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Billet de blog 6 octobre 2024

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Ce sont des bêtes ! C'est Victor Hugo qui le dit !

Ce dimanche matin 6 octobre, bientôt un an après le 7, nous sommes un dimanche pluvieux, et sur les ondes d’une radio publique française Sébastien Spitzer a choisi en son âme et conscience citoyenne de convoquer l’autorité du grand auteur. Ou comment les écrits de Victor Hugo sont détournés sur France Culture pour nous « éclairer » sur la bestialité de nos ennemis.

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Sébastien Spitzer était l’invité ce matin dimanche à 9h de l’émission Talmudique de Marc-Alain Ouaknin pour nous parler de son livre rendant hommage aux morts et aux rescapés de ce qu’il appelle le pogrom du 7 octobre, intitulé Et nous danserons encore.

Grand amateur de Victor Hugo, son diapason ultime, nous confie-t-il, pour penser le monde, ayant même écrit Le Dictionnaire amoureux de Victor Hugo, il nous explique qu’il a amené un texte qu’Hugo avait écrit concernant les pogroms dont les juifs avaient été victimes en Russie à la fin du XIXème siècle, publié en 1882, qu’il nous présente comme éclairant par rapport à ce que les israéliens ont vécu le 7 octobre, et dont il souhaite donc nous lire un extrait (que j’ai un peu écourté, pour ne garder que les passages-clés) :

« Ce qui se dresse en ce moment, ce n’est plus du crime, écrit Victor Hugo, c’est de la monstruosité. Un peuple devient monstre, phénomène horrible. (…)

Ce qui se passe en Russie fait horreur, là un crime immense se commet, ou pour mieux dire, une action se fait, car ces nations exterminantes n’ont même plus conscience du crime. Elles ne sont plus à cette hauteur. Leurs cultes les ont abaissées dans la bestialité. Elles ont l’épouvantable innocence des tigres. La castration de l’homme, le viol de la femme, la mise en cendre de l’enfant, c’est l’avenir supprimé. Le passé ne veut plus cesser d’être, il tient l’humanité, le fil de la vie entre ses doigts de spectre. D’un côté le peuple, de l’autre la foule, d’un côté les ténèbres, de l’autre la lumière. Choisis. »

Sébastien Spitzer, après cette lecture, ne va pas jusqu’à préciser qui est aujourd’hui ce peuple monstrueux, bestial, tant le parallèle semble évident. Les monstres, ce sont ceux qui ont commis le 7 octobre. Et Spitzer d’insister sur le fait que les victimes étaient des pacifistes des kibboutz, des gens de paix, ce dont ces monstres, incapables de cette hauteur d’humanité, ne peuvent bien sûr avoir conscience.

Le côté des ténèbres, cet axe du mal ennemi des auditeurs de France Culture, ce sont les arabo-musulmans et leurs nations exterminantes (qui pourtant niveau comptable sont de vrais disciples de Gandhi si on les compare au clan Occidental depuis 2001 ou depuis cinq siècles).

Ce parallèle extrêmement douteux entre l’histoire de l’oppression du peuple juif par l’Empire Tsariste à la fin du XIXème siècle et le pogrom du 7 octobre 2024 permet ainsi implicitement – Sébastien ne va pas jusqu’à le dire, il préfère qu’on l’intègre comme une analogie imparable – de nous faire prendre conscience de la menace que représentent ces ennemis de l’humanité, ces tigres à l’innocence impitoyable, métaphore Hugolienne de la bêtise aveugle et sanguinaire de la foule déchaînée.

Paradoxalement, l’analogie entre l’époque Tsariste et notre époque, si on tentait de la faire, nous amènerait plutôt à retrouver dans le rôle de l'Empire les Etats-Unis et son allié israélien, doté des pleins pouvoirs, opprimant, humiliant, enfermant, massacrant, nettoyant ethniquement depuis bientôt 80 ans le peuple palestinien vivant un apartheid reconnu par tous les spécialistes du Moyen-Orient, mais ça notre auteur ne semble pas l’entrevoir.

Ce matin nous sommes un dimanche pluvieux, et sur les ondes d’une radio publique française Sébastien Spitzer a choisi en son âme et conscience citoyenne de convoquer l’autorité du grand auteur Victor Hugo pour nous faire bien saisir au fond toute la nécessité – comme le réexpliquait d’ailleurs hier soir précédent Netanyahou au président Macron qui faisait mine de ne pas avoir compris et de s’en offusquer (honte à lui !, s’indignait N.[1]) – de supprimer totalement le Hamas et le Hezbollah, car ce ne sont pas d'êtres humains dont on parle mais de monstres, de bêtes qu’il faut éradiquer pour le bien de notre Axe du bien, pour notre gloire à nous Occidentaux de lumière qui refusons les ténèbres et surtout de nous abaisser à signer des cessez-le-feu avec de pareils barbares analphabètes.

Il faut choisir, peuple français, c’est eux ou nous ! Et ce n’est pas moi qui le dit, mais notre plus grand écrivain de tous les temps !

Merci donc Sébastien, d’avoir eu le courage de recourir à ce phare d’humanisme qu’est Hugo pour justifier un génocide. C’était très émouvant. Avec des gens comme toi l’Occident et sa croisade pour extirper le mal non aligné qui sévit encore chez les nations inférieures a trouvé un distingué collaborateur.

[1] https://www.youtube.com/watch?v=zAmr6eKjjfc&ab_channel=LeParisien

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