Qu'est-ce qui est le plus grave : les élus qui trompent leurs électeurs, ou bien les électeurs qui ont une éducation à la politique tellement faible qu'ils ne demandent qu'à être trompés ? C'est là toute la faiblesse de la démocratie : n'exiger aucune connaissance de base des enjeux électoraux en échange du droit de voter. Pour conduire un véhicule à moteur, on exige une compétence (conduire) et une connaissance (le code de la route). Pour avoir le droit de chasser, c'est peu ou prou la même chose. Voter, a dit un jour un homme politique dont je ne me souviens plus du nom, c'est en quelque sorte avoir une grenade dégoupillée en main. Or, il suffit d'avoir l'âge requis et être citoyen français pour avoir le droit de participer aux choix qui engagent la communauté. Et donc aussi celui d'être trompé, faute de s'être informé(e) sur les conséquences de son vote.
Que l'on aille interroger un électeur (ou une électrice) du RN, de l'UDR, d'Horizon, du PS et de n'importe quels autres partis de France. Il y a tout à parier qu'il ou elle sera bien en peine d'indiquer les principaux points de leurs programmes respectifs, tout simplement parce qu'il ou elle ne les a pas lus, se contentant de ce que lui auront appris les media ou, pire les réseaux sociaux. Paresse intellectuelle, absence d'esprit critique, entourage familial ou communautaire, enjeux de classe… le résultat est le même, à savoir ce qu'on pourrait appeler une "minorité démocratique".
Oui, je sais, on va me ressortir la fameuse phrase attribuée à Winston Churchill. Mais je suis certain que ce n'est pas à cet aspect-là de la démocratie qu'il pensait, lorsqu'il disait que c'était "le pire des systèmes à l'exception de tous les autres". Lorsque j'entends - assez régulièrement, hélas - que tel parti, "il faut lui donner sa chance, car on ne l'a jamais essayé", j'avoue avoir du mal à garder mon calme. Un parti politique n'est pas une lessive, ce n'est pas aux lecteurs de Mediapart que je vais l'apprendre.
Voter est sans conteste un droit. Mais comme tout droit, il s'accompagne d'un devoir qui lui est consubstantiel. Celui de s'informer, de chercher à comprendre les enjeux, regarder aussi dans le rétroviseur pour tirer les leçons du passé, se construire une conscience et une conviction politiques. Bref, faire des efforts. Des efforts que ne sont pas près de faire les adeptes de Tik Tok qui s'abonnent à tel influenceur ou telle influenceuse, tel homme ou telle femme politique et les écoutent parce qu'il (elle) est jeune, connaît les codes des réseaux sociaux, manipule avec habileté les punchlines qui font mouche. Parce qu'au final, ces électeurs et électrices confondent politique et spectacle politique.
C'est d'abord parce que ce public est facilement manipulable que tant de media qui étaient à vendre se sont livrés à des oligarques proches de la droite et de l'extrême droite. Leurs acquéreurs ont su profiter de ces aubaines pour mettre la main sur ces leviers aptes à influencer une opinion qui ne demande qu'à se faire manipuler. Aujourd'hui, à l'heure où critiquer ce qui se passe aux États-Unis sous l'ère Trump II est devenu à la mode, il faut être capable de se regarder dans le miroir de notre relation avec la démocratie, en France comme partout en Europe.https://www.mediapart.fr/journal/france/060825/le-parti-horizons-ferme-les-yeux-sur-la-proximite-d-un-de-ses-maires-avec-l-extreme-droiterécente enquête