Ce roman devait commencer ainsi, dans la féérie magique de l'enfance sur sa fin, puis glisser par saccades, dans les douleurs d'un enfantement, sur la naissance d'un autre je. Mais ce qui naît dans ce désordre, qui continue à être du roman, comme tout ce qui est écrit en langue romane - et cette langue que j'emploie est bien fille de celle dont usait Chrétien de Troyes - y compris les plus sincéres, les plus authentiques autobiographies, les plus scientifiques traités de physique ou de métaphysique, tout ce qui fixe, scripta manent, est fiction, illusion passée, de la prétention à fixer dans l'immobilité un moment d'une pensée, d'une conscience, d'une parte de cette vie qui grouille pendant qu'une partie de son être est occupée à découvrir ce qui se cache sous le blanc de la page - ce qui naît dans le désordre apparent qui recouvre la pérennité, d'un être qui assiste à tout Cela, est autre chose, et se dit autrement. Et si l'auteur, l'autre, est chargé, oracle, par moi de conter cela ou ceci, ces franges d'une vie, jusqu'au point où le regard peut pénétrer, c'est-à-dire seulement jusqu'aux traces que cette vie aura laissées, plonge et profite de ce désordre pour se laisser aller à chercher, et organisera ce désordre, le manipulera, pendant que lui-même, le chercheur, l'auteur et celui qui est décrit et écrit, le sent ainsi, viendra alors cette esthétique, aisthetos, cette nouvelle forme prendra vie, une autre vie prendra jour, même, et y compris et peut-être surtout, dans les pages serrées d'un livre jamais ouvert.
Billet de blog 6 novembre 2014
Méchante romance
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.