Depuis plusieurs années, partout en France, aux côtés des publics en situation d’éloignement numérique, des aidantes et aidants, des professionnelles et professionnels qui les accompagnent, nous travaillons sur la question très large de l’inclusion numérique et des évolutions que provoque le numérique dans notre démocratie.
Comme l'immense majorité des citoyennes et des citoyens, nous constatons la place éminemment politique du numérique dans notre vie quotidienne. Il conditionne notre façon de nous informer, de chercher un emploi, de travailler, de consommer ; il cadre le débat public et bien plus encore, notre capacité à accéder aux services publics. Il a provoqué et provoque toujours des difficultés susceptibles d’accentuer les inégalités sociales et les discriminations, voire d’en générer de nouvelles.
À ce titre, la dégradation de l’accessibilité aux services publics constitue l’une des conséquences les plus visibles d’une numérisation, pensée « par défaut », au service de la rationalisation des choix budgétaires et sans grande préparation ni concertation avec les actrices et acteurs concernés.
Cette numérisation des services s’est aussi et surtout accompagnée de la suppression d’un vaste espace de relations en face-à-face où il est possible d’exprimer et de comprendre les raisons d’un éloignement (et souvent d'un non-recours) pour tenter de prévenir des situations de crise.
Malgré un investissement à l'issue de la crise sanitaire, conséquent bien que tardif, dans une politique publique d'inclusion numérique construite entre l'Etat, les collectivités locales et les actrices et acteurs du secteur de la médiation sociale et numérique, malgré le dynamisme d’une filière professionnelle de l’accompagnement qui se structure afin de relever des défis toujours plus nombreux, force est de constater que la numérisation des services publics, avec les réductions budgétaires comme seule boussole, a abîmé les capacités d'agir de nombre de nos concitoyens et augmenté la défiance envers l'État.
Nous croyons que le vote de la semaine dernière dit aussi cela mais qu’il ne résoudra aucunement ces problèmes.
Nous croyons qu’il est légitime de s’interroger sur le rôle des politiques de transition numérique actuelles dans l’accroissement des inégalités sociales numériques et les effets qu’elles génèrent. Le ressentiment que l’on a si souvent évoqué ces derniers jours doit aussi s’analyser et se comprendre au prisme de ce numérique transversal à tous les faits sociaux.
Le programme du Rassemblement National pour ces élections (intitulé « Bardella, premier ministre ») ne mentionne pas une seule fois le terme « numérique ». À aucun moment il n’y est question des problèmes évoqués précédemment, d’incarner un numérique citoyen, plus éthique et plus démocratique. Sous l'impulsion de Jordan Bardella, le RN a, en effet, fait évoluer son rapport au numérique d'un courant de l'extrême droite à l'autre : d'une technophobie organique issue de la Nouvelle Droite vers un technosolutionisme emprunté aux libertariens. Ici, il n’est question que de sécurité, de souveraineté, de surveillance voire de transhumanisme. Il n’est jamais question d’un numérique juste, d'un numérique que l'on cesse de subir.
Nous pensons que le RN est totalement éloigné de ce que sont l’action et le service public pour un numérique d’intérêt général, des efforts de transparence et d’ouverture des données publiques. Au contraire, il n'a que très bien compris comment mettre le numérique au service de son projet destructeur pour la cohésion nationale. Nous ne pouvons que redouter un numérique mis au service de ce projet, visant à confier à des startups des pans entiers du service public, combattant tout effort de régulation à l'échelle européenne ou mettant en place surveillance et fichage des citoyennes et des citoyens. L'ordre illibéral qu'il promet ne s'arrêtera pas à la mise au pas du Conseil Constitutionnel mais également des autorités indépendantes comme la CNIL ou le Défenseur des Droits.
Nous mobiliser autour d'une dynamique d'intérêt général nous a permis de définir la médiation numérique que nous voulons : cette dernière est ouverte et universelle. Elle est la condition sine qua non d’un numérique de service public.
Pour toutes ces raisons, nous vous appelons à vous mobiliser lors du second tour des élections législatives dimanche prochain afin de faire barrage dans les urnes à l’extrême droite et au danger qu’elle représente pour nos services publics.
Signataires
- François Huguet, sociologue
- Pierre-Louis Rolle, ancien responsable de la politique publique d’inclusion numérique
- Claire Richard, auteure et documentariste
- Clément Mabi, maître de conférence en Science de l'information et de la communication
- Zoé Aegerter, designer
- Dorie Bruyas, Présidente de La Mednum, La coopérative des acteurs de l'inclusion numérique et directrice de Fréquence écoles
- Jan Büscher, Directeur général de La Mednum
- Baptiste Ridoux, Coordinateur de Tiers-Lieu
- Ariel Kyrou, essayiste philofictionnel
- Louise Robert, Ingénieure de recherche technologique (CHU de Montpellier)
- Églantine Dewitte, Directrice Générale des Assembleurs - Hub pour un numérique inclusif des Hauts-de-France
- Sylvain Paley, réalisateur du documentaire Hyperliens, l’autre visage de la France Numérique
- Laurent Tessier, professeur de sociologie
- Michael Bourgatte, professeur en sciences de l’information et de la communication
- Romain Barrallon, designer, membre du collectif Ouishare
- Valérie Peugeot, ancienne vice présidente de Conseil national du numérique, ancienne commissaire à la CNIL
- Romain Badouard, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication
- Timothée Goguely, designer et développeur web, maître de conférence associé en design numérique
- Yael Benayoun, sociologue
- Olivier Hirt, responsable du développement de la recherche de l’ENSCI Les Ateliers
- Corentin Voiseux, directeur général de Hypra
- Jean-Philippe Mengual, président de Hypra
- Louis-Jean Teitelbaum, designer
- Olivier Fournout, chercheur et écrivain
- Jeanne Chiche, designeuse sociale
- Caroline Very-Mathieu, conservatrice de bibliothèque
- Sophie Krawczik, designeuse sociale
- Garlann Tinel-Nizon, consultante formatrice et cheffe de projet inclusion numérique
- Stéphane Gardé, consultant formateur inclusion & médiation numérique
- Nicolas Ferran, directeur général association de lutte contre les exclusions
- Béatrice Gisclard, designer et enseignante chercheure
- Denis Pellerin, designer
- Caroline Corbal, ancienne coordinatrice du réseau Numerique En Commun[s]
- Louis Salgueiro, responsable de RhinOcc, Hub pour un numérique inclusif d'Occitanie
- Denis Pansu, animateur de réseaux d'acteurs du numérique
- Nicolas Loubet, chercheur et militant des communs
- Maxime Barilleau, délégué numérique dans l’enseignement secondaire
- Camille Montorio, chargée de projet numérique à la FOL Savoie - Ligue de l’enseignement 73 et Hinaura le hub pour un numérique inclusif d’Auvergne Rhône-Alpes
- Jean-Christophe Henrard, chargé de coordination de MedNum BFC, hub pour un numérique inclusif de Bourgogne-Franche-Comté
- Bernardu Cesari, Délégué général du Hub Corsica
- Omer Pesquer, consultant numérique pour les institutions culturelles, militant des {autres} numériques
- Thomas Thibault, designer numérique et chercheur en écoconception
- Louis Derrac, acteur indépendant et militant de l'éducation au numérique
- Antoine Potier, coordinateur du Hub Bretagne pour un numérique inclusif porté par la Fédération des Centres Sociaux de Bretagne
- Jeanne Bretécher, Directrice conseil chez Jungel Coop (Coopaname) et Présidente fondatrice de l'association Social Good Accelerator
- Jérémie Daum, conseiller numérique depuis 3 ans et formateur indépendant communication depuis 15 ans
- Marie Kérébel-Alary, Designer et médiatrice scientifique au Pavillon des Sciences à Montbéliard
- Pierre Gasté, DG ALPHALIA et co fondateur de Net Solidaire
- Christophe Cesetti facilitateur pour des usages numériques coopératif et humanistes
- Sandrine Desmurs, formatrice et responsable pôle numérique, Cefedem AuRA (enseignement supérieur Culture)
- Philippe-Claude Sagnes, médiateur numérique, sociétaire MedNum
- Anne-Charlotte Oriol, consultante indépendante en sociologie
- Sophie Pène, professeure émérite en sciences de l’information et de la communication, conseillère scientifique de la Cité du design, ancienne vice-présidente du Conseil National du Numérique
- Laurence Magnaudet, médiatrice numérique indépendante
- Céline Reynier, Chargée de mission, Conseil départemental du Gard, membre du RING
- Valérie Brujas, directrice de projets stratégie d'inclusion numérique, ville de Vaulx-en-Velin
- Daniel Membrives, président de Solidarnum porteur du hub Ultra Numérique
- Caroline Galumbo, consultante, formatrice
- Maxime Echene, étudiant
- Pascal Plantard, professeur des Universités, anthropologue des usages des technologies numériques à Université Rennes 2 - Co-directeur GIS M@rsouin - Membre du Conseil National des Villes et médiateur numérique historique
- Morgan Prigent médiateur numérique sur le service La Khaoua des Apprentis d’Auteuil
- emmanuel vergès, co-directeur de l’office à Marseille et co-directeur de l’Observatoire des Politiques Culturelles à Grenoble
- Emma Eyraud, chargée de mission numérique et Éducation aux médias et à l'information, Info-Jeunes Auvergne Rhône-Alpes
- Salim Dahbi, Sociologue - Chargé de mission Inclusion Numérique - Fédération des Centres sociaux et socioculturels de France
- Benoît Bonte, fondateur de Millionroads
- Anne Sungja Reboul, conseillère numérique - Combustible Numérique
- Maurice Ronai, ancien commissaire à la CNIL
- Emmanuel Vandamme, co-fondateur de POP et des Assembleurs
- Mathieu Muselet, responsable du pôle national numérique de la Ligue de l'enseignement