A l’heure où l’on se penche gravement, et à juste titre, sur les violences faites aux femmes et plus généralement sur leur condition dans une société à trop forte dominance masculine, j’aimerais revenir un peu sur l’hallucinant monde dont l’on vient, celui de la France début du 20e siècle ! Un monde dans lequel non seulement cette condition n’était pas vraiment un problème mais pouvait aussi être un sujet d’amusements. Très emblématique de cette aberrante légèreté de traitement la joyeuse et entraînante chanson de Maurice Chevalier « Prosper Yop La Boum » qui décrit, ni plus ni moins, les lucratives et criminelles activités d’un détestable proxénète, le tout avec une pétulance et une complaisance qui laissent pantois !
Pourtant, quand on pense que l'air de cette même chanson servit à vendre du pain d'épice dans les années 80 ( Prosper Pain d'épice ), cela en dit long sur la difficulté que peut avoir notre société à déceler le message désinvolte, sournois et pernicieux sous-jacent à de telles chansons !
Voici donc cette chanson et ses hallucinantes paroles au ton si guilleret. Paroles auxquelles je me suis permis d’adjoindre quelques commentaires bien sentis !
Prosper (Yop la Boum!) - Maurice Chevalier
Quand on voit passer le grand Prosper
Sur la place Pigalle
Avec son beau petit chapeau vert et sa martingale,
A son air malabar et sa démarche en canard
Faut pas être bachelier pour deviner son métier »
[ Autrement dit Prosper est un proxénète ! ]
Prosper yop la boum
C'est le chéri de ces dames
Prosper yop la boum
C'est le roi du macadam
[ Petit couplet sur le charme si Parisien de ce pur salaud ! ]
Comme il a toujours la flemme
Y n'fait jamais rien lui-même
Il a son "Harem"
Qui de Clichy à Barbés
Le jour et la nuit sans cesse
Fait son petit business
Et le soir, tous les soirs
Dans un coin d'ombre propice
Faut le voir, faut bien l'voir
Encaisser les bénéfices
Il ramasse les billets
Et leur laisse la monnaie
Ah quel sacrifice
En somme c'est leur manager
Et yop la boum, Prosper !
[ Autre aperçu du charmant profil d’un homme paresseux et sournois qui commercialise le corps des femmes en leur laissant à peine de quoi vivre. ]
Avec sa belle gueule d'affranchi
Là-haut sur la butte
Ah ! toutes les gonzesses sont folles de lui
Et se le disputent
Y en a qui s'flanquent des gnons
Mais oui ! et se crêpent le chignon
Pendant c'temps voyez-vous
Tranquillement il compte les coups
[ Le charme encore d’un homme sans compassion qui aime qu’on s’écharpe et souffre pour lui et dont on vante la beauté en compensation. ]
Prosper yop la boum
C'est le chéri de ces dames
Prosper yop la boum
C'est le roi du macadam
Quand une femme se fait coincer
Par les roussins du quartier
Il la laisse tomber
Et il s'en va carrément
Vers son réassortiment
Dans l'arrondissement
[ Lâche et sans honneur comme il se doit, Prosper se défile au moindre problème et abandonne volontiers les femmes dans la mouise où il les a lui-même mises ! ]
Et quand sur le champ
Elles ne sont pas à la page
Voulant fermement
Faire leur apprentissage
Dans une ville de garnison
Il les envoie en saison
Faire un petit stage
Il a de la classe et du flair
Et yop la boum, Prosper
[ Où l’on voit ici que les récalcitrantes sont envoyées à ce que l’on appelait alors « l’abattage » c’est-à-dire devant subir les assauts en séries ininterrompues de soudards du contingent venus se vider les c…. pour quelque sous ! Sévices après lesquels toute résistance de la rebelle à sa propre dégradation était censée être matée. La grande « classe » quoi ! ]