Fred Oberson (avatar)

Fred Oberson

Cultive les oliviers et l'écriture...

Abonné·e de Mediapart

545 Billets

6 Éditions

Billet de blog 28 août 2008

Fred Oberson (avatar)

Fred Oberson

Cultive les oliviers et l'écriture...

Abonné·e de Mediapart

Grâce à Mediapart (2)

Fred Oberson (avatar)

Fred Oberson

Cultive les oliviers et l'écriture...

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je dis bien « grâce », uniquement, ayant pris soin de supprimer « à cause » paru dans mon premier billet du 22 août.

Donc grâce à Mediapart, nous avons eu le plaisir de découvrir les premières pages du roman de Nina Bouraoui, « Appelez-moi par mon prénom » à paraître le 4 septembre chez Stock. Elle écrit, avec toute la sensibilité qu’est la sienne, un hymne à l’amour pour P., ce jeune homme rencontré lors d’une séance de dédicaces. J’attends avec impatience la sortie du livre pour découvrir la suite de cette aventure sentimentale, ce récit apparemment autobiographique. Il y a donc encore des femmes amoureuses contrairement à des auteurs, hélas à succès, Millet et Angot, qui se vautrent dans la fange sexuelle.

N’ayant pas le talent de Nina Bouraoui, j’hésite, depuis une semaine, à publier la suite des extraits de mon prochain bouquin (Chapitre 14 – C’est Elle) alors que les commentaires des « dames » de Mediapart m’incitaient à le faire !

Enfin, pour ne pas les décevoir, je me jette à l’eau :

… De son côté, Elle vivait une étape cruciale de sa vie intime. Elle s’était trompée en épousant très jeune un homme avec lequel, maintenant, tout était remis en question. Bel homme, sympa, charmeur, baiseur et pas sentimental pour un sou. Longtemps après l’avoir quitté, Elle eut connaissance des ses infidélités. Ce n’est donc pas pour cette raison qu’elle avait envisagé la rupture. Le couple n’avait sans doute plus rien à se dire, plus rien à partager, rien à construire, en un mot : l’encéphalogramme plat. On ne change pas pour changer, d’où la période d’expectative dans laquelle Elle se trouvait.

Les mois passèrent. Il faut parfois ajouter du temps au temps pour y voir clair, pour que les faits se précisent, se décantent. Les sentiments de John n’avaient pas changé d’un iota. Il attendait fébrilement un signe qui ne venait pas. A se désespérer. Pourquoi était-ce Elle et pas une autre ? Il réfléchit. Etait-ce vraiment Elle ou le désir, l’envie de quitter le foyer conjugal qui le poussait vers cette femme ? N’avait-il pas envisagé de redevenir célibataire, de vivre seul pour un temps ? Une période qui lui permettrait de s’affranchir de toute attache. Le temps d’être libre, de fuir le mensonge et la double vie, de n’avoir à rendre de comptes ni à Dieu, ni à diable et encore moins à une épouse !

John allait battre en retraite lorsqu’un événement vint remettre tout en question : la soirée, la fête de fin d’année de l’entreprise qui avait pour thème les années 1900-1930. Chacun avait relevé le défi de la mascarade. Les hommes portaient queue-de-pie, chemise à jabot, haut-de-forme et souliers à boucle. D’autres jouaient les gigolos, les macs, vêtus d’un costume et d’une chemise à rayures, le panama sur la tête et le havane en bouche. Quant à la gent féminine, les femmes de la tribu, elles avaient rivalisé d’audace pour être chacune la plus belle, la plus affriolante, la plus désirable de la fête. On eût dit une rétrospective du Moulin Rouge. Toulouse-Lautrec et la Goulue avaient dû inspirer celles qui portaient robe de mousseline, gorge généreuse et coiffe de paille ornée de fruits et de fleurs. Les girls avaient opté pour la tenue french cancan et rivalisaient avec les petits lapins de Play Boy.

Par le hasard du tirage au sort, Elle se trouva assise à côté de John lors du dîner aux chandelles qui précédait la distribution des cadeaux et le bal musette. L’ambiance était favorable au laisser aller, aux confidences, aux apartés. Resplendissante, sublime de naturel, Elle l’était plus que toute autre. Il ne voyait qu’Elle, il lui sembla que ses yeux s’incrustaient dans les siens. Intimidé, flageolant comme un gamin, il l’invita à danser et comprit en l’enserrant dans ses bras, en lui glissant à l’oreille des mots cent fois enfouis dans son cœur, qu’Elle avait changé totalement d’attitude, métamorphosée comme un bouton de rose qui en une nuit s’ouvre pour saluer le premier soleil du matin. Comme pour un enfant, la gestation de son amour avait duré neuf mois.

Elle l’aimait, Elle le lui dit, le répéta une fois, deux, dix fois peut-être, et le confirma par un chaste baiser avant de s’en aller, la fête finie. Il était sûr maintenant qu’une autre fête sans fin allait commencer. Seule ombre à cet amour naissant, il ne la verrait pas d’une dizaine de jours, car elle partait en vacances. Son absence, à la fois insupportable, douce et mélancolique, comme un supplice agréable, comme un rêve dont on cherche à se souvenir, dura une éternité. Elle décupla la force de leur amour.

A son retour, tout alla très vite. Le feu, ayant couvé depuis des mois, s’enflamma en une torche fusionnelle, passionnelle. En moins d’une semaine, ils furent amants, firent leurs valises, quittèrent tous deux le foyer conjugal et décidèrent de vivre ensemble...

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.