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Au nom d’une guerre menée par un conseil de défense au moyen d’une politique de santé publique ciblée exclusivement sur un mal et un remède, ce sont les principaux droits du quotidien des Français qui ont été balayés : liberté de circuler, droit d’accès aux soins, droit du commerce, droit de s’approvisionner, de s’alimenter, droit à l’éducation, à la culture, droit de travailler, secret médical, droit à l’intégrité physique, droits des enfants, droit à la sécurité, droit à la protection de ses opinions, liberté d’expression, liberté des médias, fonctionnement des institutions ; toutes ces libertés que l’on disait fondamentales il y a encore quelques semaines ont subi une limitation inadmissible dans un état de droit.
A ceux qui y voient une ségrégation entre personnes, qui s’interrogent sur des dérives institutionnelles, et s’inquiètent d’annonces tendant au licenciement massif de salariés et à l’éviction d’élèves de l’Ecole de la République, l’on répondra que la France est une démocratie respectueuse des Droits de l’Homme : « Voyez ailleurs, c’est bien pire ! ».
Pire ailleurs ? A qui pensez-vous alors ? A ces pays comme la Russie qui se situent dans une « zone grise entre démocratie et régime autoritaire » comme la nomment certains auteurs ?
Pour qu’une « zone grise » puisse s’installer et prospérer, la mise en place de règles de droit ou de non-droit doit se faire de façon si progressive qu’une population s’habitue à des restrictions qui peu à peu lui paraissent nécessaires ; persuadé que l’Etat agit pour son bien, un peuple acquiesce peu à peu à toutes règles et entre volontairement dans un état de soumission ; le piège politico-juridique se referme au moment crucial où le peuple est convaincu que l’état dans lequel il a été placé est celui de Liberté. Il ne suffit cependant pas de mettre des mots sur une situation pour qu’ils reflètent la réalité.
Pensez-vous alors peut-être à la Pologne, contre laquelle une procédure a été engagée au niveau de l’Union Européenne au titre de la violation de l’état de droit, et que l’on dit être le très mauvais élève européen des Droits de l’Homme ?
A titre de rapide rappel, que reproche-t-on exactement à la Pologne ? :
Que son Parlement soit une chambre d’enregistrement des directives du parti au pouvoir ?
Que ses dirigeants, sous couvert de populisme, tentent de convaincre leurs administrés que leur politique est menée en faveur du bien public et de la liberté de tous ?
Que ses institutions, jusque-même le Tribunal Constitutionnel, ne jouent pas leur rôle en toute indépendance et violent l’état de droit ?
Que ses dirigeants mettent en place des moyens de contrôle ou de sanction ciblés sur certaines professions, les empêchant ainsi d’exercer et de respecter leur serment ?
D’avoir stigmatisé certaines personnes pour ce qu’elles étaient dans leur âme et dans leur chair, et pour leurs opinions ?
D’avoir restreint certains droits fondamentaux humains liés à la santé et aux soins ?
De porter atteinte à la liberté des médias et de généraliser un discours unique ?
De provoquer des vagues de manifestants ne désirant qu’une chose, que les droits humains les plus fondamentaux soient à nouveau appliqués ?!
Toute ressemblance avec une situation réelle, actuelle ou vécue en France ne pourrait être que fortuite…
L’après 12 juillet 2021 permet en effet une lecture tout autre de ces quelques lignes, et de relativiser, comparer, se faire une idée, de prendre conscience de ce qui se passe ici et ailleurs.
S’estimant détentrice et gendarme universel des Droits de l’Homme, la France peut-elle les modeler et les interpréter à sa guise ? Ce qu’elle veut appliquer chez les autres ne doit-il pas d’abord être mis en œuvre chez elle ?
A l’heure où le monde entier regarde la France, à l’heure où les peuples ont besoin de dirigeants bienveillants, il conviendra de cesser de faire la leçon des Droits de l’Homme aux autres pays, si ceux-ci ne peuvent pas être respectés en France.
Cette tribune est une réflexion juridique d’un avocat qui connaît et pratique les Droits de l’Homme dans son exercice professionnel quotidien, et qui les placera toujours au cœur de ses préoccupations, en désapprouvant toujours toute dérive, quelle qu’elle soit et où qu’elle soit.