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Billet de blog 31 décembre 2018

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Un peuple déconstruit ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cicéron établissait une différence entre la « turba », la « multitudo », faite d’une masse sans âme, et le « populus », réuni par une « communauté de destin », par un tissu de sens.
Il est troublant aujourd’hui d’assister à un double mouvement avec l’irrruption des gilets jaunes sur la scène politique.

Il y a, d’une part, re-surgissement d’une entité protestataire. Mais, elle n’est pas animée par un sens « commun » : cela tire à hue et à dia entre des mouvances de gauche dure et de droite, voire d’extrême droite. La renaissance du peuple est alors incertaine : sera-t-elle ancrée dans la filiation de la révolution française, ou dans celle d’un nationalisme étriqué ?

En même temps, se manifeste un sentiment de « spoliation » sociale, mais sans redécouverte réelle des mécanismes de l’aliénation sociale. La conscience de classe (au sens économique et politique) n’existe qu’en creux…en filigrane. Alors qu’elle devrait retrouver tout son sens dans un moment où l’on voit le triomphe du capitalisme affublé du nom de « néo-libéralisme ».

On voudrait se réjouir, de cette levée de sèves, on s’inquiète de la déconstruction des idées qu’elle manifeste. Les syndicats sont dans les choux, les mouvements politiques de gauche aussi (je ne parle pas du PS). Certes, on pourrait ne pas s’en inquiéter… Mais, la dilution de l’idée de représentation n’amènera-t-elle pas à une agonie progressive de cet élan trublion ? Au profit du Rassemblement National ? La nature n’a-t-elle pas horreur du vide ?

Il faudrait « converger » pour que le pouvoir fléchisse réellement, pour qu’un autre modèle politique puisse voir le jour… La mise à l’écart des partis, des syndicats est dans un premier temps un catalyseur, mais elle peut aussi amener à l’étiolement des Gilets jaunes, à son délitement et, in fine, à celui du corps politique français.

Et puis, et puis… N’oublions pas que ce mouvement « populaire » ne l’est pas tant que cela : nous avons été les spectateurs d’une « grève » (sans grève) par procuration, avec une « avant-garde » nouvelle composée de femmes, d’obscurs, de sans-grades. Mais les salarié.es et les agent.es de la fonction publique, n’ont pas rejoint les ronds-points ni le « mouvement ». Beaucoup d’individualisme, de peurs, de lâchetés animent les travailleurs (je sais, j’ai dit un gros mot). Le 14 décembre, nous étions bien seuls dans la rue, à l’appel des syndicats dignes de ce nom.

Pas de « révolution » sans engagement massif, sans grève générale, sans blocage de l’économie : pas de redistribution des richesses, de politique sociale et écologique sans donner de soi dans la pérennité de la syndicalisation, du militantisme (je sais, je suis archaïque et rabat-joie).

Gare au retour de bâton régressif de la puissance néolibérale (armée de ses cadres, de ses médias, de ses incarnations), gare à la réaction !

Ou alors, je me trompe totalement, ce qui est très possible : si c’est le cas, « Gare à la revanche, quand tous les pauvres… ».

F. Poupet

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