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Billet de blog 29 mai 2019

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Morgue de la morgue Delahoussienne

Quand la rhétorique journalistique dévoile un simple désir de mort sur des chefs politiques battus, et au-delà un désir de mort sur le politique en tant que tel…

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Parmi les clichés des soirées électorales télévisées, le spectacle des têtes politiques affligées par une défaite plus ou moins cinglante fait figure de baromètre de l'état du Paysage informatif français. Dimanche dernier, alors que les Twittos annonçaient dès 19 heures la victoire du Rassemblement national sur La République en marche, au simple vu des rictus de Ruth Elkrief ou d'Alain Marshall sur BFMTV, celui des responsables des Républicains ou de la France insoumise ne firent pas exception. Sur le fond, disons-le tout net, le temps des dénégations les plus effrontées semble avoir vécu tant les uns comme les autres témoignaient de leur prise de conscience de leur défaite.

Sur France 2 pourtant, Laurent Delahousse donna à la soirée une autre couleur en s'en prenant d'abord à Benoît Retailleau (L.R.) pour lui demander si son chef, Laurent Wauquiez, allait pouvoir se maintenir à la tête de son mouvement. Droit dans ses bottes le chef du groupe L.R. au Sénat renvoya le présentateur dans les cordes tout en notant son insistance à obtenir une réponse qu'il n'avait manifestement aucune intention de lui donner.

Mais le débat prit encore de l'ampleur quand le présentateur commença d'interroger Alexis Corbière (L.F.I.) sur, à nouveau, la légitimité politique de son chef Jean-Luc Mélenchon à diriger son mouvement. Car son raisonnement relevait de la haute voltige. Pour Delahousse, en effet, avec plus de 19% des suffrages à la présidentielle, puis 11% aux législatives, avant un calamiteux 6,7% à ces européennes, J.-L. Mélenchon avait démontré ses limites en tant que leader.

Or, à faire preuve d'un minimum de rigueur, force est de constater, à ne s'en tenir qu'aux scores obtenus, que c'est plutôt la conclusion inverse qui s'impose : ce qui pourrait poser problème pour le mouvement de J.-L. Mélenchon c'est d'exister en dehors de son leader, à quoi on ajoutera en excuse, qu'à propos d'un mouvement âgé de seulement trois ans, tirer des conclusions de cet ordre peut sembler très, trop, hâtif.

Si on sait depuis l'avènement médiatico-mondain de M. Sarkozy, que l'arrivisme est devenu religion d'État en France, il est à noter dans le cas de M. Retailleau comme dans celui de M. Corbière, que le présentateur du service publique ne voit aucune difficulté à supposer que le sort de deux leaders politiques soit mis en débat devant lui et sous son contrôle ! Qu'il pose la question, pourquoi pas, mais son insistance témoigne de son appétence pour les mises à mort en direct là où on aurait pu espérer une réflexion politique.

Car du point de vue des invités, il serait en effet bien imprudent d'engager un débat avec un présentateur uniquement préoccupé par les enjeux de pouvoir pour le pouvoir et célébrant jour après jour la disparition d'un débat d'idées dont le R.N. est le seul bénéficiaire.

Pourquoi remplacer M. Wauquiez à la tête des Républicains ? Sur quels griefs idéologiques ? contre quelle ligne politique ? sont des questions légitimes. Autant des questions que l'on pourrait également poser aux Insoumis, puisque M. Delahousse semble appeler de ses vœux un tel changement. Mais il faudrait alors pour la rédaction de France 2 et des autres médias généralistes se soucier un tout petit peu plus de la ligne politique actuelle de L.F.I., c'est à dire de l'exposer à ses téléspectateurs, d'en faire de même pour les lignes contestataires…

Autant « d'acrobaties journalistiques », comme on doit les appeler aujourd'hui dans ce genre de rédaction, que les impératifs d'audience ne risquent pas de permettre. D'où la question qu'on ne peut s'empêcher de se poser : Laurent Delahousse a-t-il la moindre idée de ce qu'est une ligne politique ?

©François GÉRALD

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