et déserte, illuminée a giorno sur la nuit environnante, avec la seule présence discréte d'un personnel allant et venant, totalement ignoré. Nous étions, elle et moi, les moins ivres des commensaux et l'on eût pu voir là la raison de notre connivence, la conversation, si tant est que l'on puisse appeler ça une conversation, bruyante et décousue des autres passant bien au-dessus, ou au-dessous de notre silence tandis qu'elle plaçait résolument, mais sans lourdeur, son pied sur le mien, le pressant d'un appel discret, aucun des muscles de notre visage n'ayant bougé. J'enregistrai l'appel sans y attacher d'importance qu'un léger tressaillement de désir, sachant déjà quelle complicité nous liait depuis cette soirée passée chez eux, chez Olivia et Mark, à Sefrou, sur la route de Mihrleft, où j'avais ressenti entre nous un élan d'affection à la seule évocation du film de Jean Eustache : "La maman et la putain". Dans notre regard était alors passée cette scéne où je la rencontrai, elle, Olivia, sur fond de grilles du jardin du Luxembourg, dans la trés belle photo en noir et blanc, la buée entre nos bouches échangeant autre chose que les banales paroles d'un coup d foudre, d'autres mystéres, une autre projection, un autre désir, vision fugitive d'un Paris mythique, littéraire et hivernal se surimposant à une autre vision aussi fugitive de doigt glissant sur la soie d'un sein ou accrochant le bord d'un slip, jusqu'à le faire glisser à peine sur la rondeur d'une fesse.
Je ne me voyais guére comploter, cachotier me prenant ainsi dans les rêts d'une possession furtive, désir éteint aussitôt qu'allumé, triste satisfaction d'une pulsion banale, pour tirer parti de cette faveur qui m'était, à la prendre telle, un honneur.
(1984? -78)
Verso du verso :
laissé la main insouciante d'un neveu, avait suivi le groupe dont faisait partie cet ami, jusqu'au car prêt à partir pour, par hasard, la ville où vivait Lucie. Là, il avait quitté le groupe de fêtards et avait pris le seul chemin qu'il connût. L'arme (c'en était une à présent) il l'avait sortie de sa poche devant Lucie croisée par hasard, au sortir du taxi qu'il avait pris quand on l'avait viré de chez les carabins en goguette. Il était très ivre, lui aussi, et le revolver était tombé dans la flaque verte devant la pharmacie. L'arme -il me faut sans cesse, semble-t-il, revenir à elle- il ne l'avait pas brandie, n'en n'avait pas menacé Lucie, non, mais seulement sortie de sa poche elle était tombée dans la caniveau, devant elle, qui se trouvait là par hasard, sans savoir ce qu'il faisait, ni ce qu'il signifiait ainsi.
(Cette arme -son idée- lui manquait à présent : elle l'aurait aidé à obliger Jane à se dénuder, à se montrer nue. Ainsi deux formes se seraient rencontrées dont l'une n'était pas, et l'autre était masquée - vêtue.) (vêtue de noir, elle aussi - et blonde. Pourquoi ? Mais il me faut parler ici de Jane, avant que quelque chose ne s'effondre, un mur, un pan de mur, derrière se découvrirait votre visage étonné, si dur...)