Le grand chirurgien et le soignant Schweyk fument de concert sur le toit de l’hôpital.
SCWHEYK Nous, ici, n’avons vraiment pas à nous plaindre. Tous les cinq ans, il nous pousse un homme ou une femme providentiel.le, qui promettent -c’est toujours ça- de nous débarrasser des précédents. Ils nous promettent aussi, avec une régularité, une ponctualité de métronomes, de réconcilier -c’est un poil plus difficile- le grand patron et l’éboueur. D’après eux, tout ce qu’ils feront d’urgence, les hommes et les femmes providentiel.le.s, dès leur installation au pouvoir, en faveur du grand patron, profitera à l’éboueur. Tout : les exonérations fiscales, l’allègement du Code du Travail, la réduction des attributions des conseils de prud’hommes… Et lycée de Versailles ! Tout ce que peut-être ils envisageront d’étudier un de ces quatre en faveur de l’éboueur, si ça ne coûte pas la peau des fesses bien sûr, et si la météo s’y prête, si les marchés ont le dos tourné, si l’Europe est bien lunée, tout, le moindre coup de pouce au SMIC, la moindre augmentation de l’allocation de rentrée, le moindre subside, la moindre prime, pourvu qu’ils et qu’elles resteront dans les limites du raisonnable, tout sera de nature à réjouir le grand patron et c’est le cœur d’autant plus leste qu’il versera à ses actionnaires leurs rituels dividendes. Et on sent que nos hommes et nos femmes providentiel.le.s ont envie de croire à ces visions enchanteresses dont ils ornent leur éloquence électorale. Même que l’émotion leur tire des tics et des couacs, il faut les comprendre : accorder le Capital et le Travail, personne jamais ne l’a fait, mais eux ils le feront, croix de bois croix de fer…
LE PROFESSEUR Et vous, Schweyk, vous en pensez quoi ?
SCHWEYK J’ai l’honneur de vous déclarer que j’en pense que, s’ils se trompent, c’est nous qui irons en enfer. Et en vérité, j’en pense que pour mieux penser, j’aurais besoin que vous m’opériez, monsieur le professeur.
LE PROFESSEUR Mais de quoi, mon ami ?
SCHWEYK De la cervelle, avec tout mon respect. Il faudrait, délicatement, m’enlever la Providence de la cervelle.