Pourquoi j’étais à la manifestation de dimanche...
Pour ma part, moi qui ne suis pas juif et qui ai soutenu par mon vote et en collant ses affiches la France Insoumise depuis des années, je suis allé à la marche contre l’antisémitisme à Paris, après avoir hésité presque jusqu’au dernier moment. Je ne regrette rien.
Pourquoi y être allé ? Parce que j’ai toujours détesté les antisémites, que j’ai toujours combattu dans mes cours (j’étais professeur de lettres) et dans la rue, l’antisémitisme, et que j’ai toujours été convaincu que lutter contre l’antisémitisme, c’était aussi combattre contre tous les racismes. La manifestation à laquelle j’ai participé n’avait aucune étiquette politique, elle était sans slogans, et correspondait à cette vieille signature dont Voltaire paraphrait de nombreuses lettres : « Vaincr l’Inf » ( = vaincre l’infâme fanatisme, ou, si ce n’est le vaincre, le combattre de façon intransigeante). Pourquoi aurais-je renié des convictions qui jont structuré toute ma vie militante ?
Pourquoi avoir hésité si longuement ? à cause de toute la confusion qui, en France, dès l’attentat du Hamas contre les civils israéliens, a régné dans les discours politiques , de droite comme de gauche. Cette séquence – à mon avis calamiteuse pour LFI -, s’est articulée comme suit :
- Un massacre de civils qui a soulevé une considérable émotion – dont la mienne -, et que LFI n’a pas humainement correctement condamné (il me semble me souvenir, Jean-Luc , qu’une des bases de LFI, c’était « L’humain d’abord » : quelle belle illustration tu nous en as donné !!!), même si une minute de silence -je le rappelle parce que les commentaires médiatiques semblent l’oublier -a été respectée par tous les députés.
- Un appel monstrueux du quatrième personnage de l’Etat à soutenir « inconditionnellement l’Etat d’Israël » ; monstrueux, parce que nous connaissons ceux qui gouvernent cet Etat ; parce qu’on peut peut-être soutenir « inconditionnellement » un peuple, en insistant sur la solidarité humaine que nous pouvons développer, mais jamais un Etat (structure politique s’il en est), ni d’ailleurs quelque parti politique que ce soit ; et ce mot « inconditionnellement » a d’ailleurs été rendu plus ignoble par les horreurs perpétrées dans la bande de Gaza, et plus absurde quand on voit toutes les déclarations – notamment de Macron lui-même – jusqu’à aujourd’hui, qui tournent toutes autour d’un « droit » à appliquer à la guerre, donc autour de « conditions » ! Or, je ne sache pas que cet « inconditionnellement » ait été démenti par la suite, par ceux mêmes qui l’ont soutenu ! (alors que les médias n’ont cessé de réclamer à la France Insoumise, de se démentir ou de se « corriger »...)
- Des propos et prises de positions de Jean-Luc Mélenchon prononcés sans aucun contrôle ni débat démocratique : je dois avouer que, de plus en plus, l’absence de démocratie dans ce mouvement m’en éloigne ; je reste fidèle à l’idée d’un « intellectuel collectif » qui sans cesse, dans ses réactions au flux de l’actualité, pèserait mots et décisions ; soutenir le chef, coûte que coûte, ce n’est pas mon job ; j’ai souvent chanté le second couplet de l’Internationale, « Il n’est pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César, ni tribun» : j’y crois encore...
- Un essai tardif et honteux à mon avis de corriger le tir en improvisant une cérémonie près du Vel’ d’Hiv’, qui heureusement a tourné court ;
- Un soutien « inconditionnel », lui aussi, apparemment, au Hamas, alors même que l’autorité palestinienne en Cisjordanie représente -malgré la corruption de certains de ses membres, l’instance légitime qui représente le peuple palestinien, si affaiblie qu’elle soit depuis la mort d’Arafat ; le Hamas est un mouvement religieux islamiste et fanatique, l’OLP est laïque : comme on dit, « il n’y a pas photo ! »
- Et bien sûr la récupération par Marine Le Pen de toutes ces erreurs, pour en faire son miel, et creuser le sillon du Rassemblement National, alors qu’il aurait été évidemment possible, hors tout sectarisme, d’aboutir comme à Stasbourg à une manifestation bien différente, contre non-seulement l’antisémitisme, mais tous les racismes .
En si peu de temps, cela fait beaucoup pour un vieux militant ! Je crois encore qu’une des signatures de la Gauche, c’est l’Internationalisme, le refus du colonialisme, des dictatures, et le refus de la guerre entre les peuples. Je reste un pacifiste « jauressien ».