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Si la victoire d’Emmanuelle Macron aux élections présidentielles de 2017 est une surprise, elle repose néanmoins sur une mobilisation originale et puissante. Celle-ci a su entrainer des personnalités déterminées, venues à la politique par extension de leur engagement professionnel, fortement individualisé et mu cependant d’une part de candeur. En effet, l’histoire politique et la dimension collective des organisations n’apparaissent pas comme des motivations à la lecture du livre de Stéphanie Do, ce qui la différencie des militants des partis traditionnels - entre-temps désertés. C’est plutôt la volonté d’agir pragmatiquement qui l’emporte, associée à l’envie de servir une cause, par principe, noble.
Cette énergie indéniable, Stéphanie Do l’a trouvé dans sa volonté de continuer sa vie dans son pays d’adoption, qui est pleinement devenu le sien grâce notamment à l’école. Lorsqu’elle arrive en France, elle ne parle pas la langue et l’apprend avec acharnement. Peut-être tire-t-elle une part de sa confiance dans sa réussite grâce à l’histoire de sa famille du côté de son père, sur trois générations. Si les conditions matérielles de sa vie en centre d’accueil restent très modestes, elle peut compter sur la force symbolique d’un récit : son arrière-grand père est une personnalité saïgonaise de la francophonie, qui a traduit les fables de La Fontaine et a transmis la langue à son père, professeur de mathématiques.
Mais de cette observation ne doit pas découler seulement une interprétation sociologique, car Stéphanie Do étant devenue pleinement française, elle n’en reste pas moins aussi une femme riche de sa culture vietnamienne. C’est toute la force universelle de la citoyenneté dans notre république, qui reconnait la double nationalité. Une de ses phrases l’illustre clairement : « J’ai eu énormément de chance, alors je pense à mes ancêtres et me dis qu’il n’y a pas de hasard… » (p29). Dans la tradition vietnamienne, le culte des ancêtres est une réalité quotidienne qui fait partie des croyances partagées et il est difficile de le mesurer à travers une conception uniquement occidentale de la vie.
Durant ses études, Stéphanie Do s’intéresse à l’économie et se voit proposer un CDI dans un grand cabinet de conseil. Portée par le succès de son directeur, qui la fait venir dans ses équipes lors de ses promotions successives, elle est motivée à gravir les échelons de ce milieu professionnel fonctionnant aux challenges. Après quelques années, elle reprend même des études et durant ce cursus, elle se familiarise à la chose publique. Elle choisit alors de rejoindre le Ministère de l’Économie et des Finances, une démarche à rebours des opérations de pantouflages, souvent décrites de la part des jeunes hauts-fonctionnaires.
C’est dans ses nouvelles fonctions qu’elle s’intéresse aux velléités politiques de son Ministre de tutelle, Emmanuel Macron. Elle se reconnait dans la logique qu’il met en avant : identifier et résoudre des problèmes, consulter les citoyens et trouver des solutions, à la manière des prestations des cabinets de conseils que Stéphanie Do maitrise parfaitement. Par curiosité, elle participe donc aux premières réunions et se retrouve embarquée dans une organisation qui se développe en accéléré, jusqu’à sa désignation aux élections législatives, comme une suite logique mais qu’elle n’avait pas préméditée. La volonté du mouvement de mettre en avant des figures de femmes l’aide à sauter le pas.
De son mandat, elle évoque peu les travaux pour esquisser plutôt le quotidien professionnel. Son rôle de présidente du comité d’amitié France-Vietnam n’est malheureusement pas développé, alors qu’il aurait été passionnant de découvrir comment une femme riche d’une double culture, et maitrisant couramment les deux langues, peut encourager les relations entre ses deux pays. Sur le plan personnel, peut-être par pudeur ou dans le souci de se concentrer sur l’articulation, au demeurant classique, entre sa trajectoire d’immigrée et l’engagement politique, Stéphanie Do évoque à peine la figure de sa mère ou la naissance de sa fille durant son mandat.
Le livre, disponible également en langue vietnamienne, a été présenté là-bas récemment dans un édition reliée. Peut-être la très discrète communauté vietnamienne en France a-t-elle trouvé en Stéphanie Do une personnalité d’avenir ? Les relations entre France et Vietnam, tant sur le plan économique que culturel méritent pleinement des engagements forts et de long terme. Souhaitons à Stéphanie Do d’y concourir.
Stéphanie Do, En route vers l’assemblée nationale, Les 3 colonnes, 2023, préface d’Emmanuel Macron, 11 euros