Le sinistre de l’intérieur, accompagné de la cosmétisée Natacha, mémaire de Calais, nous a fait l’horreur d’une visite.
Il a rencontré les commerçants : pas ceux qui vendent chaque semaine aux réfugiés des centaines de kilos de pâtes, d’oignons, de pommes de terre, de sauce tomate, des cartes SIM, des téléphones, des cigarettes ou des bougies, du Coca ou de la bière, non ; mais ceux qui se plaignent d’avoir perdu des clients.
Il a ensuite félicité les forces de l’ordre. Pas les services de santé, les urgences, la Permanence d'Accès aux Soins, qui soignent tant bien que mal les blessés, pas les bénévoles qui préparent et distribuent les repas, pas le Secours Catholique qui les habille, pas les Calaisiens qui se démènent pour trouver des tentes, des bâches, des couvertures. Pas tous ceux, donc, qui font que les Calaisiens échappent aux émeutes de morts-de-faim, aux agressions de morts-de-froid et aux suicides des morts-de-désespoir. Ceux qui préservent un ordre fragile.
Non, il est allé féliciter les « forces de l’ordre », celles qui travaillent pour les Anglais, qui gazent les réfugiés, qui les tapent, qui leur enlèvent leurs chaussures ou leur confisquent leur téléphone, celles qui cognent par colère de devoir perdre leurs nuits le long des grillages, ou par racisme bête et méchant. Celles qui veulent nous faire croire qu’en arrêtant et condamnant les petites mains qui ouvrent et ferment les camions, ils ont « démantelé des filières de clandestins ». Celles qui arrêtent arbitrairement, enferment, emmènent par avion des réfugiés à Nîmes, ou à Paris, pour les libérer deux jours plus tard. En fait, il est allé féliciter les forces qui créent du désordre et amplifient le désordre de la politique européenne vis-à-vis des réfugiés.
Il a écouté deux vigiles qui disent avoir vu « quatre migrants entrainer une fillette » (VDN du 25 décembre). Il a prêté l’oreille à ceux qui affirment qu’il y a eu des « agressions sexuelles sur des lycéennes », alors que la seule agression répertoriée sur une lycéenne est le fait d’une personne de la mouvance d’extrême-droite « Sauvons Calais ».
Il a présenté son « accueil de jour », celui qui devait ouvrir en septembre, pour éloigner les réfugiés du centre ville, et qui ouvrira (peut-être) le 15 avril. Il a visité le bâtiment destiné à accueillir les réfugiés en cas de grand froid : il y a déjà les matelas, peut-être, quand il fera assez froid, y aura-t-il des radiants, des sacs de couchage, des toilettes et de l’eau ? Il a présenté les trois coups de bulldozer censés préparer un « accueil de jour provisoire », censés suffire aux associations qui préparent et distribuent les repas, supposés convaincre ces associations d’aller aux confins de Calais, à une heure et demie de marche de deux des principales jungles, distribuer l’unique repas chaud qu’elles confectionnent.
Il a proposé aux réfugiés de demander l’asile en France, sachant que ces demandeurs seront alors dispersés aux quatre coins de la France, que 85 % des demandes seront refusées et que dès lors, ces demandeurs seront expulsables. Il n’a pas fait le détail, il aurait pu avoir l’honnêteté, par exemple, d’informer les Soudanais que 100 % de leurs demandes seront refusées et qu’ils pourront être sans délais poussés dans un avion à destination de Khartoum et de ses geôles. Il aurait pu avoir l’honnêteté de dire aux Syriens et aux Afghans qu’ils devront faire la preuve, pour obtenir l’asile, qu’ils sont personnellement menacés ou que des membres de leurs familles ont été tués.Il aurait pu avoir l'honnêteté de dire à la majorité de ces demandeurs qu'ils seront expulsés vers l'Italie si par malchance on y a prélevé leurs empreintes digitales.
Il a parlé sécurité, arrestations, éloignement, expulsions, barrières… quand nous disons solidarité, humanité, respect des droits de l’Homme, liberté, égalité, fraternité. Et en plus il n’a même pas honte ! Et la rimelisée Natacha non plus. Et les hauts fonctionnaires chargés d’appliquer ses consignes non plus. Le degré zéro de l’humanité. La météo annonce 0° à partir de dimanche. Le froid est tombé sur Calais. Notre cœur est déjà glacé.