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Billet de blog 26 septembre 2020

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à l'hôpital

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Un brancardier devant un ascenseur. Et sur son brancard, Schweyk, le visage noyé sous des bandages. On le reconnaît à sa voix) .

SCHWEYK (passablement bourré)   J’ai pris mes responsabilités, ça s’appelle ! J’ai écouté les plus hauts responsables, j’ai compris qu’ils mouillaient. Alors j’ai fait comme ils disaient : j’ai pris mes responsabilités. Et que celui qui ne s’est jamais trompé me jette la première bière !

LE BRANCARDIER   Non, la bière, ça suffit, tu ne crois pas ?

SCHWEYK   En juin, pour être franc, je n’y croyais pas à leur deuxième vague. La COVID, nous l’avions repoussée. Elle était encore là, bien sûr, ces bêtes là ont la vie dure. Elle était là, mais sur le reculoir. De l’avis, de l’aveu général. Et puis, mi-août, elle a repris du poil de la bête, la saloperie.

LE BRANCARDIER   Quand le 15 août passe, la terre se glace. Disait ma grand-mère.

SCHWEYK   La mienne aussi. Bref on l’a vue qui revenait, la sournoise. Qui nous reprenait drap par drap, lit par lit, jour après jour.

LE BRANCARDIER   La faute aux jeunes ! Toujours à se frotter, à se bécoter !

SCHWEYK   Mais non ! Mais oui ! La faute à l’été ! La faute à la sève ! La faute à la vie ! N’empêche qu’à l’automne il fallait prendre ses responsabilités ! C’est ce que j’ai fait, aussi sec !

LE BRANCARDIER   Pour la sècheresse, entre nous, tu repasseras !

SCHWEYK   Après le boulot, tous les soirs, je prenais mon bâton de pèlerin, et je ne mâchais pas mes mots je ne te raconte pas… Le premier soir, je n’en ai pas cru mes yeux, de parcs en jardins, de terrasse en terrasse : tous collés les uns aux autres, tu parles si la COVID se régalait !

Nous sommes tous responsables, que j’expliquais d’un bar à l’autre ! Et que je te rétablisse les distanciations, et que je te remonte les masques, et que je te lave les mains !

LE BRANCARDIER   Et que je te vide les canettes, on dirait.

SCHWEYK   Ma grand-mère (l’autre ! qui était moitié anglaise, moitié pakistanaise) disait When you are in Rome, do as the Romans do. Même Jésus, aux noces de Cana, s’est tapé son litron de pinard. Voulait pas déparer, faire fausse note.

LE BRANCARDIER (appuyant rageusement sur le bouton)  Bon, alors, il vient cet ascenseur !

SCHWEYK   C’est ce que je leur expliquais, aux comptoirs ! Faudrait pas qu’on se retrouve à saturation ! La machine hospitalière bloquée ! La société reconfinée ! L’économie à la ramasse !

LE BRANCARDIER   Apparemment, tu as du en énerver quelques-uns avec ton préchi-précha !

SCHWEYK   Quand on prend ses responsabilités, on prend aussi ses risques, comme disait mon arrière grand-père.

LE BRANCARDIER   Maternel ?

(L’ascenseur est arrivé. On n’entendra pas la réponse.)                  

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