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Billet de blog 24 janvier 2025

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2025 ; l’impotence du transport polonais, colosse aux pieds d’argile.

La Pologne qui, au 1er janvier 2025, bombe le torse et montre les muscles au niveau européen en matière de sécurité européenne est en réalité réduite à faire les yeux doux aux pays occidentaux.

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Quitte à sacrifier ses entreprises et les droits de ses ressortissants, le Premier ministre polonais Donald Tusk, assis dans le fauteuil de la présidence du Conseil de l’Union Européenne, en bon exécutant de la politique européenne, suivra les instructions dictées par Bruxelles, Berlin et Paris, pour le bien des investisseurs étrangers en Pologne.

Que d’espoir la Coalition Citoyenne (Koalicja Obywatelska) a-t-elle pourtant suscité en Pologne lors des élections parlementaires d’octobre 2023 ! Que d’espoirs suscite-t-elle encore en Europe (rétablissement d’un Etat de droit, qu’elle-même n’applique pas non plus) ! La question est plutôt de savoir quel espoir l’on peut encore avoir après que tant de promesses électorales ont été balayées, oubliées, malmenées… Donald Tusk perdant toute crédibilité en Pologne, son terrain de prédilection est désormais l’Europe ; avant d’être dirigeant polonais, il est avant tout dirigeant européen, atteint de la maladie qui a gagné tous ces dirigeants focalisés non pas sur le bien de leurs compatriotes mais sur l’international, seul terrain où ils remportent des succès.

Les espoirs ont été déçus de manière générale, mais aussi de manière particulière. Attendu sur les questions de défense des entreprises de transport polonaises, le gouvernement polonais a balayé les questions importantes sous le tapis, alors même que le secteur du transport routier polonais de marchandises est n°1 en Europe.

Alerté sur l’illégalité des contrôles routiers abusifs des entreprises polonaises sur le territoire français pratiqués depuis au moins une dizaine d’années, sur les contrôles du repos hebdomadaire normal des chauffeurs de poids lourds qui conformément aux clarifications de la Commission Européenne ne peuvent avoir lieu post facto, sur la violation par la France des contrôles des véhicules de moins de 3,5t, sur l’illégalité des contrôles du Paquet Mobilité, sur ce que les Contrôleurs français appellent l’obligation de retour des chauffeurs alors qu’une telle notion est inexistante en droit, sur la violation du droit européen par la France, sur l’irrégularité des méthodes de contrôles en France à l’égard des entreprises « d'Europe de l’Est », le gouvernement polonais a répondu qu’il aurait mené une enquête auprès des deux principales fédérations de transporteurs polonais, celles-ci ayant été incapables de lui dire si ces phénomènes étaient réellement avérés ou non, et n'a engagé aucune action.

En revanche, le gouvernement polonais a sauté au plafond et s'est vanté de défendre le secteur du transport routier quand il a mis en place des mesures restreignant la concurrence des entreprises ukrainiennes en Pologne, et lorsque la Cour de Justice de l'Union Européenne a annulé l’obligation de retour du camion au siège de l’entreprise de transport toutes les 8 semaines, alors que cet élément n’était qu’une goutte d’eau dans la mer, et que sur tout le reste de leurs demandes d’annulation du Paquet Mobilité les transporteurs d’Europe Centrale et Orientale n’ont pas eu gain de cause au sein de l’arrêt du 4 octobre 2024.

Menant une politique polono-varsovienne centralisée sur le nombril polonais, le gouvernement polonais est incapable de solliciter les experts internationaux spécialistes en la matière. Alors que plus de 80% des procédures de contrôle menées en France sont nulles, la Pologne ferme les yeux sur le travail et les résultats des experts. A la place, elle affirme qu’elle n’aurait aucune preuve de dysfonctionnement. Pour cause, les principales fédérations polonaises de transporteurs ont répondu au gouvernement qu’elles ne détenaient aucune preuve d’illégalité ; incompétence ou sabordage délibéré ?

Le transport français peut ainsi dormir tranquille, ses intérêts sont bien représentés et son lobbying est efficace.

Le transport polonais, lui, se saborde tout seul, et a été sacrifié par son gouvernement et ses principales fédérations sur l’autel de la subordination des citoyens de seconde zone aux pays fondateurs : quelle que soit l’illégalité du système, tout est pardonné aux Français, la France ne peut se tromper, la France est le pays des droits de l’homme, la France détient la raison suprême. La Pologne se comporte en vassal.

A force de baisser … les yeux, les Polonais paient très cher leur léthargie. Car c’est un signal fort que la Pologne envoie à l’Administration française et au transport français, celui de l’assurance qu’elle continuera d’être un exécutant, que toute réforme européenne initiée par la France et visant à restreindre la liberté de prestation de services en Europe sera acceptée expressément ou tacitement, que la Pologne fera comme on le lui dictera, sans provoquer de vagues, qu’elle acceptera même jusque l’illégalité, l’irrégularité des contrôles et des procédures, les discriminations faites ouvertement à ses ressortissants sur route ou dans les médias, ou celles simplement cachées derrière un sourire, qu’elle est prête à perdre son titre de premier transporteur en Europe, en un mot à perdre son honneur. Cette acceptation est celle d'un gouvernement polonais déconnecté des réalités du terrain, mais aussi des principales fédérations de transporteurs polonais, qui apparemment ont d’autres préoccupations que celle de défendre les entreprises nationales face aux injustices qu’elles rencontrent en Europe. Le colosse a des pieds d'argile.

En ne sachant ni promouvoir ni protéger les intérêts de ses entreprises à large échelle, la Pologne est loin d’être une locomotive, elle se contente de son rôle de wagon et devra s’en contenter encore longtemps si elle ne change pas de mentalité.

Pour la protection des intérêts économiques particuliers à l'international, il ne reste plus aux entreprises que l’espoir de la bonne application du Droit et le recours aux Tribunaux.

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