Panafricanisme– « Manifeste de la Jeunesse Africaine pour un Nouveau Panafricanisme »
Ce mois d’octobre, Ouagadougou a accueilli la rencontre internationale « Carrefour africain Thomas SANKARA ». A l’issue des travaux, une délégation des participants originaires de 22 pays d’Afrique et du monde, a été reçue par le président du Burkina Faso, auquel a été remis le « Manifeste pour un nouveau panafricanisme », fruit de la réflexion et des travaux de la rencontre.
PANAFRICANISME– « MANIFESTE DE LA JEUNESSE AFRICAINE POUR UN NOUVEAU PANAFRICANISME »
A l’issue des travaux du « Carrefour africain Thomas SANKARA », une délégation a été reçue par le président du Burkina Faso, auquel Guy Marius Sagna, membre fondateur du Front pour une révolution anti-impérialiste, populaire et panafricaine (FRAPP), député sénégalais depuis 2022 et parlementaire de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO),a remisle « Manifeste pour un nouveau panafricanisme ».
Ce texte, fruit de la réflexion et des travaux des participants de la rencontre, s’inspire des réflexions émises en leur temps par d’éminentes figures révolutionnaires du continent Afrique, telles Amílcar Cabral, Thomas Sankara, Kwamé Nkrumah, Julius Nyerere, Patrice Lumumba, Lamine Senghor et tant d’autres.
Au cours de la visite le Capitaine Ibrahim TRAORÉ, a souligné l’importance de la réflexion panafricaniste et des apports de la connaissance de l’histoire, essentiels pour la conscientisation de la jeunesse d’Afrique dans la lutte pour l’émancipation du continent et de ses peuples.
Il a déclaré à cet effet : « Dans l’ordre mondial aujourd’hui, il n’y a que deux camps et chacun devra choisir. Ceux qui prétendent être neutres, soit ils n’ont absolument rien compris, soit ils ont le cerveau éteint ». On ne saurait être plus explicite sur la nature et le sens de luttes à mener pour se libérer des chaines de l’impérialisme et du néolibéralisme et l’acquisition d’une souveraineté débarrassée des rapports de dépendance et de soumission.
Dans l’esprit de révolte et de contestation de systèmes politiques surannés qui anime la jeunesse de maints pays d’Afrique, rien d’étonnant à ce que 75 ans après le début de la mandature de Kwame Nkrumah, l’idée de panafricanisme telle que la pensait le dirigeant du Ghana indépendant revienne en force dans l’imaginaire politique.
Pour reprendre un adage populaire commun on se trouve contraint de constater qu’il y a « panafricanisme et panafricanisme ». Souvent les utilisateurs qui font référence à la terminologie, sont davantage dans la posture que dans la créativité conceptuelle. C’est bien toute la question du contenu qui est en jeu aujourd’hui et quand on procède à un état des lieux les nombreux dévoiements de l’idée font florès. Notamment quand le panafricanisme est revendiqué par des serviteurs zélés des impérialismes et des néolibéraux assumés.
On ne saurait en effet concevoir un panafricanisme libérateur, si celui-ci ne prend appui, n’enracine et ne lie pas étroitement le combat pour l’indépendance, la souveraineté et la dignité avec les questions fondamentales de justice, de liberté et de démocratie, sans lesquelles le combat pour l’émancipation ne se réduit qu’à une impasse. Le risque consistant, à contrario, à continuer de faire porter les chaînes dont on prétend débarrasser les peuples d’Afrique.
En la matière, notre vision des choses est que le retour aux sources et la réappropriation de la mémoire est un prérequis indispensable. Les peuples d’Afrique ont tout à gagner à se réapproprier la mémoire de la palabre africaine intelligente et se remémorer ses vertus « pour trouver des solutions, exposer et prendre des décisions qui engagent la collectivité. »[i]
Il semble par ailleurs erroné de considérer le panafricanisme comme une entité pouvant échapper aux réalités du monde contemporain, évoluer en dehors des grands mouvements circonvolutoires du monde, des tensions internationales, des conflits, des intérêts partisans, des intérêts contradictoires entre exploiteurs et exploités, voire de la lutte des classes tant au niveau local que dans le contexte de mondialisation de l’économie.
C’est ce que semble montrer, tant en Afrique qu’en maints endroits de par le monde, la marche en avant des peuples qui n’entendent plus se soumettre docilement ou se laisser dicter la conduite à tenir ! Certes la lutte d’émancipation est toujours faite d’avancées, de stagnations, parfois de reculs, mais in fine lorsque vient le temps d’activer le fléau de la balance la lutte produit dans la majorité des cas des résultats positifs et fondateurs.
Il est clair qu’en regard des énormes difficultés rencontrées par les régimes politiques des pays développés, caractérisées par les contradictions exacerbées du capitalisme, la restriction du champ des libertés, la répression des oppositions, le démantèlement des services publics, les peuples d’Afrique font le constat que la démocratie, dont le néocolonialisme post-indépendances a calqué le modèle en Afrique, sont fondés à se demander si finalement la démocratie à la mode occidentale est bien « le pire des systèmes...à l'exclusion de tous les autres ».
Celui qui assenait ce propos le 11 janvier 1947 l’avait assorti d’une remarque tout autant pertinente : «Le peuple doit être souverain, souverain de façon continue, et l'opinion publique, exprimée par tous les moyens constitutionnels, devrait façonner, guider et contrôler les actions de ministres qui en sont les serviteurs et non les maîtres. »
A ce titre le panafricanisme est parfaitement compatible avec l’idée que le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple reste la définition souveraine de la démocratie, à la condition obligataire de prendre en compte les particularités des contextes locaux et la diversité des peuples d’Afrique, continent appelé à jouer un rôle important dans la géopolitique mondiale du XXIème siècle, à la condition d’acquérir et d’imposer une souveraineté qui jusqu’à présent lui a tant fait défaut !
Alors que nous voici dans une période où les valeurs humanistes sont malmenées, agressées, voire remises en cause, gageons que les peuples, quelque soient les vicissitudes et l’âpreté de la lutte, finiront toujours par prendre le dessus et que l’idée panafricaniste telle que conçue par ses pères fondateurspermettra aux peuples d’Afrique de faire rayonner une idéologie profondément humaniste, empreinte de la sagesse africaine, grâce à la palabre africaine intelligente.
François Fabregat
28 octobre 2025
RESUME DU MANIFESTE DE LA JEUNESSE AFRICAINE POUR UN NOUVEAU PANAFRICANISME
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RENCONTRE INTERNATIONALE CARREFOUR AFRICAIN-THOMAS SANKARA (RICA-TS)
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PREAMBULE – L’APPEL D’UNE GENERATION
« Les révolutionnaires en tant qu’individus peuvent être assassinés, mais pas leurs idées »
Thomas Sankara
Nous, jeunesse d’Afrique, héritiers des rêves et des luttes de nos prédécesseurs, nous nous levons pour affirmer notre engagement envers un nouveau panafricanisme. Dans l’esprit de Thomas Sankara, Kwame Nkrumah, Jomo Kenyatta, Patrice Lumumba et d’innombrables révolutionnaires anonymes, nous déclarons que le moment est venu pour un réveil radical de la conscience africaine, de l’unité et de l’action.
Ce manifeste n’est pas un document d’intentions, c’est une déclaration de mouvement. Il est né de l’urgence de notre époque : crises climatiques, dépendance économique, aliénation culturelle et érosion de notre mémoire historique. Nous refusons d’être de simples témoins, de passifs spectateurs. Nous choisissons d’être les architectes actifs d’une Afrique libérée, unie et souveraine.
FONDATIONS – MEMOIRE, IDENTITE ET SOLIDARITE REVOLUTIONNAIRE
La Mémoire comme facteur de Résistance
Nous honorons la mémoire de nos prédécesseurs non comme une nostalgie, mais comme une boussole. La décolonisation de nos esprits commence par la réappropriation de notre histoire. La jeunesse africaine :
Exige l’intégration de l’histoire et de la philosophie africaine à tous les niveaux de l’éducation ;
Soutient la création et la promotion de plateformes qui préservent les traditions orales, les savoirs endogènes et les archives révolutionnaires ;
Célèbre les devanciers, à l’image de Thomas SANKARA, non comme des icônes, mais comme des modèles d’intégrité, d’engagement, de courage et de service.
C’est pourquoi nous faisons nôtre cette assertion de Thomas Sankara
« Les ennemis d’un peuple sont ceux qui le maintiennent dans l’ignorance. »
Solidarité Révolutionnaire
La solidarité n’est pas de la charité, c’est une lutte partagée. Nous nous engageons à :
Construire des réseaux de mouvements dirigés par des jeunes à travers les frontières ;
Soutenir les causes de libération, de justice et de dignité partout où elles émergent sur le continent ;
Utiliser les plateformes numériques pour amplifier les voix locales et coordonner l’action collective.
ACTION – INSTITUTIONS, GOUVERNANCE ET ÉDUCATION
Conditions Institutionnelles
Pour que ce manifeste devienne réalité, nous exigeons :
L’inclusion des jeunes dans la gouvernance proportionnellement à leur poids démographique qui constitue une force. Cette représentation doit se ressentir dans les instances décisionnelles locales, nationales et continentales ;
Une éducation civique panafricaine avec des programmes qui enseignent l’unité africaine, les valeurs démocratiques et la pensée critique ;
Des institutions responsables : des systèmes transparents qui servent le peuple et non des intérêts égoïstes et étrangers.
L’Éducation comme Libération
L’éducation doit être émancipatrice. Nous appelons alors à :
Un accès libre et équitable à une éducation de qualité à travers toute l’Afrique ;
Des investissements dans les domaines des STEM (sciences, technologies, ingénierie, mathématiques), ainsi que des arts et savoirs endogènes ;
La protection de la liberté académique et du militantisme étudiant.
Conscience Géopolitique
La jeunesse africaine doit comprendre et s’engager dans les dynamiques de pouvoir mondiales. Nous devons :
Résister aux modèles économiques néocoloniaux et aux pièges de la dette ;
Défendre les positions africaines dans les instances internationales ;
Construire des alliances stratégiques fondées sur le respect mutuel et la souveraineté.
VISION – VALEURS, ASPIRATIONS ET VOIE A SUIVRE
Valeurs Fondamentales
Nous affirmons les valeurs suivantes comme piliers de la nouvelle Afrique :
L’intégrité à travers un leadership fondé sur la vérité et le service ;
La solidarité pour l’avènement d’une unité sincère et réelle, au-delà des frontières, des tribus et des langues ;
La créativité pour parvenir à une innovation qui reflète les réalités et les rêves africains.
Aspirations pour le moyen terme
D’ici la prochaine génération, nous voyons :
Une Union Africaine (UA) pleinement intégrée avec l’effectivité d’une libre circulation des personnes et des biens, ainsi qu’une monnaie commune ;
Des entreprises dirigées par des jeunes comme moteurs du développement durable ;
Une renaissance culturelle qui redéfinit l’identité africaine dans le monde.
Engagement Final
Nous faisons le serment d’agir — et non d’attendre. De construire — et non de mendier. De nous souvenir — et non d’oublier. Ce manifeste est notre serment au continent et à nous-mêmes.
Comme disait Thomas Sankara « Osons inventer l’avenir. » Enfin !!!
Octobre 2025
NOTE
[i]Amaizo Yves Ekoué : « La palabre africaine ancestrale était constituée d’une assemblée restreinte limitée généralement au village pour trouver des solutions, exposer et prendre des décisions qui engagent la collectivité. Généralement, ces palabres étaient ouvertes au public et avaient lieu sous un arbre à palabre pour se protéger du soleil. », in « La palabre africaine intelligente », afrology.com, 10 mars 2014, consulté le 28 octobre 2014, voir : https://www.afrology.com/?p=7758
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