terroristes insécurité 7077 togolais ont été déplacés vers l’intérieur du pays.

Le rapport d’Amnesty International, qui relève la répression des droits des citoyens sous diverses formes confirme les dénonciations fréquentes formulées régulièrement par les organisations togolaises de défense des droits humains relatives aux atteintes répétées à la liberté d’expression et de réunion.

Le Togo est devenu un pays dans lequel les droits politiques ont pratiquement été éradiqués pour les partis d’opposition qui ont érigé l’exigence d’alternance politique en thème principal de leur projet politique. Une idéologie qui fait sens dans un pays dirigé depuis près de soixante ans sans alternance politique, par un seul et même clan, celui de la famille Gnassingbé. L’oligarchie qui compose le cercle intime du clan, confrontée à des contradictions qui ne cessent de s’exacerber, n’a d’autre choix pour se maintenir au pouvoir que de durcir la répression pour faire toute contestation de sa domination sans partage par l’étouffement de toute voix dissonante.

Cela se traduit depuis plusieurs années maintenant par l’interdiction systématique des manifestations publiques pacifiques, des réunions politiques dans l’espace public ou dans des lieux privés, dès lors qu’elles veulent exprimer la désapprobation des politiques menées par le gouvernement et les pouvoirs publics.

Le corollaire direct et inévitable de cette restriction drastique des libertés publiques, dont la liberté d’opinion, implique de facto la liberté de la presse. Ce que détaille le rapport d’Amnesty qui liste de manière non exhaustive les multiples et intempestives irruptions de la Haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC). Laquelle multiplie les procédures de suspension et de condamnation de journaux, Liberté, Tampa Express, l’Alternative, La dépêche et d’organes de presse ainsi que la condamnation de journalistes, Ferdinand Ayité, Isidore Kowwounou, ou les détentions arbitraires, Loïc Lawson, Anani Sossou, Apollinaire Mewenemesse, par le bais de procédures judiciaires inéquitables.

Le système politique de Faure Gnassingbé si prompt à diriger les foudres de la justice contre les voix dissonantes se montre beaucoup moins prompt à respecter et exécuter les arrêts et décisions de la justice supranationale à son encontre. Le rapport d’Amnesty rappelle qu’à trois reprises cours de l’année 2023, la Cour de justice de la CEDEAO a condamné l’État du Togo, au motif de torture et mauvais traitements, ordonnant des libérations immédiates et des indemnisations.

Mais le pouvoir n’en a cure et malgré les condamnations à répétition de l’État, plus de 120 prisonniers politiques croupissent toujours, certains depuis des années, dans les prisons du Togo, soit en raison de condamnations suite à des procédures judiciaires iniques et inéquitables, soit en raison de détentions arbitraires sans jugement. Dictature quand tu nous tiens… !

Au-delà des sévices et de la contrainte physique des personnes, le rapport aborde un autre sujet tout aussi grave par ses conséquences sur le bien-être et la santé des personnes, le délitement jusqu’au paroxysme du système de santé du Togo citant l’exemple de la santé maternelle : « L’accès aux services de santé maternelle était entravé par le manque de personnel, la vétusté des équipements et la piètre qualité des soins. « Togo. “Des femmes accouchent par terre” à cause du manque de personnel et d’équipement » (page 475).

Rien d’étonnant à cette situation en regard du niveau de corruption dans le pays qui se traduit souvent par une évasion fiscale massive qui détourne et soustrait des recettes du budget de l’État des sommes faramineuses comme l’a révélé en 2016 le scandale des Panama Papers[ii], dans lequel on retrouvait un ancien premier ministre togolais actionnaire d’une société togolaise[iii], groupe géant de fabrication de ciment, dont les revenus s’évaporaient dans des paradis fiscaux, grâce aux bons soins d’un cabinet d’avocats au Panama. Combien encore d’évasion fiscale en 2024 ? Le rapport cite au titre de la corruption l’affaire de gestion des fonds COVID dénoncée par plusieurs ONG qui ont déporté le dossier vers la Cour de justice de la CEDEAO.

On voit ainsi que la situation des droits humains au Togo loin de s’améliore, ne cesse de régresser. Jusqu’où cela ira-t-il telle est la question ?    

Considérant que les citoyens du Togo sont en butte face à un pouvoir qui ayant assuré de longue date son impunité en réduisant à néant la capacité de nuisance des contre-pouvoirs persévère dans son entêtement, on peut imaginer que pour justifier la situation du Togo, la cohorte des thuriféraires du pouvoir, ne manquera pas de mettre en exergue les déclarations de la secrétaire générale d’Amnesty international, Mme Agnès Callamard qui alerte sur la défaillance des mécanismes internationaux et résume: « Le rapport annuel d’Amnesty International dresse un tableau affligeant caractérisé par une répression alarmante des droits humains et de multiples violations des règles internationales, sur fond d’accroissement des inégalités mondiales, de rivalités entre superpuissances pour la suprématie et d’aggravation de la crise climatique. »« Le droit de manifester est essentiel pour attirer l’attention sur les atteintes aux droits humains et sur les responsabilités des dirigeants et dirigeantes. Les gens ont clairement fait comprendre qu’ils voulaient le respect des droits fondamentaux ; les gouvernements doivent à présent montrer qu’ils les ont entendus ».

LES REQUÊTES DE Mme LA HAUT-COMMISSAIRE AUX DROITS DE L'HOMME DE L’ONU IGNORÉES PAR LE REGIME ET PASSÉES PAR PERTES ET PROFITS 

Pour anticiper sur cette possible réaction des laudateurs patentés, il est utile de leur rappeler que Mme Michelle Bachelet, Haut-Commissaire aux droits de l'homme a adressé le 24 août 2022 à M. Robert DUSSEY Ministre des Affaires étrangères, de l'intégration régionale et des Togolais de l'extérieur République togolais, ainsi qu’à M. Christian Eninam TRIMUA, à l’époque Ministre des Droits de l'Homme, de l’Education Civique et des Relations avec les Institutions de l'Etat une lettre[iv] dans laquelle elle rappelait l’« Étendue des obligations internationales et coopération avec les mécanismes et organes internationaux de protection des droits de l’homme. »

La Haut-Commissaire énumérait en annexe de son courrier un certain nombre de décisions urgentes qu’elle demandait à l’État du Togo de prendre, pour améliorer la situation des droits humains, telles la « Modification de la législation qui viole le droit à la liberté de réunion pacifique, comme la loi n° 2019-010 du 12 août 2019 fixant les conditions d’exercice de la liberté de réunion et de manifestation pacifique publiques, afin de la rendre conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme » et l’« Association des acteurs de la société civile concernés à l’élaboration d’une législation relative aux défenseurs des droits de l’homme et accorder à ceux-ci une reconnaissance juridique »

Mme Michelle Bachelet, demandait également à Robert DUSSEY que soient données « des instructions claires aux responsables des forces de sécurité sur l’interdiction absolue de la torture et son incrimination, et charger le ministère public d’enquêter sur toute allégation de torture et d’engager des poursuites contre les auteurs » ; d’« Appliquer l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) afin d’améliorer les conditions de détention » ; de « Prendre des mesures pour que les droits constitutionnels des détenus soient respectés et permettre aux organisations humanitaires et de défense des droits de l’homme de rendre visite aux détenus pour veiller à ce qu’ils soient bien traités. » ; de « Poursuivre les mesures visant à lutter contre l’impunité et à offrir une réparation aux victimes d’actes de torture et de mauvais traitements » ; de « Mettre en place des mécanismes efficaces pour prévenir les violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité et enquêter sur celles-ci, et pour identifier les responsables et les traduire en justice, notamment en modifiant le décret n° 2013-013 régissant l’emploi de la force »  ; et de « Veiller à ce que toutes les allégations d’arrestation arbitraire, de détention et de torture donnent lieu sans délai à une enquête impartiale et approfondie et à ce que les auteurs soient traduits en justice. »

Madame la Haut-Commissaire aux droits de l'homme de l’Organisation des Nations unies demandait également de « Modifier les lois qui restreignent les droits à la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association afin de les mettre en conformité avec les normes internationales des droits humains et de permettre aux individus de manifester en toute sécurité, sans crainte d'intimidation ou de recours excessif à la force » ; et de « Redoubler d’efforts pour créer un environnement sûr et propice aux activités de la société civile et exempt d’actes d’intimidation et de représailles, notamment en supprimant les mesures qui restreignent de manière injustifiée l’enregistrement officiel des organisations non gouvernementales et l’exercice des droits à la liberté d’association et d’expression. »

Depuis la réception de la lettre par le Ministre des Affaires étrangères M. Robert DUSSEY, a-t-on pu constater que l’État du Togo ait apporté la moindre amélioration sur un seul des points figurant parmi les requêtes formulées dans le courrier de Mme Bachelet ? Nullement ! Au contraire le pouvoir a durci la répression et accentué la restriction des libertés publiques.

La rémanence pluri décennale du non-respect des prescriptions des Nations Unies en matière de droits humains par le système politique Gnassingbé/UNIR, n’incite guère à présager d’une amélioration prochaine. Il est probable que Faure Gnassingbé -possible futur Président du Conseil des ministres après qu’il aura promulgué SA nouvelle Constitution illégale et une fois choisi par les nouveaux députés de la VIIème législature, élus lors des élections du 29 avril 2024-, continuera de gouverner dans la même veine liberticide, ce socle qui lui permet de se maintenir au pouvoir ad vitam aeternam. D’autant plus que la contestation populaire pourrait dans les prochains jours connaitre un regain de vitalité dans la mesure ou tous les indicateurs quant à l’organisation des scrutins législatif et régional, inclinent à penser que les résultats proclamés ne reflèteront pas la vérité des urnes. Dictature un jour, dictature toujours, ainsi va le Togo… ! FF.

François FABREGAT

28 avril 2024

Illustration 2
Togo : Droits Humains Rapport 2024 Amnesty international Couv.
Illustration 3
Togo : Droits Humains Rapport 2024 Amnesty international p.474
Illustration 4
Togo: Droits Humains Rapport 2024 Amnesty international p.475

NOTES

[i] « Amnesty International, « Rapport annuel 2023/2024 : un bilan sombre qui doit nous alerter », in amnesty.fr, 24 avril 2024, consulté le 27 avril 2024, voir : https://www.amnesty.fr/dossiers/rapport-annuel-2023-bilan-situation-des-droits-humains-dans-le-monde   - Rapport : « La situation des Droits humains dans le monde. Avril 2024 », in amnesty.fr, 24 avril 2024, consulté le 27 avril 2024, voir : https://amnestyfr.cdn.prismic.io/amnestyfr/dd34945a-1514-4bd7-9088-76c86a51a122_french_2024-04-22.pdf

[ii] « « Panama Papers » : comment la fortune de magnats indiens du Togo finit dans les paradis fiscaux » in Le Monde, 27 juillet 2016, consulté le 27 avril 2024, voir : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/07/27/panama-papers-comment-la-fortune-de-magnats-indiens-du-togo-finit-dans-les-paradis-fiscaux_4975374_3212.html

[iii] « Au Togo, les révélations des « Panama Papers » provoquent la colère de la population », in Le Monde, 12 août 2016, consulté le 27 avril 2024, voir :  https://www.lemonde.fr/afrique/article/2016/08/12/au-togo-les-revelations-des-panama-papers-provoquent-la-colere-de-la-population_4982077_3212.html

[iv] OHCR- Nations Unies Droits de l’Homme - Haut-Commissariat, Lettre de Mme Michelle Bachelet Haut-Commissaire aux droits de l’homme à S.E.M Robert Dussey Ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’extérieur 24 août 2022, consultée le 27 avril 2024, voir : https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/hrbodies/upr/sessions/session40/2022-09-09/HC-letter-Togo-fr.pdf

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