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Billet de blog 5 septembre 2023

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L’impôt sur les sociétés pour les Hlm : une opportunité de négociation ?

Le dispositif de la RLS (Réduction de loyer de solidarité) est contestable. L’État ponctionne les organismes de logement social sur leurs recettes afin de compenser le désengagement de l’État sur sa politique sociale en direction du pouvoir d’achat des ménages. Peut-être le débat à propos de l’impôt sur les sociétés pourrait-il être saisi comme une opportunité de négociation ?

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Illustration 1
Cage d'escalier années 1960, dans une petite cité de Rochefort © François Rochon

Ce billet est initialement paru dans la lettre HCL du lundi 28 août 2023

Dans leur récent et imposant rapport de l’Assemblée nationale sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement, présenté le 19 juillet dernier, les députés Daniel Labaronne et Charles de Courson proposent notamment de supprimer l’exonération d’impôts sur les sociétés dont bénéficient depuis 2006 les organismes de logement social au titre du Service d’intérêt économique général (SIEG). Leur argument se fonde sur un principe historique de la politique du logement en France et incontesté par le secteur lui-même : les organismes Hlm ont vocation à construire, ou a minima réinvestir au service de la qualité du parc existant. L’objectif n’est pas de réaliser des bénéfices, ceux-ci peuvent donc être imposés.

La mesure vise à cibler ce qu’il est convenu d’appeler les « Dodus dormants », ces organismes anciens et ronronnant, qui génèreraient des recettes sans véritable projet, sans vision dynamique de leur activité, sans s’engager dans des constructions nouvelles. Mais l’existence de cette catégorie d’organismes, souvent évoquée par les responsables politiques pour réformer le secteur, est largement contestée par les professionnels. Depuis l’imposition par la loi ELAN de constituer des regroupements au-dessus du seuil de 12 000 logements, la combinaison des comptes accélère le mouvement de mise en circulation des fonds. De plus, la Réduction de loyer de solidarité (RLS), instaurée dans la suite de la réforme des Aides personnelles au logement (APL), pèse sur les marges d’autofinancement des organismes, qui, de ce fait, sont à l’affut de toutes nouvelles marges de manœuvres internes.

Ce dispositif de la RLS, particulièrement complexe en matière de gestion, s’avère surtout contestable dans sa logique même. En effet, l’État ponctionne les organismes de logement social sur leurs recettes, c’est-à-dire sur la gestion d’un parc immobilier à loyer réglementé, afin de compenser le propre désengagement de l’État sur sa politique sociale en direction du pouvoir d’achat des ménages. Autrement dit, la politique du logement paye pour la politique des revenus. De l’aveu même du gouvernement, cette réforme est une erreur à la fois sur la forme et sur le fond. Mais renoncer à l’économie générée depuis lors apparaît impossible, tant la dette publique s’est creusée entre temps. C’est en cela que l’imposition sur les sociétés pourrait apporter un compromis dans le sens de la clarté politique, comme de l’efficacité de la dépense publique.

Introduire l’impôt sur les sociétés, estimé selon les auteurs du rapport à environ 800 millions d’euros, équivaut à ponctionner plus de la moitié du coût annuel actuel de la RLS. De plus, l’objectif de cet impôt serait d’encourager la construction de nouveaux logement sociaux, en faisant en sorte que les recettes générées donnent des marges de manœuvres pour abonder d’autres dispositifs, comme le Fonds national des aides à la pierre (FNAP). Ce point est important, car la transposition de la disposition européenne portant sur la surcompensation en matière de logement social avait tenté, dans un premier temps, de rediriger ce dispositif vers ce même Fonds national des aides personnelles au logement, ce qui avait été vigoureusement contesté.

Peut-être ce débat à propos de l’impôt sur les sociétés pourrait-il être saisi aujourd’hui comme une opportunité de négociation entre l’État et le Mouvement Hlm, en vue de dynamiser la construction et de simplifier le mode de gestion financier des organismes. En effet, La RLS s’applique avant tout pour les ménages touchant l’Aide personnelle au logement, donc sur les plus faibles revenus. Les organismes qui logent la population la plus pauvre sont paradoxalement les plus ponctionnés. Inversement, l’impôt sur les sociétés concernerait les organismes qui génèrent des plus-values par inertie de leur activité. Il y aurait une logique politique plus forte à taxer ceux qui génèrent des recettes au lieu de prendre le risque d’investir, plutôt que de taxer les plus sociaux des organismes, entravés pour se développer dans le sens de la mixité sociale, par exemple sous l’angle de l’accession sociale et sécurisée à la propriété, qui fait consensus.

Un point annexe paraît également intéressant. Fiscaliser signifie aussi : opportunité de défiscaliser, comme toutes les entreprises. Les organismes de logement social seraient alors encouragés à transformer leur potentiel impôt en d’autres formes d’investissements encouragés par l’État, comme la recherche et développement. Quand bien des groupes immobiliers ont créé leurs laboratoires d’idées, le logement social reste à la peine en termes de vision de long terme. Alors que les groupes d’organismes de logement social s’imposent comme la nouvelle échelle de prise de décision stratégique, n’y aurait-il pas là une occasion d’avancer dans la structuration de cette évolution ?

Car face aux propositions du rapport parlementaire, face à ceux de la Cour des comptes, l’espace est grand pour définir, dans la société civile, l’avenir d’un secteur indispensable à la cohésion sociale et le rôle d’un acteur engagé de l’aménagement du territoire, pôle de stabilité économique sur le long terme. En outre, l’évaluation de l’impôt sur les sociétés constituerait un nouvel indicateur pour le logement social, l’incluant pleinement dans la vie économique, comme il le revendique régulièrement, par le nombre d’emplois générés et les milliards dépensés pour le développement des territoires. Peut-être le nouveau ministre du logement tient-il là un sujet consistant pour tester son rapport de force avec Bercy, lui qui est déjà un expert reconnu de la ville fiscalisée ? Une façon de donner de la matière au futur Pacte de confiance avec le Mouvement Hlm, mais également de renouer avec ce qui avait pu faire le succès du « macronisme » à l’origine : miser sur les valeurs du monde économique pour dynamiser les corps intermédiaires.

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