Ève. Retable de Gand, par Jan van Eyck (détail, 1432).
Plongé dans mon quotidien de la veille que je lis paresseusement le matin dans mon lit encore tiède de la nuit, il me semble entendre des pleurs, ou des cris ou des rires qui proviennent du verger. De loin, il y a une similitude de sons pour exprimer la joie, la crainte et la douleur. Je ne bouge pas, je ne saute pas du lit, je tends l’oreille afin d’affiner mon écoute. A n’en pas douter, il s’agit de la voix claire d'une femme. Tic et Tac, les chatons que nous venons d’adopter ont-ils encore fait des crasses ? Tic, le plus téméraire, a-t-il dégringolé d’un olivier ? Bayard, le chien du voisin, aurait-il fait qu’une bouchée de Tac ?
Un instant d’après, mon épouse m’apporte le café en sanglotant, tremblante de peur. Je n’ose croire à un drame ni imaginer le pire. Elle n’est pas blessée, elle pleure de toutes ses larmes, elle suffoque. Entre deux respirations, elle parvient à me dire que ma copine la surprise dans le local à piscine. Quelle salope… elle pouvait attendre que je vienne la rencontrer, comme souvent, au bord de la roubine. Il y a des années que l’on se fréquente tous les deux au petit matin. Elle a pris du poids, de la grandeur et pris ses distances avec le mas. Hautaine, elle parade alentour, bien que je la néglige, que je fais mine de l’ignorer. Elle ne manque jamais, au printemps, de me laisser sa peau soyeuse en souvenir… Alors ma couleuvre chérie s’est vengée, comme autrefois, du temps d’Adam et Eve !
