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Billet de blog 24 avril 2009

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20 ans déjà, le massacre de la place Tian An Men...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les manifestations de la place Tiananmen en 1989 sont le symbole du mouvement étudiant qui exigeait des réformes politiques et dénonçait la corruption en République populaire de Chine. La répression sanglante qui s'ensuivit de manifestants pacifiques sur la place Tiananmen est l'une des images fortes de la lutte pour la démocratie en Chine et dans le monde entier
Le nombre de victimes est évalué à 1 400 au cours du seul week-end, auxquels s'ajoutent plus de 10 000 blessés.
Des dizaines de milliers de personnes sont également arrêtées durant les semaines suivantes. Par la suite, des procès eurent lieu, plusieurs insurgés furent envoyés en prison, quelques autres furent condamnés à mort et fusillés.
Voici ce que j’écrivais au moment de ces événements, en avril-mai 1989 :
L’Empire immobile

Les étudiants chinois ont pris d’assaut la place Tiananmen comme naguère les français la Sorbonne. Ils narguent les vieux caciques du régime, sympathisent avec les militaires, donnent des interviews aux médias occidentaux.

L’inimaginable se produit sous nos yeux, en direct. On chante la Marseillaise en français. Le secrétaire général du Parti communiste chinois, Zhao Ziyang, fait une autocritique pathétique. Le grand-père de la réforme économique, le riche Deng Xiaoping, se terre dans sa villa impériale. L’ordre, la discipline millénaire des Chinois sont battus en brèche.

Un espoir fou nous envahit. Nous nous mettons à rêver d’une Chine libre, démocratique, moderne. Dans ce continent immense, sur la plus grande place du monde, tout prend des proportions gigantesques, pour nous Européens. La Chine de Peyrefitte s’éveille enfin. C’est le plus beau cadeau du « Bicentenaire ». Les télescripteurs crachent des infos jour et nuit. Il n’y a plus de censure. C’est l’Amérique !

Un million de révolutionnaires réunis pour le meilleur ou pour le pire dans un même élan de liberté, est-ce suffisant pour infléchir, renverser la caste des impérialistes rouges ?

Comment expliquer l’attentisme des autorités chinoises ? Querelles intestines sur l’attitude à prendre ? Fermeté, répression ou récupération de la manif ? Chacun y va de sa petite idée sur ce qui va arriver, une fois l’engouement de la contestation passé.

La mienne est toute simple, logique. Si l’on se réfère à l’histoire plusieurs fois millénaires de la Chine, le grand chambardement n’est pas pour aujourd’hui ni pour demain. Le peuple chinois a toujours remis son destin entre les mains d’une dynastie, d’un Empereur. Le dernier en date s’appelait Mao. Ses vieux camarades de la longue marche sont toujours là avec l’appui inconditionnel d’un Parti communiste omniprésent, et d’une armée puissante, aux ordres.

Par rapport à plus d’un milliard de Chinois, les étudiants ne représentent qu’un pour mille de la population. Autant dire rien, à peine un moustique qui vous agace, qui vous pique en surface. Un signe ne trompe pas : la campagne, les paysans qui constituent 70% du peuple n’ont pas levé le petit doigt. Cette révolution mort-née est purement citadine, occidentale. On ne manipule par le quart de l’humanité comme une équipe de football.

Les chancelleries d’occident suivent les événements sans mot dire. Motus et bouche cousue. De tels bouleversements compromettent l’ordre des choses. Exportations bloquées, contrats suspendus. C’est le désordre, comme en mai 68. On n’apprécie pas cette chienlit qui perturbe le commerce mondial, les affaires. Pour les stratèges politiques du monde libre, ce qui se passe en Chine est une affaire sino-chinoise. Elle doit le rester. Il sera toujours temps d’aviser le moment venu, le plus tard possible, ou jamais. Des protestations s’élèveront ici ou là, pour la forme. Plus l’Empire du milieu se maintiendra en régime féodal, plus le péril jaune s’éloignera de l’occident. L’essentiel, c’est l’économie, la démocratie peut attendre !

Une nouvelle page de l’histoire s’est écrite sur nos écrans de télévision. Ces images folles resteront pour un temps dans les mémoires. Le temps de cicatriser les plaies, de colmater les failles du système. Lorsque la direction du Parti estimera que la récréation a assez duré, que le mouvement est à bout de souffle, la garde prétorienne lâchera ses chars sur les derniers récalcitrants. La vie d’un adolescent ne compte pas. Seule la survie du système, des privilégiés du régime est d’importance dans cet Empire immobile.

Ecouter sur France-Inter l'émission "Interception" du dimanche 26 avril 2009 :

http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/interception/index.php?id=78565

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