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Billet de blog 4 décembre 2016

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RSA contre bénévolat : un oxymore politique

Après avoir été retoqué par le tribunal administratif, le dispositif contesté "RSA contre bénévolat" proposé par le président du Conseil départemental du Haut-Rhin réapparaît sous l'avatar d'un "contrat d'engagement réciproque" qui n'est autre qu'un contrat de travail gratuit au profit de structures associatives qu'Eric Straumann espère transformer en coup double économique et politique.

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La décision votée par le conseil départemental du Haut-Rhin réintroduit ce qu'on appelle le dispositif bénévolat contre RSA. Il s'agit non plus de conditionner l'attribution de l'allocation pré-citée, mais d'"encourager" l'allocataire de produire chaque semaine un contingent horaire au profit d'associations de son choix.
Ce dispositif présenté comme nouveau réintroduit en fait une décision préalable prise par le président Straumann il y a quelques mois et qui avait été invalidée par le Tribunal Administratif sur recours du Préfet du Haut-Rhin.
La nouvelle présentation qui en est faite sous la forme d'un contrat affirmé comme librement négocié entre les "bénéficiaires" - le terme utilisé ici est d'ailleurs en soi intéressant - et l'institution délégataire du RSA pose à l'évidence question.
L'intention qui est affichée paraît en effet louable : permettre aux allocataires de rompre leur isolement et de contribuer ainsi à les remettre dans une démarche positive en vue de leur réinsertion dans le monde du travail. Dans le même temps, le Conseil départemental s'appuie pour légitimer sa démarche sur le fait que 25% des allocataires du RSA sont déjà bénévoles dans le milieu associatif.
Mais en réalité, les questions sont plus nombreuses que les réponses et il est à craindre que ce nouveau dispositif obéisse en fait à la volonté de remettre sur le métier un ouvrage déclaré illégal, d'une part et qui s'avère contestable, de l'autre, dans sa réelle intention.
Il faut tout d'abord rappeler que le terme de bénévole a pour étymologie le latin "bene volens", c'est à dire "de bonne volonté". Un bénévolat obligatoire revient à user d'une forme d'oxymore où la libre volonté cohabiterait avec la contrainte.
En effet, comment parler de "libre négociation" ou de "libre consentement", lorsque la principale - sinon la seule - ressource mensuelle de quelques centaines d'euros ne vous sera octroyée que sous la condition d'accepter d'effectuer un contrat qui prévoit en contrepartie des heures de travail pour le compte d'une association.
Peut-il paraître dès lors décent d'user de termes comme " dynamique positive d’insertion sociale et professionnelle", lorsqu'en même temps on met en avant une autre motivation du côté du Conseil départemental : mettre fin à un modèle de RSA qui serait en réalité une prestation d'assistanat ? En effet, rendre l'action bénévole obligatoire revient à désigner les allocataires du RSA qui jusqu'ici ne se rendent pas volontairement dans les associations comme des personnes installées dans une situation confortable où ils touchent une sorte de rente mensuelle exonérée de toute obligation. Et pendant que cette rente leur est payée par l'argent du contribuable, ledit contribuable, lui, est obligé, pour obtenir son salaire, de donner de son temps et de sa sueur au service d'un employeur. Comment dès lors trouver à redire à ce qu'une contrainte aussi minime - quelques heures hebdomadaires de "bénévolat" - lui soit imposée en échange de cette "rente" ?
Il est par ailleurs intéressant de noter l'expression de "coup de pouce de la collectivité pour sa politique d'insertion" utilisée par le Président Straumann. Et c'est vrai que de les financements du Conseil départemental traditionnellement apportés aux structures associatives sont systématiquement rabotés depuis de nombreuses années, au nom de la baisse des dotations de l'État et - entre autres - de la lourde charge que représente le RSA dans le budget de cette collectivité. Il peut paraître dès lors tentant de réaliser un coup double, à la fois économique et politique : écrèmer les allocataires et apporter des forces vives aux associations en remplacement des financements désormais taris.
Mais comment, en même temps, ne pas s'interroger sur l'intérêt pour une association de voir arriver dans ses locaux une personne sensée l'aider dans ses activités et dont la seule motivation est la contrainte imposée par son "contrat d'engagement réciproque" ? C'est oublier que le bénévolat naît d'une initative personnelle et ne peut venir que de l'intérêt, voire de la proximité du bénévole vis à vis de la cause à laquelle qu'il entend promouvoir par son aide. Lui imposer ces heures de présence, c'est oublier qu'on ne décrète pas la bonne volonté et qu'une fois imposé, il ne peut plus s'agir de bénévolat mais de travail gratuit paré des oripaux du "libre consentement". D'ailleurs, demeure l'interrogation de savoir ce qu'il adviendra du versement du RSA à un allocataire qui refuserait ces heures de travail associatif gratuit.
Reste désormais à scruter le devenir de cette nouvelle décision d'Eric Straumann, entérinées par sa majorité au Conseil départemental. Elle marque en tout cas un nouveau pas sur le chemin du populisme qui gagne peu à peu le paysage politique français, du plus bas jusqu'au plus haut niveau de l'État et des collectivités territoriales. Un populisme hélas plébiscité par un nombre croissant de nos concitoyens, en ces temps de crise économique, sociale et culturelle.
François Schmitt - Illkirch-Graffenstaden

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