Françoise Dubosquet

Enseignante et chercheuse, Université Rennes 2, Espagne contemporaine

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Billet de blog 19 mai 2015

Françoise Dubosquet

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Réforme, une vraie ?

Françoise Dubosquet

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Encore une réforme... décidément le temps politique n'est pas le temps scolaire! Chaque ministre sa réforme, pourtant c'est vrai qu'il a urgence... L'Ecole suscite tous les avis, tous les excès aussi... et nos chères têtes blondes sont pris dans la spirale des débats et des batailles en tout genre :  idéologique, lobbystique !! d'où un soupoudrage hallucinant pour ne vexer personne, voire touristique  (ex. le calendrier.)  qui dépasssent largement  et finissent par en oublier le véritable objet : préparer les futures générations!  

Entendre Sarkozy  donner des leçons, lui à qui l'on doit la disparition du stage et de l'entrée progressive dans le métier pour les enseignants, à qui l'on doit la suppression de postes, c'est vraiment un comble  ou un début d'Alzheimer ! 

Voir des étudiants arriver en première année d'université et qui ne savent pas "lire" : c'est à dire comprendre ce que dit un texte, l'analyser ou tout simplement exprimer un avis...  ou qui par ex. confondent cause et conséquence... c'est inquiétant et illustre l'état de notre système. Non, ils ne sont pas plus idiots que nous l'étions, simplement noyés le plus souvent dans une masse d'informations, de bouts de textes, de couper/coller, de clic et clac sur des supports dont ils n'ont parfois même pas idée de la source...  et  d'une langue qui se réduit... et qui réduit dangereusement la pensée.  Rendre responsables les collègues de lycée ou primaire n'a aucun sens,  quand je vois les conditions d'exercice sur le terrain, l'énergie mais aussi l'enthousiasme qu'ils déploient serait leur faire injure. Le problème est complexe et les racines profondes.

Mais voilà :

La première remarque : notre système scolaire et universitaire est plus napoléonien que républicain, hélas !!  C'est vrai que les bons élèves, les très bons se voient pris en charge avec un encadrement, heures et groupes adaptés !!!  Pour cela,  il suffit de comparer les coûts !  et en cas de doute,  l'origine des publics. A quand les conditions de la CPGE pour tous ?

Alors oui, il y a un problème, un gros problème. Massification n'est pas démocratisation et le problème vient de loin car dès l'école primaire, l'inégalité se crée et se déploie. L'exigence d'un niveau de formation pour tous est louable mais donner l'illusion du bac pour 80% d'une classe d'âge  ou 50% licence est dramatique. Et pourtant aujourd'hui, c'est une bien triste réalité.  Que faire ?

Laissons tomber ranking de réussites et performances. Revenons aux exercices de base en primaire pour que les acquis soient là, avec des enseignants formés non pas à remplir des évaluations et des sommes d'items, ni à traduire des textes ministériels qui vous tombent des mains...(Ayons une pensée pour ce bon vieux "référentiel bondissant" et autres trouvailles ;  cela dit les IUFM ou ESPE ont un langage qui n'a rien à leur envier !). Que nos élèves puissent simplement à apprendre à lire, comprendre, compter, organiser leur pensée peu à peu, à éveiller cette curiosité qui ne demande souvent qu'à grandir.  Apprendre à apprendre en gardant l'appétit. Enfin, tout simplement acquérir au fil des ans, une autonomie et être capable de continuer à se former s'ils le souhaitent ! C'est sans doute cela former un citoyen.

La pluridisciplinarité n'est pas non plus la panacée si elle devient une boîte de confettis. Pour qu'il y ait pluri-disciplinarité, il faut que les disciplines aient une existence réelle. A titre d'exemple : défendre le latin et le grec,  comme d'ailleurs toute langue. (Aujourd'hui une langue est conçue esssentiellement comme outil qui sert à vendre ou à demander une bière ou son chemin ! ). Si une langue est outil de communication, elle  est avant tout la rencontre avec l'Autre, une autre façon de voir, de penser, d'organiser sa réflexion, une histoire, des racines, un mode de dire et de vivre. Parler des HUMANITES semble relèver parfois d'une époque révolue, comme si Humanités était  synonyme d'objet désuet, un objet décoratif!. Pourtant sans ce terreau des Humanités, il ne  poussera pas grand chose !

Alors la mise en commun de disciplines avec des collègues formés, oui, bien sûr mais pas un exercice d'illusioniste pour camoufler une réduction de moyens, ni un bricolage pour donner l'illusion d'un vernis de compétences. Le tout est dans tout devient vite une soupe dont  l'élève se lasse rapidement et , on peut comprendre,  elle manque de goût, de caractère et de saveurs!

De plus, nous savons tous que, de la dotation horaire donnée à l'établissement ou du budget pour l'université, dépendront les choix et l'offre de formation de l'établissement. Alors ne laissons pas jouer la concurrence du terrain, déjà largement présente, mais la complémentarité dont l'Etat doit être garant au niveau de l'ensemble de son territoire, c'est le sens de "service public".

Construisons des équipes pédagogiques avec professeurs, CPE, documentaliste  et pourquoi pas une équipe élargie (psycho, infirmier, assistante sociale..)! Aucun enseignant ne peut cumuler toutes ces tâches et responsabilités. Mais cela veut dire aussi du temps d'échanges pris sur la semaine et sur le lieu de travail  c'est à dire repenser les services, les rythmes, les espaces. Le travail collectif ne se décrète pas, il se construit et  ne serait-ce que par une plage horaire dédiée, une vraie disponibilité donc  une prise en compte dans le service au sein d'une structure  adaptée et concertée. Cela signifie aussi des groupes de  taille gérable avec un vrai encadrement pluriel.

Bien sûr, tout cela a un vrai coût, comme celui de la formation des enseignants. Mais c'est d'autant plus coûteux qu'au vu des réformes antérieures, il y a un creux, voire un gouffre qui s'est installé... et que la collectivité paie déjà bien cher. On ne peut pas combler les effets de politiques désastreuses menées depuis de trop longues années en l'espace de quelques mois, mais y renoncer serait suicidaire.

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