Médiapart sacrifie aussi à vous donner quelques conseils de cadeaux de Noël. Cette année, les finances n'étant pas au plus haut pour la plupart, nous avons la possibilité, une fois n'est pas coutume, ne nous offrir un cadeau collectif et somptueux : Les Trois Grâces, de Lucas Cranach. C'est un sublime petit tableau que nous pourrons ainsi admirer avec d'autres, nos amis, nos parents, nos enfants, nos petits-enfants, nos arrière-petits-enfants et leurs amis, leurs enfants…
Son histoire ? allez vite la lire sur www.troisgraces.fr. Vous apprendrez presque tout sur ce petit bijou de la Renaissance que Lucas Cranach a peint en 1531, sans doute pour un de ses amis qui souhaitait en jouir de façon discrète. En effet, l'œuvre, qui se distingue par un érotisme d'une infinie délicatesse, est de petite taille (24 x 37 cm). Depuis 1531, elle a toujours appartenu à des collectionneurs privés.
Son dernier propriétaire souhaitant la vendre, le risque était grand que ce chef-d'œuvre quittât la France. La perfection de l'œuvre, sa rareté, son très bon état de conservation l'ont fait classer « trésor national » en juillet 2009. Ce qui a donné au musée du Louvre un délai de trente mois pour réunir la somme nécessaire à son achat. Sur les quatre millions d'euros réclamés par le vendeur, trois ont d'ores et déjà été réunis grâce au mécénat d'entreprises et aux crédits d'acquisition du musée. Reste un million d'euros à trouver avant le 31 janvier 2011 et le Louvre a lancé un appel aux dons vers le grand public. Une souscription publique avait en 1988 permis au Louvre d'acquérir Saint Thomas à la pique, de Georges de la Tour. Et le Château de Versailles avait aussi fait appel au public, après la tempête de 1999, afin de reboiser le parc sinistré.
L'opération devrait réussir. Il reste 64 jours et, hier, nous apprenions qu'un tiers du million d'euros manquant a été collecté. Toutes les sommes – entendons les plus modestes – sont acceptées, et 66 % du don sont déductibles des impôts. En clair, si vous versez 50 euros, votre don vous revient à 17 euros, si vous versez 100 euros, vous paierez effectivement 34 euros. À partir de 200 euros (soit 68 euros), une visite privée avec un conservateur vous sera proposée.
Pour ma part, et malgré les inévitables grincheux qui râlent qu'il soit ainsi fait appel à la « charité » publique ou qui voient dans l'œuvre une incitation à la pédophilie (sic !), je trouve l'initiative heureuse. Participer à l'achat d'une telle œuvre me réjouit, même si je ne peux pas donner les 500 euros qui me permettraient de la voir en visite privée et en avant-première. J'ai d'ailleurs lu quelque part que, filles de Jupiter et d'Eurynome et suivantes de Vénus ou d'Apollon, les Trois Grâces, aux prénoms oubliés d'Euphrosyne, de Thalie et d'Aglaé, avaient pour mission d'apporter la joie aux dieux et aux hommes.
Montesquieu disait qu'aucune mélancolie ne résiste à une heure de lecture, à l'opposé de la tristesse, offrons-nous le plaisir de pouvoir contempler ces étonnantes Trois Grâces !
Françoise Mona Besson