Je ne suis qu'un modeste participant à la mouvance FI... Méfiant à l'égard du parti de gauche (j'y ai adhéré en 2008 pour mieux m'en retirer par la suite, échaudé par la vilaine tambouille interne), préférant l'activité syndicale parce qu'elle participe plus directement du réel, je donne, quand je peux, un coup de main aux camarades qui animent l'activité de la France Insoumise en Sud-Vendée : ils ont bien du mérite et beaucoup de valeur !
Je me permets ici (soyons fous) de donner quelques petits ressentis personnels, histoire de m'éclaircir les idées, si possible. Si cela peut contribuer à la réflexion générale, tant mieux...Sinon, tant pis : de toute façon, etiam ruinae periere.
N.B : tout ce qui suit n'a aucune vocation à être une attaque contre le mouvement de la FI. C'est une "critique" au sens analytique : il s'agit d'analyser les causes d'un échec, je l'espère, temporaire.
"De la clarté avant toute chose..."
Ce qui me semble patent depuis les législatives, pour avoir contribué à la campagne modeste et géniale de mon groupe local, c'est l'absence de démocratie financière du mouvement sur le plan national. J'avoue ne pas comprendre que les subventions allouées à la FI ne redescendent pas un peu vers la base (ou alors, je comprends trop bien, c'est comme vous voulez...). Le groupe du Sud-Vendée ne dispose d' aucune autonomie financière, et du coup, est plus que gêné aux entournures pour animer le champ politique local. Que faire sans finances ? Quelle autonomie pour les militants ? Où sont parties les reversions liées aux votes ? Voilà les animateurs du groupe obligés de payer de leurs propres deniers les menus frais de campagne européenne... C'est quand même fort de café !
Autre aspect problématique : le "mouvement", c'est bien, c'est beau... Mais il n'y a pas d'organisation réelle, pas de structure... En tant qu'ancien militant de la fédération anarchiste, je pourrais m'en réjouir, m'en féliciter, même... Mais, où sont prises les décisions ? Quel mandat pour celles ou ceux qui participent aux réunions nationales de la FI ? Tout le monde participe, mais qui, au juste ? Le rejet de la forme partidaire, c'est bien... Mais l'horizontalité a ses risques, non ? Bref, la structuration pose problème, me semble-t-il.
"Gauche, vous avez dit gauche ?"
Clémentine Autain et d'autres appellent à un big bang de la gauche. La belle affaire ! Quelle gauche ?
Si c'est pour appeler à une gauche sociétale, celle qui se centre sur les minorités censées remplacer les prolétaires, être l'avant-garde de la transformation politique, c'est non ! Je tiens trop à la laïcité, par exemple. Et je me méfie du progressisme qui traverse le champ politique, de Macron à une certaine sociale-démocratie, voire à une partie de l'extrême-gauche. Ce n'est que mon avis, je le concède. En tout cas, je pense que cette voie est une impasse sur le plan stratégique : il n'y a pas d'adhésion massive de la base historique de la gauche à cette tentation sociétale.
Si la gauche, c'est celle qui retrouve encore plus de liens avec le syndicalisme de lutte, avec les formes d'éducation populaire, avec la laïcité de combat, avec l'idée de transformation et d'écologie sociales, c'est oui ! Un peu plus de nation au sens de la Révolution française, un peu moins de patriotisme, de Marseillaise entonnée, plus d'Internationale et de poings levés
Humain, trop humain ?
Mélenchon est parfois "sublime" : la campagne de 2017 a été un modèle d'intelligence, de clarté, de hauteur de vue. Hélas, trois fois hélas, le héros-héraut tombe aussi parfois dans le ruisseau des humeurs tristes, des colères "idiotes" : et c'est là que ce qu'il a remonté jusqu'au faîte de la colline, déboule jusqu'en bas... La construction de la FI est ainsi périodiquement mise à mal par son inventeur : voilà un triste scénario à répétition ! Alors, bien sûr, ces adorateurs diront qu'il est assailli par tous les chiens de garde du système : j'en conviens, mais cela l'empêche-t-il de se montrer intelligent, ce qu'il est en réalité ? J'aurais envie de dire qu'il est temps pour lui de prendre des vacances romaines ou autres... Mais, la politique, c'est de l'incarnation, malgré tout ce qu'on en dira : la jeune génération est-elle capable de prendre le relais ?
L'Europe, l'Europe...comme des cabris !
La séquence des européennes a été singulière pour la FI. On l'a vue moins tranchante qu'elle ne l'était sur la question des traités, plus conciliante avec l'idée de l'institution européenne elle-même. Il faut dire que la sensibilité associative et politique d'une Manon Aubry inclinait sans doute à assouplir le discours. Mais cet assouplissement, cet enrobage du discours, est-il une bonne idée ? A-t-il même été une bonne stratégie ? Cela mérite discussion, débat, non ?
Une petite dose de Marx, pour finir !
Marx a fait beaucoup de tort à la première et seconde Internationales, mais il n'a pas fait que des bêtises... Si, si ! Il a même dit des choses très vraies. Je pense de plus en plus que nous "crevons" d'avoir oublié des notions centrales de la "gauche" (pas celle du PS, qui n'est plus depuis longtemps dans ce champ politique). A commencer par celle de "classe sociale" : retrouver la conscience qui devait aller de pair, ce devrait être un objectif central d'éducation populaire de la FI et des syndicats dignes de ce nom. Le mouvement des gilets jaunes, c'est aussi un peu cela, la renaissance d'un sentiment d'appartenance, touffu, diffus, confus. Il est temps de refaire des classes sociales la mesure des possibles !
“Les individus ne constituent une classe que pour autant qu’ils ont à soutenir une lutte commune contre une autre classe ; pour le reste, ils s’affrontent en ennemis dans la concurrence” Marx
François Poupet, syndicaliste, électeur FI.