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Billet de blog 14 août 2010

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LOCARNO, les derniers jours

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Le festival touche à sa fin et, comme pour les bons livres, sesdernières pages se tournent trop vite. On veut voir les films que l’on a ratéset le temps m’a manqué pour écrire sur tous les films que j’ai vus.

La Lisière, d’abord, une histoireinvraisemblable d’une bande d’adolescents plongés dans des jeux dangereux.Premier long métrage de Géraldine Bajard, le film a des qualités sans pourautant que la mayonnaise ne prenne vraiment. Bon scénario, bonne photo, bonsacteurs (Melvil Poupaud y est d’une terrifiante inconsistance), bonne musique,ambiance fantastique, il y a de la matière pourtant. Vous pourrez voir le filmà la rétrospective Locarno qui sera organisé au MK2 Quai de Seine.

Pour la plupart des adolescents, c’était la premièreexpérience au cinéma. Nous avions déjà vu Pauline Acquart dans Naissance des pieuvres, excellent filmde Céline Sciamma. Nous reverrons certainement la « belle gueule » dePhénix Brossard (Cédric), latendre Alice de Jode (Claire) et EliasBorst-Schumann (Matthieu), dont la finesse de jeu promet. Huit semaines detournage, un travail passionnant, de belles rencontres, raconte Elias Borst-Schuman,enthousiaste sur l’équipe etparticulièrement sur la réalisatrice qui n’a cessé de soutenir ses jeunesacteurs, pour la plupart non professionnels et rencontrés dans la rue. Elias, lui, a commencé sa carrière avec le chœur Sotto Voce dirigé par Scott Alan Prouty et a donc connu très jeune l'expérience des planches. Depuis, la passion du spectacle ne ne l'a pas quitté. Jetez un œil sur le blog de MelvilPoupaud (http://blogs.lesinrocks.com/poupaud/2010/08),vous y verrez une photo de ces trois-là avec Géraldine Bajard à Locarno.

Vous pourrez certainement voir à Paris dans les prochainsmois Han Jia (Vacances d’hiver), « la comédie la plus lente de l’histoire ducinéma » comme l’a présentée Olivier Père, directeur du festival.Il y a du Jim Jarmusch chez le réalisateur Li Hongqi, en plus grinçantpeut-être. On rit jaune devant ces interminables plans fixes où errent desadolescents désœuvrés et quasi hors langage. Les adultes ne sont guère plus bavards,témoin ce dîner en famille où l’on n’entend que l’aspiration très bruyante des nouilles ou les scènes tragi-comiques où grand-père et petit-fils passent des après-midientiers devant la télévision.

Très éprouvant et passionnant est le reportage de Xu Xin sur lacatastrophe de Karamay. En 1994, la salle des fêtes de Karamay fut le théâtred’une épouvantable tragédie : plus de 700 écoliers et leurs professeurs,soigneusement sélectionnés pour divertir une délégation de cadres du parti etdu gouvernement, étaient en pleine représentation lorsqu’un incendie sedéclara. On ordonna aux élèves de rester assis pour faire sortir les hôtes demarque les premiers. Avant que l’incendie ne soit contenu, 323 personnesavaient trouvé la mort, dont 288 enfants de 6 à 14 ans. Tous les officiels sontsurvécu. Après la tragédie, l’histoire fut censurée dans les médias chinois. XuXin est allé à Karamay et a enregistré la parole des parents qui ont bien voulu témoigner, carbeaucoup ont peur des représailles. A ce jour, aucune enquête sur l’accidentn’a été faite par les autorités et les réclamations vives de certains parentsont été punies de prison. Le film dure près de six heures, six heures pendantlesquels les parents racontent leur douleur, leur révolte devant tant de méprisdes autorités. Ils ont été autorisés à avoir un autre enfant, un autre enfant àqui ils n’ont rien raconté, pour le protéger, disent-ils. Ils savent que cesenfants connaissent la vérité mais, quand les enfants les interrogent, ils ne leurrépondent pas, ils n’en ont pas le courage : « Comment mon enfantpourra-t-il grandir si je lui dis que le Parti et que le gouvernement sontmauvais ? » explique l’une de ces mères inconsolables. La critique transpire dans chaque entretien : «Nous sommes tous coupables, nous avons été apathiques, tout le monde savait quece bâtiment était dangereux, que s’il y avait un accident, ce serait un drame.Nous le savions et nous n’avons pas protesté. Nous n’avons rien dit. » « Lasécurité est la première des priorités. Il y a trop d’accidents en Chine.Pourtant il n’y a rien de plus précieux que la vie humaine. » Quand on aperdu un enfant, que risque-t-on de pire ? « Ils peuvent m’empêcher deparler mais ils ne m’empêcheront pas de le penser. »

Françoise Mona Besson

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