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Billet de blog 23 juillet 2008

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L'Alpe d'Huez...

Dans mon bouquin : « Je crois en Dieu, moi non plus… », publié chez l’Harmattan en 2006, je narrais le Tour de France d’Alex Legrand dans les années cinquante.

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Dans mon bouquin : « Je crois en Dieu, moi non plus… », publié chez l’Harmattan en 2006, je narrais le Tour de France d’Alex Legrand dans les années cinquante.

En voici un extrait :

Branle-bas de combat à la conserverie.

PAL préparait son tour de France, le Tour de France des conserves LEGRAND dans la caravane publicitaire ! Quelle folie !

A l’atelier de l’usine, des peintres s’affairaient autour de trois véhicules de carnaval. PAL, étant “accro” au lion de Belfort, s’était fait livrer des châssis-cabines Peugeot 203 sur lesquels étaient fixées en oblique d’énormes boîtes de conserves LEGRAND, l’une pour la macédoine de fruits, la deuxième pour celle de légumes et la troisième surmontée d’une pomme rouge plus grosse que la boîte avec, de chaque côté de ce véhicule lunaire, le slogan : “Pas de pépins avec les Pommes LEGRAND”

- Alex, mon garçon, je t’ai réservé une surprise, tu feras quelques étapes du Tour avec nous.

Pour une surprise, c’en était une de taille et, ne pouvant cacher ma joie, je l’embrassai, ce qui le surprit car ce n’était pas dans nos habitudes.

C’est ainsi que je me retrouvai quelque part dans les Alpes, au bord d’un lac, à Annecy-le-Vieux, à l’arrivée d’une étape. Le lendemain, je prenais place dans le véhicule de tête, celui de la pomme rouge, à côté du chauffeur de la maison, Olivier, que je connaissais bien. C’était un mec sympa, baraqué comme un lanceur de javelot, qui lorgnait les filles du convoi. Car PAL avait organisé sa caravane comme un professionnel de la publicité, en copiant les shampooings DOP qui, eux, n’en étaient pas à leur premier Tour.

Sur chaque véhicule, il y avait deux demoiselles vêtues d’une robe Vichy rose qui sautaient de leur strapontin pour distribuer au public massé le long de la route du Tour, non pas des échantillons de décrasse cheveux mais des tubes miniatures de purée de Pommes LEGRAND.

Dès qu’il y avait du monde, Olivier klaxonnait à tue-tête, arrêtait le monstre, s’emparait d’un micro et gueulait :

- Mesdames et messieurs, chers enfants, les conserves LEGRAND, les conserves sans pépins, vous disent bonjour. Le peloton est encore groupé dans la plaine, vous allez le voir arriver dans une demi-heure; en attendant, nos hôtesses vous offriront des tubes de Pommes LEGRAND, la pomme des pommes que vous trouverez dans toutes les épiceries de votre région.

Quelle santé ! Olivier répétait son boniment du départ à l’arrivée et, le soir, il était aphone. Je me suis pris au jeu et le lendemain on alternait au micro.

La caravane publicitaire, c’était un autre tour dans le Tour. On ne voyait jamais les cyclistes arc-boutés sur leur bécane, suants, grimaçants dans l’ascension des cols, bravant la pluie, le brouillard et même une fois la neige qui était au rendez-vous au sommet de l’Alpe d’Huez.

Seule la radio du Tour nous renseignait en continu sur la position des coureurs, ce qui permettait à Olivier de jouer les reporters en imitant un célèbre journaliste sportif. Une ou deux fois, j’avais réussi à rejoindre l’arrivée depuis le parking de la caravane, me faufilant, grâce à mon badge, près du podium. Je n’étais pas peu fier d’avoir obtenu un autographe du leader, du maillot jaune Jacques Anquetil.

La nuit venue, à l’hôtel ou parfois chez l’habitant, je partageais ma chambre avec Olivier. Dès que je faisais semblant de dormir, il s’esquivait sur la pointe de ses grands pieds pour ne revenir qu’au petit matin...

J’ai cru comprendre qu’il n’était pas insensible au charme des hôtesses qui, elles, d’ailleurs, aux repas du soir, toute l’équipe LEGRAND réunie, ne manquaient pas une occasion de me titiller. Leurs plaisanteries n’étaient pas toujours du meilleur goût à l’encontre du grand puceau, le fils du patron. Elles m’avaient même fait prendre la première cuite de ma vie, moi qui n’avais jamais goûté le moindre alcool. Le lendemain, je m’étais réveillé dans mon lit avec un mal de crâne carabiné, sans savoir quelle bonne âme charitable m’avait mis à nu et m’avait peut-être fait subir les premiers outrages...

Le Tour ayant abordé les rivages de la Méditerranée, PAL me fit savoir que pour moi, la cavalcade se terminait et que la voiture-balai me déposerait à Saint-Raphaël, lieu habituel des vacances familiales.

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