Ceci est une transcription mot à mot de l'émission présentée par Aurélie Casse et diffusée par BFMTV le 3 septembre 2021 à 17 heures 44. Disponible ici : https://www.bfmtv.com/replay-emissions/bfm-story/story-2-ivermectine-le-dangereux-remede-des-antivax-03-09_VN-202109030307.html . Mes commentaires sont entre crochets, en gras.
Aurélie Casse - Comment expliquer le buzz actuel sur l'ivermectine (désormais désignée : IVM, nda), on va essayer de démêler le vrai du faux avec nos invités. Bonsoir professeur Enrique Casalino, vous êtes infectiologue, directeur médical de l'hôpital Bichat à Paris. Bonsoir Caroline Dieudonné. Bonsoir Amandine Atalaya. On retrouvera à distance Philippe Besset, vous êtes président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et Pauline Simonet. D'ailleurs, je vais tout de suite venir vous voir, Pauline Simonet. En fait, en France, Florian Philippot, Nicolas Dupont-Aignan par exemple ne cessent de faire la promotion de ce traitement contre le coronavirus alors que son efficacité n'est pas prouvée, c'est même le contraire, quand on regarde chez vous, Pauline, aux États-Unis, plusieurs personnes ont été hospitalisées après avoir utilisé ce traitement pour se soigner contre le Covid.
[- L'ivermectine a été découverte au Japon dans les années soixante-dix par le professeur Satoshi Omura qui, avec le professeur William C. Campbell qui a permis d'isoler la molécule à partir de la bactérie originelle, ont été récompensés du Prix Nobel de médecine en 2015. Pas le Prix Nobel de médecine vétérinaire. Depuis les années quatre-vingt, elle a été distribuée dans le monde à 3,7 milliards de doses chez l'être humain et a permis de vaincre des maladies très invalidantes comme l’onchocercose ou cécité des rivières, et de nombreuses autres maladies parasitaires comme la gale en Europe. L'IVM fait partie de la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (https://www.who.int/selection_medicines/committees/expert/20/EML_2015_FINAL_amended_AUG2015.pdf).
- En mars 2020, le Dr. Bernigaud est appelé dans un Ehpad de Seine-et-Marne pour une épidémie de gale parmi les 69 résidents (moyenne d'âge 90 ans, dont 98% ont au moins un facteur de risque) et les 52 personnels salariés qui sont tous placés sous ivermectine. Onze font un Covid (7 chez les résidents, 4 chez le personnel) dont 10 sont des cas légers, 1 aura besoin d'oxygène, aucun ne mourra. Parmi 3 062 résidents en Ehpad de Seine-et-Marne retenus dans un groupe de contrôle rétrospectif (âge : 86,2 ans), 22,6% auront le Covid et 4,9% mourront. L'étude en sérendipité (nom qui désigne une étude sur un effet non recherché d'un médicament) a été présentée au groupe Reacting de l'Inserm, dirigé par le professeur Yazdan Yazdanpanah, supposé être la troupe d'élite nationale dans la lutte contre le Covid, qui l'a ignorée.
- Rossana Elena Chahla, chef du service Santé de l’État du Tucaman, en Argentine, a réalisé une étude sur 234 sujets, 117 dans le groupe traité avec de l'IVM et un spray nasal d'iota carraghénane et 117 dans le groupe de contrôle. Le nombre de patients infectés étaient respectivement de 4 pour le groupe traité (GT) contre 25 dans le groupe de contrôle (GC) (p=0,000011). Les patients ayant des symptômes légers, modérés et graves étaient respectivement, 4 GT contre 15 GC (p=0,001), 0 GT contre 7 GC et 0 GT contre 3 GC.
- Parmi les méta-analyses, soit les compilations d'études réalisées afin de tenter de renforcer la certitude statistique, on trouve notamment :
La méta-analyse de Bryant, Lawrie et al. (doi: 10.1097/MJT.0000000000001402 ) sur 24 études randomisées contrôlées (RCT, c'est-à-dire avec un groupe placebo tiré au sort, et où ni les patients ni les médecins ne savent s'ils donnent ou reçoivent le médicament ou le placebo) qui compile les données de 2 438 patients et où on constate une réduction de la mortalité de 62%. On aura l'occasion d'en reparler.
La méta-analyse de Nardelli et al. doi:10.22514/sv.2021.043 qui porte sur 7 études RCT compilant les données de 1 323 patients attestant d'une baisse de la mortalité de 81%.
Plus généralement, sur le site c19ivermectine.com, on trouve 63 études avec groupe de contrôle sur 26 398 patients, dont 31 RCT et qui attestent d'une amélioration en traitement précoce de 69%.
Voilà pour la réalité d'un traitement dont l'efficacité est non prouvée.
Car cette expression de non prouvée pose quand même quelques questions quant à la réalité du paysage informatif français. Pour dire les choses simplement, il nous semble que les journalistes ont quitté le monde du journalisme pour celui de la communication. On s'en doutait au vu des titres des jités qui témoignent que le principe d'une ligne éditoriale dans le journalisme a laissé la place aux « modes de traitements différenciés et différenciant » de sujets uniquement choisis par les chefs du marketing pour essayer d'attirer le maximum d'audience et de publicités. Dans les faits aujourd'hui, nombre de rédacteurs en chef n'ont, dans les faits, qu'une marge de manœuvre très limitée quant aux choix éditoriaux qui sont faits et ce, y compris dans la presse écrite spécialisée. Aucune chaîne de télé, de radio, aucun organe de presse écrite n'a seulement songé à organiser un débat avec, d'un côté, trois médecins qui soignent précocement, et de l'autre, trois médecins qui pensent que ces traitements sont inutiles. Les présentateurs des chaînes d'info sont donc désormais les serviteurs d'une info consumériste « d'infos prémâchées » présumant l'existence d'un monde de la vérité, où celle-ci serait disponible comme la somme d'un savoir en un ciel étoilé et d'où ils « prendraient » leur commission. Or dans la science, dans la justice, dans la politique... à peu près partout à vrai dire, la vérité est un combat. Une telle référence à une « preuve », strictement imaginaire, qui n'est qu'un performatif autoritaire, ne témoigne que d'une visée littéralement antiscientifique.]
Pauline Simonet : Oui, effectivement, c'est assez surprenant... alors qu'il n'y a aucune preuve de l'efficacité de ce produit qui est avant tout utilisé par les vétérinaires... hein, contre le Covid, eh bien, on se l'arrache dans certaines pharmacies, dans certains milieux, notamment dans le milieu ultra-conservateur; des proches de Donald Trump, des animateurs de Fox News en font la promotion à la télévision. Et puis également dans le milieu complotiste hein, il y a un comédien antivaccin extrêmement regardé, extrêmement suivi, Joe Rogan, qui en fait lui aussi la promotion. [ Au commencement, fut ce communiqué du Center for Disease Control états-unien ( https://emergency.cdc.gov/han/2021/han00449.asp) qui faisait état d'une hausse très significative des prescriptions d'ivermectine (88 000 sur une semaine, contre moins de 5 000 avant la pandémie). De là, des chaînes de pharmacies à travers les États-Unis ont refusé de délivrer des ordonnances légales d'ivermectine, ce qui a conduit des patients vers l'automédication avec des produits vétérinaires. Puis il y eut le reportage de la chaîne Kfor (https://kfor.com/news/local/patients-overdosing-on-ivermectin-backing-up-rural-oklahoma-hospitals-ambulances/) sur un hôpital rural en Oklahoma qui aurait été surchargé de patients ayant voulu se soigner avec de l'ivermectine vétérinaire s'exposant à des surdoses. Le Dr Jason McElyea expliquant que les blessées par balles devaient

Agrandissement : Illustration 1

attendre leur tour avant de recevoir des soins « définitifs » en raison de l'abondance d'intoxiqués à l'IVM. « Toutes leurs ambulances sont coincées sur le parking en attendant que des lits se dégagent. Le plus effrayant c'était de voir arriver des gens qui avaient perdu la vue ! » Puis survint un article de Rolling Stone (https://www.rollingstone.com/politics/politics-news/gunshot-victims-horse-dewormer-ivermectin-oklahoma-hospitals-covid-1220608/), déjà mentionné quelques jours plus tôt sur la même BFMTV par Jean-Baptiste Boursier, et donc sans doute le patient zéro de cette fake news, reprenant les infos de Kfor, dont l'interview du Dr McElyea. Puis survint le communiqué de l'hôpital Sequoyah en question : posant que le Dr. McElyea était un vacataire qui n'avait pas exercé dans leur hôpital depuis deux mois, que l'hôpital n'avait « pas traité de patients pour des complications ou des overdoses d'IVM, et qu'ils n'avaient pas eu à refuser de patients dans leur service des urgences. » Quant au sheriff du comté, Larry Lane Jr, il déclarait à Zaid Jilani (@zaidJilani) que, depuis le début de l'année 2021, en tout, deux hommes blessés par balles avaient été amenés à l'hôpital, dont un était décédé.
Mais on aura l'occasion d'y revenir aussi.
Qu'est-ce que « le milieu complotiste » ? Si je me réuni avec des amis pour décider quel film on va aller voir, c'est une sorte de complot. Il y a complotisme partout où il y a refoulement. Refoulement de ce qu'on ne va pas faire d'autre, dans ce cas minimal. La psychose paranoïaque est d'un autre ressort dont témoigne assez bien la construction du film Hold Up : une première moitié très factuelle et même, à mon avis, assez timide dans sa critique de la gestion de la crise par le gouvernement de la République. Puis, vers le milieu du film, on pose une hypothèse : et si le virus avait été fabriqué par l'homme ? À quoi on ajoute une seconde hypothèse, puis une troisième et quand on arrive à la quatrième, on se rend compte que la première n'est plus une hypothèse, mais est désormais considérée comme un fait établi. Par un logicisme imbécile, mû par la nécessité structurale d'étayer l'existence d'un Autre méchant. Mais si, dans l'histoire, des psychotiques paranoïaques ont réussi à entraîner dans leur délire sur les Juifs, les bourgeois ou, à vrai dire, à peu près n'importe qui qui leur passait sous l'imaginaire, des millions de personnes, comme le disait Lacan, n'est pas fou qui veut.] Il a été malade du Covid, [Donc, Joe Rogan, le podcaster pro-Trump] il a affirmé qu'il s'est soigné avec l'IVM et qu'il se porte beaucoup mieux. Ce serait un remède miracle que nous cacherait le gouvernement et... euh... ça a marché puisque beaucoup de monde a suivi cet exemple... hein... on se l'arrache dans certaines pharmacies et plusieurs sont tombés malades hein, notamment dans le Mississippi, ce qui a poussé la FDA, l'agence américaine du médicament à réagir et à lancer plusieurs mises en garde comme celle-ci hein : « Attention, vous n'êtes pas un cheval, vous n'êtes pas une vache, c'est très sérieux, arrêtez ».
Aurélie Casse : Merci Pauline Simonet, en direct de Washington pour BFMTV, euh, oui j'avais même vu passer un tweet d'une américaine qui montrait que, euh... pour rentrer dans une pharmacie pour acheter de l'IVM, il fallait aussi montrer une photo de soi avec un cheval pour prouver... hein que c'était pas de l'IVM pour soi mais pour son animal. Philippe Besset hein, est-ce qu'on peut rappeler d'abord ce qu'est l'IVM, de quoi parle-t-on ?
Philippe Besset : Alors on parle d'un médicament antiparasitaire en France, Stromectol ou son générique ivermectine, en désignation commune. C'est un médicament qui est traditionnellement utilisé en France contre la gale principalement, même s'il a d'autres usages antiparasitaires et euh... on va dire euh... qu'une pharmacie en moyenne délivre euh quatre boîtes par mois de Stromectol donc pour cette indication d'antiparasitaire. Quoi vous dire de plus euh... C'est un médicament qui est sur ordonnance, donc on ne peut pas l'acheter en France sans passer par la case médecin et donc, sans avoir un diagnostic.
Aurélie Casse : Oui, c'est important de le préciser, en France, c'est la protection qu'on a en France, on ne peut se le procurer sans ordonnance, mais est-ce que vous constatez tout de même qu'il y a de plus en plus d'ordonnances avec de l'IVM dessus ?
Philippe Besset : Non, non, si on compare les chiffres, j'ai fait rapidement, pour préparer l'émission, la synthèse des ventes d'IVM en 2019 entre janvier et juillet, c'est 640 000 boîtes et entre janvier et juillet 2021, c'est 650 000 boîtes donc quasiment le même chiffre, donc je vous dis : quatre boîtes par mois et par officine et ça correspond au traitement de la gale donc euh... Circulez il n'y a rien à voir, en fait.
Aurélie Casse : Ça aurait quel risque là, maintenant, si on prenait de l'IVM pour soigner le Covid ?
Philippe Besset : C'est un médicament qui est assez bien toléré dans la posologie telle qu'elle est indiquée dans le traitement considéré. [17 morts rapportés en pharmacovigilance en trente-cinq ans, pour 3,7 milliards de doses, contre 450 par an pour le paracétamol uniquement aux États-Unis.] Maintenant je ne sais pas quelle posologie pourraient prendre les gens pour une indication qui n'est pas avérée [ En 2002, c'est-à-dire, à l'époque où la multinationale détenait un brevet sur l'IVM, Merck a publié une étude (https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/12362927/) attestant de l'absence d'effets secondaires toxiques si une dose 10 fois supérieure à la dose standard été donnée. Soit 2 mg au lieu de 0,2mg par kilo de masse corporelle.] et, en tout cas, ça peut éventuellement avoir des formes graves d’hépatites qui ont été décrites dans certains cas, c'est-à-dire des maladies du foie graves [ Un cas ici https://academic.oup.com/trstmh/article/100/8/795/1882604, deux autres là : https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0151963806710444?via%3Dihub], mais sinon ça peut provoquer des fièvres. Les effets secondaires, généralement, sont liés à la pathologie qui est donc le traitement contre la gale [Alerte lapsus linguae : « La pathologie, qui est donc le traitement contre la gale ».], donc ça provoque parfois un petit relent d'urticaire [Le corps humain peut avoir, dans certains cas, des difficultés à évacuer les vers tués par l'IVM, ce qui induit une petite réaction inflammatoire sans conséquence.], mais ce ne sera pas le cas si on l'utilise contre le Covid puisqu'il n'y aura pas l'indication normale [c'est-à-dire qu'il y a tellement peu d'effets secondaires toxiques qu'on est obligé de parler de ceux qui n'ont pas de raison de se produire]. Donc voilà. C'est quand même pas anodin comme médicament. Il y a une double protection, d'une part aucun pharmacien ne vous le délivrera sans ordonnance, et par ailleurs, il faut attendre de voir quels tests sont faits [avant de s'attaquer aux dizaines de milliards de dollars de profit de l'industrie pharmaceutique qui perdrait ses Autorisations de mise sur le marché conditionnelles (AMM) pour les vaccins si l'IVM recevait une Recommandation temporaire d'utilisation (RTU)]. Si on regarde sur le site de la base de données du médicament, vous pouvez voir que l'ANSM indique qu'elle est au courant des recherches en cours, et qu'elle est à l'affût de ça.
Aurélie Casse : Justement, on va faire le point. Comment on en est arrivé là, Caroline Dieudonné ? Qu'est-ce qui fait que certains disent que l'IVM est un traitement contre le Covid ? Que montrent les études ?
Caroline Dieudonné : Alors, justement on parlait de l'Agence nationale de sécurité du médicament, l'ANSM, elle s'est prononcée parce qu'elle avait reçu une demande de RTU pour l'IVM pour la prise en charge du Covid [De qui elle l'avait reçue ? De Me Jean-Jacques Teissedre qui avait saisi le tribunal administratif puis le Conseil d'Etat pour contraindre l'ANSM, qui ne voulait rien entendre, à se saisir du sujet, avant que, voyant la décision du C.E. poindre, l'ANSM ne daigne, pour éviter l'humiliation d'une décision administrative, examiner une demande de RTU pour l'IVM] et donc, elle explique [Ici Caroline Dieudonné va, plutôt qu'essayer de nous convaincre qu'elle a lu des études comme Aurélie Casse l'avait fallacieusement suggéré, nous faire un digest de la décision de l'agence] qu'elle s'est appuyée sur des études, des revues et méta-analyses publiées, des recommandations internationales également, et ce qu'elle nous dit, eh bien, c'est que, pour l'instant, il n'y a pas suffisamment de données disponibles à ce jour. [À ce jour, c'est-à-dire le 31 mars, où une bonne cinquantaine d'études étaient disponibles et dont sept seulement ont été citées par l'agence, dans sa notice frauduleuse refusant la RTU, ce dont on peut prévoir et espérer qu'elle aura aussi à répondre devant la Justice pour Mise en danger de la vie d'autrui. C'est-à-dire, en plus du fait qu'elle a refusé de se plier à la loi qui la contraint à enregistrer la réunion de « spécialistes » qui ont établi le refus de RTU.] En tout cas, que les autorités sanitaires et les recommandations thérapeutiques nationales et internationales pointent l'insuffisance de données robustes concernant justement l'usage de l'IVM pour le Covid. Et donc, elle dit qu'elle ne répond pas favorablement à cette demande de RTU et elle souligne la nécessité de mettre en œuvre des études cliniques randomisées [Notice publiée le 1er avril 2021, nous sommes le 11 septembre 2021, aucune étude n'a été diligentée par MM. Macron, Casteix, Véran, Salomon et consorts]. Il y a plusieurs instances qui se sont prononcées. En mars dernier, c'était l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, qui déconseillait d'utiliser l'IVM pour traiter la Covid en dehors des essais cliniques, ils disaient également que les données cliniques n'étaient pas probantes. On a aussi un avis de l'Agence européenne du médicament (EMA) qui ne recommandait pas cet usage en dehors des essais cliniques et puis, au mois de janvier, on avait un avis du Haut Conseil en santé publique qui faisait les mêmes recommandations, c'est-à-dire pas de recommandation de l'IVM en dehors des essais cliniques [Et aussi la plupart des états indiens plus l’État fédéral, le Nigeria, et la quasi totalité des états africains sauf ceux qui prescrivent l'hydroxychloroquine (Algérie, Maroc, Sénégal...), la plupart des pays d'Amérique du sud.].
Aurélie Casse : Sur ce plateau, il y a deux semaines, Florian Philippot nous parlait de l'IVM en nous disant : c'est le traitement miracle, c'est irresponsable de ne pas en parler.
[Le 23 août dernier Aurélie Casse recevait effectivement le leader des Patriotes sur le plateau de BFM avec Natacha Polony. La question des traitements précoces y a été rapidement évoquée (https://www.bfmtv.com/replay-emissions/polonews/florian-philippot-si-par-exemple-en-septembre-ou-en-octobre-ils-nous-mettent-un-confinement-nous-manifesteront-quand-meme-23-08_VN-202108230455.html à partir de 9 minutes) :
Florian Philippot : On a dit, les traitements, non ça, on n'en veut pas, surtout quand ce sont des molécules qui ne rapportent pas un sou à l'industrie pharmaceutique.
Aurélie Casse : Mais il n'y a pas de traitement efficace à ce jour.
FP : Mais si, il y en a, c'est ça la question.
AC : Dîtes-nous lesquels
FP : Bon manifestement je ne suis pas médecin, mais quand on se renseigne un tout petit peu, l'IVM, ça semble intéressant.
AC l'interrompant : Non, non, ça a été testé sur trente-six hamsters, ça n'a pas été testé sur l'homme, vous ne pouvez pas dire que c'est efficace.
FP : Mais vous parlez de l'étude de Pasteur, mais il y en a plein d'autres. Je connais votre étude, mais il y en a plein d'autres. Il y a l'étude israélienne de cet été sur des êtres humains, pas des hamsters qui est extrêmement intéressante. Des médecins vous disent qu'ils l'utilisent et que ça marche. Au moins qu'on s'y intéresse, que MM. Véran, Macron parlent de temps en temps des traitements, ils n'en parlent même pas. On nous dit tout-vaccinal, passe-sanitaire, restrictions. Il y a un pays qui est passé par ce modèle avant nous, c'est Israël. Israël, vous prenez les articles de presse il y a trois mois, c'était : le virus, c'est terminé, alors que c'était pas terminé. Alors ils nous ont dit : d'accord, c'est pas terminé, mais il n'y aura pas de formes graves. Sauf qu'aujourd'hui hein...
Natacha Polony, l'interrompt en affirmant péremptoirement que c'est la vaccination en Israël qui a permis la levée des restrictions, c'est-à-dire en considérant comme établi le lien entre une mesure politique, l'instauration et la levée d'un confinement, et une réalité scientifique, les chiffres d'incidence, (idée contredite par les études du professeur John Ioannidis ou du professeur Bernard La Scola), avant de détourner la conversation pour se demander si, derrière sa position sur la crise sanitaire, Florian Philippot n'aurait pas des visées politiques. Elle a ses fulgurances, Natacha.]
Il y a eu plusieurs études, il y a eu celle de l'Institut Pasteur notamment, mais pas d'étude sérieuse sur l'homme. Là, on parlait de trente-six hamsters [again?] et on parlait même d'une réduction des symptômes pas d'une réduction de la contamination, de la transmission de la maladie.
Enrique Casalino : Il y a quelques études [quelque soixante-trois, pour être précis], et des études très critiquables méthodologiquement, quelques unes pour lesquelles même on avait dit qu'il y avait eu des manipulations des datas, de la tromperie dans la manipulation des datas [Alerte lapsus linguae, saison deux : « Il y a eu de la tromperie dans la manipulation des datas. » Par ailleurs, le professeur Enrique Casalino est un francophone d'adoption, de cette espèce toute parisienne qu'on appelle le Noble Étranger, on ne s'attardera donc pas trop sur les éventuelles hésitations qu'il peut avoir lorsqu'il s'exprime, en général, en très bon français. Toutefois il nous semble significatif, qu'il utilise le « on » pour désigner son savoir : « On a dit qu'il y avait eu ». Il aurait pu dire : moi, professeur Casalino, je dénonce telle étude comme manipulée. L'emploi de ce pseudo-discours indirect libre, l'emphase de cette prudence, n'a pourtant rien de fortuite, on va voir ci-dessous pourquoi.]. Et donc, ces études ont été exclues des analyses et lorsque on analyse les données scientifiques solides qui respectent les règles internationales de validation d'un médicament, il n'y a aucune preuve de l'efficacité.
[L'étude du professeur Elgazzar a été retirée du serveur sur lequel elle était en pre-print, suite à une plainte que le professeur considère comme diffamatoire. Il affirme que ce retrait n'a fait l'objet d'aucune alerte, d'aucune demande d'informations complémentaires, et donc que la possibilité de répondre à ses accusateurs ne lui a pas été donnée. Il affirme, de plus, que son étude est en cours d'examen pour une publication prochaine. Ce retrait a fait l'objet d'un barouf publicitaire phénoménal des adversaires de l'IVM qui se sont répandus, dans les réseaux sociaux notamment, en affirmant que, puisque l'étude du professeur égyptien avait été « rétractée », les méta-analyses qui en tenaient compte étaient invalidées. Le Dr Tess Lawrie, co-auteur de la méta-analyse Bryant-Lawrie, a recalculé les données en soustrayant celles venant d'Elgazzar et a trouvé une diminution de l'efficacité de la protection de 62 à 49% (49% signifie que la mortalité est divisée par deux).]
Donc, ce que je peux dire comme médecin, c'est que, les médecins qui prescrivent l'IVM, c'est soit qu'ils sont tombés dans une fascination, soit qu'il y a un échec colossal de ne pas pouvoir prescrire quelque chose, et ça, ça s'appelle de la magie. Quand on prescrit quelque chose sans savoir si ça marche, c'est de la magie, ce n'est pas de la médecine, ce n'est pas de la science [À part si on pense que ça peut marcher, et qu'il faut essayer quand même, parce qu'il n'y a rien d'autre. A fortiori quand on sait que c'est une molécule « qui est assez bien toléré dans la posologie telle qu'elle est indiquée dans le traitement considéré », et que le traitement considéré a encore moins d'effets secondaires que dans le traitement contre la gale par exemple. Ça s'appelle de la médecine, du soin]. Ça peut être aussi une fascination : tout le monde dit que ça marche, je me laisse entraîner parce que bien sûr, 95% des malades évoluent favorablement tout seuls. Du coup, ah oui, moi j'ai prescrit à trois patients à dix patients ils vont tous bien : c'est qu'ils n'ont pas un esprit scientifique, ils ne sont pas capables de faire la chose [Le professeur Casalino pense que les médecins sont des débiles.] Donc au minimum de la fascination ou peut-être même du charlatanisme, parce que prescrire sans preuve, ça peut être du charlatanisme, les consultations, on les paye. Il peut y avoir de l'ignorance. Je pense qu'il y a de l'ignorance de certains collègues en Amérique du Sud, en Afrique, aux États-Unis qui ont prescrit depuis plus d'un an, ça n'a aucune nouveauté cette histoire de l'IVM. Ils ont prescrit, au minimum, c'est de l'ignorance. Ils n'ont pas été capables d'analyser et d'interpréter des datas. Il y a de l'ignorance des consommateurs [et des patients] et il y a une manipulation des consommateurs [et des patients], parce que le consommateur [qui est aussi un patient], il est prêt à prendre n'importe quoi s'il pense qu'il risque d'avoir moins de problèmes [et il a bien raison, c'est un être rationnel, mais la rationalité du consommateur est un problème sur lequel les micro-économistes se sont cassés les dents bien avant Enrique Casalino]. Je pense qu'il y a de la bêtise... quelques uns, il y a de la bêtise : on leur donne des explications, ils ne sont pas capables de les comprendre, c'est de la bêtise. Mais comme dit Jorge Luis Borges, l'écrivain argentin, il n'y a rien qui ressemble plus à la bêtise que la méchanceté [L'Autre méchant is back, le professeur Casalino vous explique la paranoïa en essayant de se l'appliquer à lui-même. Après l'auto-analyse de Freud, un nouveau sujet d'étude pour les étudiants, le cas Enrique C., qui essaie de se prendre pour un psychotique paranoïaque, en vain] et je pense qu'il y a de la méchanceté de quelques hommes politiques, de quelques pseudo-scientifiques, des antivax et je pense que c'est de la méchanceté. Parce que, argumenter en faveur de l'IVM, c'est un moyen d'avoir un discours antivax, c'est inacceptable, c'est de la méchanceté.
AC : Oui, du calcul politique.
EC : Et c'est méchant parce qu'on met en danger des vies humaines [Qui, quoi, où, quand, comment ?] et c'est inacceptable. Je pense qu'ils commettent une faute éthique, déontologique, morale [Ouf : il a failli dire médicale] et je me demande si, légalement, il n'y aurait pas de moyen aussi, je ne suis pas avocat, c'est pas mon travail, mais j'aimerais bien que les avocats se penchent sur l'affaire [pour les faire taire, mais là aussi, c'est un choix perdant, professeur, la forclusion des noms-du-père ne se décrète pas], c'est inacceptable.
AC : On en parle aussi, Amandine Atalaya, parce qu'on a constaté que, sur Facebook, les vidéos qui sont les plus partagées, ce sont celles des hommes politiques, Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot. Ils font la promotion de ce traitement dont l'efficacité n'est pas prouvée. C'est aussi une des raisons qui font que des médecins comme Enrique Casalino s’inquiètent.
Amandine Atalaya : Bien sûr car ils ont une caisse de résonance qui est énorme sur Internet. Ils sont trois à développer l'idée dans ces manifestations, trois hommes politiques, que ça peut être un traitement intéressant contre le Covid, François Asselineau, Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot. Et un exemple de l'impact de ces propos, les trois publications les plus partagées ces trente derniers jours en France sur Facebook qui mentionnent l'IVM proviennent de Florian Philippot et François Asselineau. Donc vous voyez, ça se partage, ça se répand, [Il y a une jouissance délocalisée à laquelle il faut mettre un terme ! Un peu comme les Juifs et la finance mondialisée, ou les « trois cents, cinq cents, huit cents mosquées souterraines », dénoncées par M. De Villiers !] alors que bien souvent, ils tiennent des propos qui, euh..., d'une part ne sont pas fondés scientifiquement, parce qu'il n'y a pas de preuve pour le moment de l’efficacité de ce traitement. Et ils font, en plus, des comparaisons souvent douteuses avec d'autres pays, par exemple Florian Philippot ne cesse de répéter que c'est un remède miracle qui a mis fin à la crise sanitaire en Slovaquie et en République Tchèque en arguant du fait qu'il n'y aurait plus de cas dans ces pays...
AC : Ce qui est faux.

Agrandissement : Illustration 2

AA : C'est faux, il y a entre 50 et 200 cas par jours dans ces pays d'une part et d'autre part ce n'est pas un remède miracle, d'ailleurs certains pays, par exemple le Pérou, où il était utilisé ont finalement décidé de l'abandonner parce que ça ne marchait pas tout simplement et qu'ils n'avaient constaté [quasiment] aucune preuve de son efficacité.

Agrandissement : Illustration 3

[Le cas du Pérou est problématique en ce qu'il pourrait laisser croire à la dissémination d'une information exacte dans cette émission. L'IVM a bien été introduite juste avant le sommet de la courbe de Juan J. Chamie, et avec grand succès comme on le voit. Cependant, son retrait n'est pas une décision sanitaire fondée sur des observations scientifiques, mais une décision politique décidée après l'arrivée d'un nouveau gouvernement. La reprise épidémique qui s'en est suivie peut donc s’interpréter de plusieurs façons. D'une part, on peut considérer que l'IVM ayant été retirée du protocole des autorités sanitaires péruviennes, l'incidence des cas est repartie à la hausse avant que les médecins, sans tenir compte des instructions gouvernementales, ne décident, sur la foi de leur expérience, de recommencer à prescrire pour aplatir la courbe. D'autre part on peut considérer que, les instructions gouvernementales ont été suivies et respectées jusqu'au bout, ce qui laisse à penser que l'IVM n'a rien changé à la courbe qui s'est aplatie toute seule en suivant la dynamique propre à l'épidémie.]
Mais dans tous les pays où les hommes politiques en parlent et Donald Trump, lui aussi, en avait beaucoup parlé comme d'une solution efficace à l'époque [non, il a parlé d'HCQ, mais je n'ai pas trouvé trace d'appels à l'utilisation de l'IVM, sauf peut-être eau de javel plus IVM dans la lutte contre l'invasion des requins-hamsters carnivores géants de la planète Altice], ça a un un impact terrible bien souvent sur la population. Tout à l'heure notre correspondante parlait du Mississippi vous savez, eh bien ça a été 70% des gens qui ont appelé le centre antipoison l'ont fait parce qu'ils s'étaient gavés d'IVM pour chevaux et que, du coup, ils étaient malades comme des chiens et qu'il fallait bien qu'ils trouvent une solution in extremis [En fait c'est 2% des appels qui ont concerné l'IVM, dont 70% l'IVM vétérinaire (mail personnel de Mme Elizabeth Grey, directrice des Emergency Preparedness Communications au ministère de la Santé de l’État du Mississippi)]. Et ça rappelle un petit peu en fait cette polémique qu'il y avait eu sur la chloroquine, traitement que proposait, à l'époque Didier Raoult [Non, Amandine : que propose toujours le professeur Didier Raoult et avec un certain succès si on en croit son étude (https://www.mediterranee-infection.com/wp-content/uploads/2020/04/MS-IHU-Preprint.pdf) publiée en pre-print en mars dernier portant sur 10 500 malades non sélectionnés avec, en tout, 16 morts tous âgés de 60 ans ou plus, et dont 13 avaient un tableau clinique suffisamment lourd pour avoir une espérance de vie inférieure ou égale à un an.] et qui avait intéressé beaucoup de monde y compris Emmanuel Macron lorsqu'on se posait des questions sur l’efficacité ou pas de ce traitement. Ça avait pris des proportions dans la population assez terribles. C'est devenu une figure en partie des antivax et des anti-passe-sanitaire, Didier Raoult, et ce même Donald Trump avait lui aussi pris de la chloroquine à l'époque, mais en traitement préventif alors que c'est tout sauf un traitement préventif [Est-ce que ça pourrait vouloir dire qu'en thérapeutique... Allez, je suis taquin. Tu devines la suite ? C'est cadeau !
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1876034121002197, une méta-analyse indienne où ceux qui ont pris une dose par semaine d'HCQ pendant au moins six semaines ont vu une diminution des infections des trois-quart contre la moitié pour ceux qui ont pris d'autres dosages non-poolés]
Enfin voilà, ils entretiennent tous une confusion, ces hommes politiques qui participent aux manifestations qui est très dommageable pour la population.
François GÉRALD