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Billet de blog 7 novembre 2014

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Romance -2

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Paris.

        Cet éternel instant de pureté à jamais perdu, à jamais retrouvé, lancé dans l'azur infini de l'or du temps, il le cherche dans les décombres d'un bâtisse abandonnée, prés des Halles, en cet octobre doré, couvert de la sueur d'une brume légére, il erre dans les gravats d'un studio poussiéreux, heurtant son pied à des photos rejetées, heurtant sa tête à l'infini silence d'un mur mou, il trébuche et sourit, dort et rêve dans cet antre caverneux où plus ne gît que le fantôme de lumiére des spots, des écrans sur lesquels s'agitent des corps gracieux, appelant à eux son âme esseulée, il erre tournoie et tombe, chute infinie d'un silence, d'un grain de silence courant le long d'une ligne éléctrique de sa bouche à lui à son oreille à elle, à l'autre de lui-même perdue dans les songes dorés d'un cauchemar brillant. Elle, elle joue ailleurs le jeu d'une passion charnelle, donnée de corps à corps en une lutte infinie, en une activité virevoltante de pistes de neige à pistes de danse, sur la nappe maculée d'auberges chaudes, au milieu des hommages, d'une cour d'amour câline. Les sexes se dressent et se mouillent d'un brûlure tendre ou brutale; elle prend et se fait prendre debout derriére des portes, dans des corridors, dans des tunnels, s'abandonne aux tendres ou brutales meurtrissures de ses seins pressés par des mains actives, sur les coussins gris de voitures courant de la mer à la neige, des jardins de Collioure en avril, quand les fleurs jaunes et rouges percent la neige des pentes prés de l'eau bleue de la mer à jamais vouée aux jeux de l'amour et du ciel.

       Il traîne son angoisse (son agonie) de caves en souterrains, marche les mains levées sur d'invisibles murs, dans une nuit continue, et parfois frôle et touche un corps tendre, un sourire amical, un râle amoureux. Il prend et posséde dans la nuit électrique de l'acide, sur des lits de hasard, ne touchant plus que des corps, de fugitifs passages de désirs à peine entrevus, il se perd dans le tournoiement des ricanements imbéciles de quelque procuste, de quelque mante, surgit des souterrains du métro en une nuit qui semble établie à jamais, hurle la mort dans des bars de rencontre, se réveille dans d'obscures arriére-salles d'hôtels de passe, veillé par un souteneur silencieux. Il erre, ne sachant plus plus ce qu'il cherche, ne sachant plus qu'il cherche, oubliant jusqu'au nom de la quête, perdu dans les chaînes invisibles du songe d'un enfant mort-né. Son seul ami, alors, est le fils d'une lignée d'esclaves échappé du ghetto du Bronx, un fort et droit géant noir accueilli dans sa chute, et ils unissent leur peine et leur perte, et leur absence, dans une quête de cheveux blonds fixés sur le grain des photos. Dans la cave s'agitent des filles attirées par la lumiére artificielle des flashes, des couples s'assemblent dans le sperme, la sueur et le linge sale, puis le soleil revient inonder la rue encombrée de camions pleins de la terre du trou béant creusé à la place des Halles.

          (En fait, peut-être ne neigeait-il pas vraiment. C'était plutôt une sorte de boue blanche qui aurait pu tomber, dehors. Dedans, dans la cave, c'était une autre sorte de neige qui aurait pu venir. Mais de cela, de cette neige-ci, il est inutile de parler, elle n'est qu'en trop, la vraie couleur de cet endroit étant le rouge. Dehors, c'est sûr, les camions continueraient longtemps encore à passer, emportant la vase du fond du trou. Mais nous, vase, trou, pelleteuses, nous n'en avions cure, de toutes façons c'était la nuit. Bien sûr, il y eut quelques matins dorés d'automne, ce rose et cet or extrêmement diffus suspendus comme une poussiére dans l'air de la rue, qui vinrent se poser sur les mains de cette jeune femme que James photographiait. Mais derriére, derriére ces mains, immédiatement derriére ces mains était un mur gris.)

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