Il était une fois…a long time ago, dans un IUT très far far away, sur les marches d’une université de Francie occidentale…
En ce temps-là, dans cette contrée-là, il n’y avait plus que de la menue monnaie dans la cassette accordée par l’Université, qui elle-même dépérissait à vue d’œil : le roi Micron 1er, comme ses prédécesseurs, avait décidé, « par sa grande gidouille verte ! », de serrer le Kiki à ce qui n’était pas bankable, et de transformer l’enseignement supérieur en pompe à phynances.
Vrai, « penser », finalement, ça sert à quoi ?
« T’es rentable, coco? »
Aussi, fallait-il que la petite cour de cet Institut, qui ressemble à tous les autres, fasse des miracles en se fardant de manière outrageuse, en se haussant sur les talons hauts du monde de l’entreprise.
L’IUT, lentement, sûrement, marchait sur la tête, ou plutôt courait vers sa roche tarpéienne.
On ne parla plus vraiment « d’étudiants », mais de plus en plus « d’alternants », « d’apprentis » … On ne retint comme seule valeur des formations que le cash qu’elles « dégageaient » … On calculait les contrats, les projets, on avait le boulier dans le cerveau…et dans le cœur.
Fluctuat…et mergitur.
La formation initiale ? Mouais, ça ne rapporte rien, à part du Savoir. Et « ça », c’est peanuts, non ? Le langage se métamorphosa en argent. Miracle ! On entendit des sentences étonnantes, qui décoiffaient quand même un peu : l’on entonnait ad libitum le Te Deum du « modèle d’entreprise », qui s’élevait, glorieux, sous la nef des fous de l’IUT. On pria les veaux d’or, on écrivit d’autres tables des lois que celle de l’Ancien Monde.
Finalement, le langage était perverti, la pensée, torve. L’Université vivotait au stade terminal, et même les soins palliatifs ne faisaient pas passer la douleur d’une mort promise.
Le service public ? Pouah ! Beurk !
La dignité disparut en même temps qu’on ne croyait plus dans les valeurs du service public : du manant au Prince de la Présidence, ils étaient bien peu à croire encore à ces balivernes pour vieilles badernes pleines de cacochymies (« démocratie universitaire », « gratuité », « neutralité commerciale »,…).
« Tous pour un, et un contre tous ! », voilà le seul mot d’ordre qui dorénavant ralliait tout un chacun au panache blanc de l’Université-Enterprise… panache un peu gris, voire cra-cra.
La « solidarité », la « gratuité » du « service public » devinrent des gros mots (Affreux, affreux !) que seul un agent atteint du syndrome de Gilles de la Tourette pouvait prononcer à l’insu de son plein gré. Ou un vilain syndicaliste CGTiste, le couteau entre les dents, et la bave prolétarienne aux lèvres.
Les manants, les sans-dents, se regardaient en chiens de faïence ou l’air apeuré, inconscients de leur force. Mieux, ils « collaboraient » … En se concurrençant d’une manière libre et non faussée.
Si seulement ils s’étaient unis, si seulement ils s’étaient souvenus qu’ils étaient puissants…ensemble ! Le syndicalisme était alors une idée morte, on vivait au temps de la place de la Grève où les travailleurs louaient leurs bras à la journée. Les vacataires vaquaient, les contractuels étaient contraints par leur laisse. On ne faisait plus grève, on ne faisait plus « crosse en l’air ». On avait perdu le goût de la lutte.
Nous vous parlons d’un moyen-âge d’actualité !
Les loups sont entrés dans Paris…mais personne ne le dit !
Les activités des Doctes, des Maistres, ne furent plus tournées que vers la manière d’attirer les ducs, petits marquis, et tutti frutti, des entreprises locales. Dégager de la marge, assurer de la recette, payer les enseignants par la taxe du client-prescripteur. Voilà le deal, Frère ! On est en mode « Projet », Brother, dans les séminaires industrieux de la direction, avec les coaches en communication, en management : cibler le client, vendre la formation, l’expérience client, évaluer, etc. C’est le « job » !
Mais revenons à nos moutons de Panurge !
Il fallait donc rentrer dans les fonds : on engagea des mercenaires du privé, des coupeurs de tête patentés, pour dégoter à foison des contrats de serfs alternants, pour faire les yeux de Chimène aux « entrepreneurs ». Et de l’autre côté, la Présidence, tout là-haut, serra encore plus le kiki des dotations : « vous êtes des winners, des killers, les gars et les filles (soyons inclusifs), vous n’avez pas besoin d’argent de notre part. Mieux, comme on est sympas, on va augmenter la gabelle universitaire sur vos formations ». L’addition se fit salée. Le serpent se mordit la queue : plus on « gagnait » de la poudre d’or, plus elle s’envolait dans les nuées des taxes et des surcoûts.
Dans la nuit de l’ultra-libéralisme, les mains sont libres, les yeux, aveugles...
Certains petits renards aux dents acérées s’en tiraient bien… Très bien… Ils louvoyaient dans les arrière-cours du Roi, dans les salons des échevins. Ils connaissaient les petits marquis des Marches, les potentats locaux, les pythies présidentielles… A eux, les subventions, les pactoles en tous genres, la gloire et la beauté, le poulailler tout entier. Miam !
On prit des libertés avec la morale, l’éthique, on ne rechigna pas aux emplois entre chien et loup, dans le gris ; on se prit au jeu des petits trafics en tous genres…
« Ces gens-là, Monsieur », ils étaient couverts par les réseaux qu’ils avaient su tisser, et par l’omerta…Cosa nostra du mandarinat et de l’entre-soi…
Duel, en bas, en pleine pénombre...
Comme c’était la « famine », qu’il n’y avait pas d’argent si ce n’est en le soutirant à la force des dents, on se « les » montra entre collègues de départements. L’ambiance était lourde, sanieuse. On était prêts à tout. A mentir, surtout. Et à planter des petits couteaux suisses ou ses canines dans le dos.
Les postes d’enseignants et des autres agents disparaissaient, gelés par le froid du déficit budgétaire, on se battit pour les reliefs : les hyènes au large sourire tournèrent autour des carcasses de départs à la retraite, avec le regard chafouin et de travers. Les agneaux, s’ils ne devenaient pas des lions, bêlaient dans le désert, avant d’être égorgés tout net. Couic !
Winter is déjà là
Sur ces marches de la Francie de l’Ouest, on grenouillait donc dans les bénitiers de la Présidence, on acérait les couteaux, on les aiguisait dans les refends sombres. Les yeux plissés luisaient. On complotait in petto.
Au final, il faisait bien froid, il neigeait même de l’égoïsme, du cynisme, du découragement, de la colère, de l’épuisement, de l’incompétence, des non-dits, des ressentiments…
Morale et Envoi !
« L’espoir luisait, {pourtant} comme un brin de paille, au fond de l’étable » … Comme un embrasement possible où les sans-dents se déferaient de leurs dentiers et mordraient à même le squelette du business-plan universitaire.
Rêvons un peu ! Il suffirait d’entrebâiller la porte, juste un peu…
François Poupet, syndicaliste CGT