Intéressante lecture – comme toujours – que celle de la tribune hebdomadaire d’Alain Duhamel parue dimanche 14 mai dans les Dernières Nouvelles d'Alsace. L’analyse pertinente qu’il y fait de la fin de mandat de François Hollande, en président injustement victime d’un désamour inédit de la part des Français pour un président de la Vè République, est saisissante.
La question n’est pas de juger si cette thèse est juste ou non. Chacun peut se faire son opinion, si tant est que son opinion ne soit pas déjà faite.
Ce qui est par dessus tout digne d’attention, c’est la description qui est faite des résultats qu’Alain Duhamel présente comme une « situation (qui) semble s’éclaircir ».
De quoi est faite cette éclaircie ? De conséquences « positives », écrit doctement l’éditorialiste dominical. Et c’est là que le citoyen moyen est en droit de s’interroger sur la pertinence de ces « effets positifs » dont nous rebattent les oreilles tant de politiciens et d’analystes économiques que relaient à tour de bras les media d’information.
Qu’on en juge. Le déficit budgétaire de la nation flirte désormais avec 3% érigés par les autorités communautaires comme barrière intangible à ne pas franchir. Le CICE a permis aux entreprises de restaurer leurs marges. Mais en même temps, pour le salarié Français, le prix à payer pour cette « embellie » promise – comme le rasage gratis – pour des lendemains qui ne manqueront pas de chanter ,est lourd. Âge de la retraite retardé, droit du travail « assoupli » se traduisant par une protection moindre (c’est un euphémisme !) des salariés, indemnités chômage sans cesse réduites, contrôle renforcé des demandeurs d’emploi avec bientôt obligation pour eux d’accepter une offre « décente » (à savoir payé jusqu’à 20% de moins que leur salaire précédent), pensions gelées depuis trois ans, bientôt augmentation d’1,7% de la CSG, mais aussi fermeture progressives d’unités hospitalières de proximité, déremboursement de médicaments…
Pourquoi cette véritable régression sociale et sociétale à la fois ? Pour retrouver de la compétitivité face à la concurrence mondialiste, née de l’ouverture économique des frontières – ouverture qu’il ne s’agit pas ici de remettre en cause, bien entendu.
Mais qu’on reconnaisse à tout le moins que cette concurrence déflationniste est issue de pays où les droits sociaux, la protection des salariés, les revenus moyens et la politique de santé sont bien inférieurs à ceux que connaissait la France jusqu’ici. Autrement dit, plutôt que d’avoir eu pour effet de tirer les pays tiers vers un droit du travail et un niveau social comparables à ceux de la France, c’est à un mouvement contraire que l’on assiste : le nivellement se fait par le bas, du supérieur vers l’inférieur.
Quel paradoxe ! Et le pire, c’est que ledit citoyen moyen, celui qui en pâtit le plus, se mue en complice de ce mouvement. L’ouverture des frontières, la mondialisation, cette boîte de Pandore qui aboutit à l’amoindrissement des avantages qu’il avait chèrement acquis, il en profite pleinement et chercher – trouve - sans cesse le prix le plus bas pour les biens qu’il convoite. Il est puissamment aidé en cela par internet, autre bras armé de la mondialisation qui met à sa porte les producteurs et les distributeurs situés sur l’autre face de la Terre, là où le coût du travail frise l’état d’esclavage. Sa frénésie consommatrice encourage toutes les délocalisations dont il s’émeut - tout en cherchant à en profiter pour lui-même.
La seule leçon qu’on peut en tirer est qu’on assiste à une spirale où les bons élèves sont les pays « dynamiques », c’est à dire plus respectueux de la réussite entreprenariale que de la valeur du travail, plus admirative des milliards de Bill Gates – quand ce n’est pas de ceux de Ronaldo – que du Smic durement gagné par l’ouvrier de chantier de chez Bouygues, au prix de 1700 heures annuelles passées à trimer en plein air, été comme hiver.
Qu’on s’étonne après cela que la France est le pays du moral en berne et de la révolte quji se traduit dans les urnes par une montée en puissance des extrêmes…