« Le bus 608 ne fait jamais grève. » Usagère régulière, *Imane a de la chance, car ce mercredi 8 septembre, d’autres voyageurs sont impactés par la grève illimitée de la société de transport Courriers du Midi, qui met à l’arrêt près de 41 % des lignes régulières et 26 % des circuits scolaires. Après des modifications de contrats, dénoncées par la CGT, certains conducteurs ont vu leurs lieux et horaires d’affectation ainsi que leurs jours de repos modifiés. Jean-Yves Durand, responsable de Kéolis Hérault, la régie de transports du département, « comprend la réaction des chauffeurs » de la filiale Courriers du Midi, « sans pour autant cautionner le mouvement de grève ».
Les usagers, eux, sont assez surpris par la mobilisation. « On ne sait pas trop pourquoi il y a une grève. On voit des perturbations depuis quelques jours, plus de bouchons que d’habitude », remarque *Marlène, rencontrée du côté de la faculté de médecine de Montpellier.
Les grèves, notamment celles affectant le secteur des transports en commun, sont régulièrement l’objet de débats politiques enflammés, certains estimant que la France est le terrain de trop nombreuses mobilisations. L’Autorité de régulation des transports (Art), dans son rapport d’activité 2024, fait état de fortes perturbations des réseaux dues à des mouvements sociaux. « Les TER longue distance et Intercités de jour sont les plus affectés, avec des niveaux supérieurs à 2019 », précise-t-elle dans ce rapport, sans pour autant communiquer de données précises.
En 2024 toujours, trois grèves nationales ont causé des perturbations en janvier et novembre, sur les lignes de la SNCF notamment, pour dénoncer le manque d’effectifs et le démantèlement de SNCF Fret. Ces mouvements ont été très suivis : « Sur la Côte d’Azur, il y a 100 % des agents de conduite en grève », annonçait en janvier François Téjédor, secrétaire général des cheminots CGT Paca, au journal La Marseillaise. En octobre, les employés de la société ferroviaire ont aussi participé au mouvement contre la réforme des retraites. Il faut aussi prendre en compte les nombreuses grèves locales, comme celle de Strasbourg en juin, ou encore à Rennes, en septembre, où de fortes perturbations ont été observées après l’appel à la grève de la CGT pour dénoncer les méthodes de « management répressif » de Keolis.
Mais ce qui inquiète réellement les pouvoirs publics, ce sont les « préavis dormants », comme les appelle Philippe Tabarot, alors ministre chargé des transports, dans un entretien à Franceinfo en juillet dernier. Cette méthode, qui, selon lui, consiste à poser un préavis de grève valable deux mois, renouvelé tous les deux mois, permettrait aux syndicats d’annoncer une grève au dernier moment sans laisser le temps aux sociétés de transport de s’organiser.
Bons et mauvais élèves
La France serait donc la mauvaise élève à pointer du doigt. D’abord, il faut garder à l’esprit que les modalités de grève et leur comptabilisation diffèrent d’un pays à l’autre, rendant difficile les comparaisons. En Allemagne, en 2024, au moins deux grèves nationales ont été organisées par le syndicat Ver.di pour demander des investissements dans les transports locaux et l’amélioration des conditions de travail des chauffeurs. Insultes, changements d’affectation et manque d’effectifs : les conducteurs de bus dénonçaient les difficultés liées à l’exercice de leur métier. À ces grèves nationales, il faut ajouter les nombreuses grèves locales organisées dans les Länder.
En Italie, le syndicat CaT a été à l’origine de plusieurs grèves nationales durant tous les week-ends du mois de mai 2024 dans le cadre de négociations portant sur les salaires. En septembre, le pays a de nouveau été affecté par une grève nationale et intersyndicale. À l’inverse, d’autres pays, comme la Suède et la Finlande, ont des règles strictes en matière de grève. La majorité des conventions collectives contiennent des clauses d’interdiction de grèves « susceptibles d’être dommageables à la société ».
Pour conclure, certes, la France connaît de nombreux mouvements de grève au sein des réseaux de transports en commun. Néanmoins, ses voisins sont, eux aussi, régulièrement secoués par des revendications sociales similaires. Parfois même plus longues et virulentes, comme en Allemagne, où en janvier 2024, les conducteurs de train ont mené une grève de six jours, l’une des plus longues de l’histoire du pays.
* Prénoms anonymisés