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Comme chaque année avant la rentrée, les entretiens d’Inxauseta à Bunus (Pyrénées-Atlantiques) réunissent plus de 300 acteurs du logement de terrain, représentants d’organisations professionnelles, expert et responsables politiques divers. Les comptes-rendus de fond et papiers d’ambiance ne peuvent pleinement traduire le caractère fédérateur pour le secteur de cet événement, qui continue à faire événement grâce à l’engagement de ses participants et organisateurs. Deux facteurs de ce succès peuvent être mis en avant, comme sources d’inspiration pour d’autres initiatives cherchant à apporter leur contribution au débat général, mais informé, sur le logement.
Premièrement, les entretiens d’Inxauseta sont le résultat d’une préparation continue sur près d’un an, selon une méthodologie développée qui emprunte plus à l’élaboration de programme qu’à la composition d’un casting. En effet, la problématique découle d’une série de réunions croisant les points de vue et pistes de réflexion de profils divers, journalistes, experts et chercheurs, qui dessinent un état des attentes intellectuelles en fonction du contexte présent. Le travail de fond préside à la préparation et ces dernières années, celui-ci s’est enrichi de l’apport d’organisations impliquées dans la production d’analyses et d’idées, comme IDHEAL créé par Catherine Sabbah ou l’ESPI, dont le conseil scientifique est présidé par Jean-Michel Mongeot. L’exigence d’élaboration progressive bénéficie aussi de l’apport de points de vue complémentaires, présentés chaque vendredi dans des tribunes libres publiées par l’agence de presse News Tank Cities.
L’avant-projet est ensuite soumis aux partenaires institutionnels de la démarche, qui permettent de financer les installations techniques et de soutenir l’organisation pratique de la journée, en forme de happening. Car le village de 300 habitants double le temps d’une journée sa population, mobilisant des dizaines d’habitants et militants bénévoles pour veiller au stationnement, à l’accueil, à l’organisation du pique-nique. Deux autres atouts de cette gestion logistique expliquent son efficacité. L’association Supastera qui soutient l’organisation dans le lieu bénéficie d’un demi-siècle d’expérience en matière événementielle, principalement culturel. D’autre part ces dernières années, la participation concomitante d’une organisation de jeunesse organisant son assemblée générale vient soutenir les bénévoles, tout en apportant une diversité de profils de participants.
Enfin, la volonté de donner toute sa place aux participants, afin qu’ils ne se réduisent pas à de simples spectateurs, se traduit par des innovations dans l’animation de la journée. Ainsi, les tables rondes classiques côté jardin se doublent de prises de parole sur deuxième format associé. Dans une chambre de l’auguste maison basque est installé un studio de campagne par la télévision locale, où sont enregistrés des mini-débats, duos de praticiens sur des sujets opérationnels. Ils sont invités à partir de la liste des inscriptions. Près d’une vingtaine de personnalités apportent un éclairage sur les innovations en courts, des propositions de solutions.
Le deuxième élément de succès tient dans la capacité des entretiens à attirer chaque année un ou plusieurs experts de haut niveau qui s’associent pour la première fois à la journée. On peut ainsi citer Jean-Claude Driant, il y a deux ans, Jacques Friggit l’an passé. Cette année, Xavier Lépine, personnalité du monde de l’immobilier proposant une approche innovante de la propriété a pu apporter sa vision stimulante, qui tranchait avec les positions habituelles des acteurs. En effet, sa mise en perspective historique a permis de rappeler l’originalité de notre modèle social français, incluant dans la Sécurité sociale le modèle de retraite par répartition. Ce choix a une conséquence financière, l’argent des cotisants étant directement alloué aux retraités, il ne se transforme pas en placement financier de long terme. Cela explique la faiblesse structurelle du marché des investisseurs institutionnels et sa conséquence.
Aujourd’hui, le parc locatif est détenu par les ménages aisés, qui constituent leur patrimoine sur le logement des ménages modestes. Cette dualité, frontale, manque de médiation, dans un système de copropriété, de vente des immeubles à l’unité, qui paralyse l’entretien de long terme. Xavier Lépine appelle donc le monde de l’immobilier à innover, penser fondamentalement autrement, pour dépasser par l’inventivité les limites spécifiquement françaises de notre modèle du secteur privé. Pour ce faire, il propose une comparaison avec le secteur de l’automobile. Auparavant, une voiture représentait 6 mois de salaire, aujourd’hui, ce rapport monte à un an ou plus, ce qui engage les ménages à opter pour d’autres financements, comme le leasing, associé à d’autres services, et proposé de l’initiative des entreprises elles-mêmes. Le modèle de son entreprise « Les nouveaux propriétaires », va dans ce sens. Le concept consiste à acheter son logement avec une possibilité de revente au promoteur, avec une décote de prix en fonction de la durée de l’achat. L’acheteur ne sera pas forcément le propriétaire de son logement sur le long terme, mais il le sera le temps de son usage. Plutôt que de payer un loyer, il constitue ainsi une part d’investissement. Bien entendu, ce type d’innovation se base sur l’absence d’une baisse significative des prix. Mais considérant le ZAN et les besoins de rénovation énergétique, cette hypothèse apparaît des plus raisonnables.
Ce type de démarche invite à regarder de près les modèles de financement immobiliers de nos voisins, non pas pour directement les transposer, mais pour chercher des pistes opérationnelles adaptées au cas français. Xavier Lépine semble déplorer la timidité du secteur de l’immobilier français en matière de transformation de son modèle. C’est ici que les débats des entretiens peuvent laisser sur leur fin, tout en sachant que les débats équivalents en d’autres occasions ne vont guère plus loin ces dernières années. Face à la gravité de la crise et au besoin de transformation profonde de la politique du logement du fait du grippage du système devenu structurel, l’embrayage politique ne se fait pas, ou peu.
En effets, les parlementaires présents, comme Viviane Artigalas, sénatrice, Inaki Etchanis, député, apportent des réponses ciblées et maîtrisées sur le plan technique. Leurs contributions sont significatives dans la fabrique de la loi, mais elles ne permettent pas de définir un tout, une vision d’ensemble qui incombe aux partis politiques, à des organisations citoyennes, aux programmes présidentiels. Cette absence d’une pensée englobante capable de proposer un horizon de progrès, par-delà la crise, fait défaut pour pousser le secteur à sortir de sa fragmentation. Henry Buzy-Cazaux parlait tout dernièrement du besoin de rêve de la politique du logement. Cependant, l’annonce à Bunus par Lionel Causse, député et président du Conseil national de l’habitat, de son prochain déjeuner de rentrée avec le Président de la République semble confirmer que le sujet du logement remonte dans les préoccupations de l’État.